Définir la pénibilité au travail?

Écrit par Frédérique PRIVAT, La Grande Epoque
07.11.2010

  • u00ab Responsable de tentatives de suicides ou de séjours en centres de repos, le stress est devenu le quotidien de bons nombres de travailleurs. »(Photo.com)(攝影: / 大紀元)

Avec pour toile de fond la réforme des retraites, la France a connu plusieurs semaines d’un climat social très tendu. Les 16 millions de retraités, équivalant au quart des Français, révèlent un vieillissement évident de la population et donc une augmentation de la contribution pour les actifs. En effet, le nombre de retraités est en augmentation régulière, alors que celui des cotisants diminuerait chaque année. Depuis 2006, on observe un taux de 1,8 cotisant pour un retraité, d’où la difficulté pour les actifs de supporter la totalité des retraites des seniors : une retraite sur dix n’étant pas financée. Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a dressé un rapport préoccupant qui fait état d’un besoin de financement des retraites de  30 milliards d’euros en 2010, chiffre qui ne cessera d’augmenter et devrait passer à 70 milliards d’euros pour 2030.

Déjà prévue pour 2012, lors de la précédente loi de 2003, une réforme des retraites a donc été jugée nécessaire pour créer un nouvel appel d’air afin d’endiguer ce gouffre financier : d’où la proposition du Gouvernement quant à l’âge de départ à la retraite. L’âge légal de départ serait repoussé à 62 ans en 2018 au lieu des 60 ans actuels, avec un âge de départ à taux plein (quelque soit le nombre d’annuités) à 67 ans au lieu des 65 actuels.

Face à cette baisse des cotisants, des réactions diverses s’élèvent afin de proposer d’autres solutions à cet état de fait. Les plus récurrentes proposent d’embaucher davantage de jeunes en créant (ou recréant) des emplois qui ont existé il y a peu et qui tendent à disparaître, de revoir les retraites des députés, sénateurs et autres politiques, ou encore de demander le remboursement des cotisations sociales à certains organismes d’État ou entreprises privées …

La pénibilité, prouvée par le travailleur

Face aux réactions unanimes de la majorité des secteurs d’activité et de leurs représentants syndicaux, le gouvernement a lâché du lest en proposant quelques mesures visant à assouplir cette réforme, dont celle concernant la pénibilité au travail.

Définie comme une dégradation de la santé d’un travailleur suite aux expositions à des facteurs liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes répétitifs de travail, la pénibilité devra être prouvée par le salarié. Ce dernier verrait son départ à la retraite maintenu à 60 ans, au lieu des 62 ans appliqués au reste de la population. Pour cela, il devrait prouver une incapacité égale ou supérieure à 20 %.

Seulement après les manifestations de septembre 2010, le chef de l’État a annoncé que ce seuil d’incapacité pourrait être abaissé à 10 %, ce qui relèverait de 20.000 le nombre de personnes touchées par cette incapacité.

Une prise en compte des facteurs externes ?

Dans les faits, ce sont les emplois de nuit ou en rythme alternant qui sont les principales raisons à l’origine de la pénibilité. Or, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), paru en juin 2010 révèle que cela concernerait près de quatre millions de travailleurs, soit 1 sur 5 en France. La pénibilité est prouvée en cas d’incapacité avérée, mais que faire pour les personnes exposées qui peuvent développer des incapacités sur le long terme ? L’incapacité est aussi le produit d’un « mix » incluant d’abord la pénibilité au travail mais aussi des facteurs externes tels que l’hygiène de vie de la personne ou encore son hérédité, éléments plus difficilement détectables par les médecins du travail.

Ces troubles se déclarant sur le long terme sont aussi variables, allant des troubles digestifs, des troubles du sommeil jusqu’aux accidents cardiovasculaires et aux cancers. L’exposition aux produits toxiques est, elle aussi, mise sur la sellette puisqu’on estime que plusieurs milliers de cancers, causés par ce type d’exposition, se déclencheraient après une longue période.

D’où l’idée de miser sur la prévention de la pénibilité et dans cette optique, les entreprises seront amenées à négocier des accords de prévention, sous peine d’une sanction financière « égale à 1 % de la masse salariale » ; les aménagements de fin de carrière seront aussi au programme des obligations de l’entreprise envers ses salariés « usés ». Parallèlement, un « comité scientifique » sera créé pour établir les liens avérés entre certains facteurs d’exposition pendant la carrière (pénibilité physique, environnement agressif, horaires décalés) et une santé altérée après le départ à la retraite.

Outre les horaires décalés, les emplois nécessitant des charges physiques ou l’exposition à des produits toxiques, il est un autre facteur qui semble encore plus difficile à mesurer. Il s’agit du stress. Responsable de tentatives de suicides ou de séjours en centres de repos, le stress est devenu le quotidien de bons nombres de travailleurs. Souvent imputés à ceux qui travaillent face au « grand public » (secteurs de la santé, de l’éducation), il est pourtant bien présent dans des secteurs aussi divers que les télécommunications ou la production automobile, les derniers faits d’actualité en sont malheureusement les témoins amers.

La pénibilité est une notion fort intéressante à étudier afin de mieux prendre en compte les difficultés des travailleurs, mais aussi complexe quant à lui trouver une définition si précise soit-elle.