La cité des enfants perdus

Écrit par Li Jingyi et Gao Zitan, La Grande Epoque
07.12.2010
  • Plus de trente parents venus de différents endroits de Chine exposent des photos de leurs enfants perdus à Pékin.( La Grande Epoque)(攝影: / 大紀元)

Ils sont oubliés, comme le sont leurs enfants disparus dont les noms et les photos se multiplient sur les poteaux électriques et les murs des grandes villes chinoises. Le 29 septembre, The Epoch Times a interrogé plusieurs de ces parents dont la vie se passe à imaginer ce qu’a pu devenir leur fils ou leur fille: «Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul enfant dans chaque foyer. Perdre un enfant, c'est comme la fin du monde», nous explique l'un d’eux. «Nous montrons ces photos à Pékin pour sensibiliser l’opinion, et pour que cela n'arrive pas à d'autres familles».

L’un d’entre eux explique comment la police les a pris en chasse alors qu’ils cherchaient leurs enfants dans les rues de Pékin: «Un ami à Pékin m’a appelé hier, il m’a dit que les responsables communistes et la police sont arrivés à l’endroit où nous avions tenu notre activité, ils nous cherchaient pour nous arrêter et nous renvoyer chez nous».

Sont-ils poursuivis parce qu’ils exposent une réalité peu glorieuse? «Le parti communiste nous chasse parce qu’il trouve que c’est une honte pour lui, qu’il y ait tant d’enfants disparus», explique une mère.

Les parents ne se positionnent pourtant pas comme des critiques du régime chinois: ils demandent par contre des lois plus strictes contre le trafic d’êtres humains: «Le parti doit prendre cela au sérieux. Il est tragique de voir de plus en plus de familles brisées en Chine».

M. Zheng raconte une histoire typique, celle de la disparition de son fils:  «Je viens d’un village du Hebei, j’ai perdu mon fils quand il avait 15 ans. Cela fait quatre ans maintenant et je ne peux pas le trouver». M. Zheng avait envoyé en 2006 son fils à Pékin pour aider son oncle dans un commerce de vente de kebabs. Un matin, quand l’oncle s’est réveillé, l’adolescent avait disparu sans laisser de traces.

«Ces quatre dernières années, je suis allé chercher mon fils partout. Dans notre village, il n’y a aucun système de retraite et ce sont les jeunes qui prennent soin des aînés quand ils sont vieux. Ma femme a fait une dépression, elle pleure toute la journée et reste collée au téléphone à attendre un appel. C’est impossible pour moi de rester là-bas», explique M. Zheng.

«Après avoir perdu mon fils, j’ai prêté plus d’attention aux nouvelles sur les enfants disparus», explique-t-il. «Le régime ment et cherche à dissimuler ces crimes. Par exemple, quand deux enfants disparaissent, les médias d’État disent qu’il n’y a eu qu’un disparu; quand ils en retrouvent deux, ils disent en avoir retrouvé dix».

Dans ses recherches, M. Zheng a fait la connaissance d’autres parents dans la même situation que lui: «Maintenant, ma voiture est couverte des photographies d’enfants disparus de Shenzhen, du Guangdong et du Shanxi. Vous savez, il y en a de plus en plus en Chine.»

Seul soulagement pour M. Zheng, les messages de sympathie venant de l’étranger – en particulier des États-Unis et de Nouvelle-Zélande et l’implication des médias étrangers.

Il cite par exemple le moment où une dizaine de parents a collé des affiches dans la ville de Shenzhen, avec les photographies de leurs enfants. Les parents ont alors été arrêtés par la police et leur voiture a été confisquée. Il leur est reproché de vouloir déstabiliser l’État. «Ces parents m’ont appelé et j’ai rapidement pu contacter un journal aux États-Unis. Quand la police a reçu des appels par les médias, elle a libéré les parents.»

Un autre père, Li Jiancheng, a aussi perdu son fils – un nourrisson cette fois : «Début septembre, ma femme et moi nous sommes réveillés le matin et avons découvert que notre fils de quatre mois qui dormait à sa droite avait disparu. Nous avons appelé la police et ils sont venus – mais ils n’ont trouvé aucun indice. Depuis nous le recherchons».

Solidarité à expansion, depuis qu’un ami proche de M. Li a commencé à l’aider pour retrouver son fils. Il s’est aussi impliqué pour retrouver plus de 80 enfants d’âge comparable, également disparus.

Le devenir des enfants

Selon les statistiques officielles, près de 15.000 enfants, essentiellement des garçons, disparaissent chaque année en Chine. Les plus jeunes – comme le fils de Li Jiancheng - sont pour la plupart vendus à des familles n’ayant pas eu de garçon afin de leur assurer un héritier. Les plus grands, comme le fils de M. Zheng, sont utilisés comme esclaves dans des usines. Le cas le plus important révélé à ce jour l’a été en 2008, quand plus d’un millier d’enfants prisonniers dans des briqueteries de la province du Shanxi ont été libérés. Des corps d’enfants morts sous les coups avaient alors été découverts, en même temps qu’un système de complicité impliquant les responsables politiques régionaux était mis en lumière.