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L’Italie du Sud se débat face à ses ordures

Écrit par Aurelien Girard et Andrei Volkov, La Grande Epoque
09.12.2010
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  • Crise des déchets dans la région de Naples (Franco Origlia/Getty Images)(攝影: / 大紀元)

L’Union Européenne a annoncé vendredi 26 novembre par l’intermédiaire de son Commissaire à l’environnement, Janez Potocnik, qu’elle pourrait infliger une amende à l’Italie pour son incapacité à gérer la crise des déchets dans la région de Naples.

Fin octobre, de violentes protestations ont eu lieu à Naples pour s’opposer à la création de nouvelles décharges en plein air, le sommet d’une crise rendue visible en 2007 quand les déchets de la ville ont cessé d’être collectés pour insuffisance de moyen de les éliminer. Le problème avait été temporairement résolu par la promesse du gouvernement italien de consacrer près de 2 milliards d’euros au problème.

Le «problème» a cependant plus de vingt ans, l’absence d’une stratégie de gestion et d’élimination des déchets a contaminé de nombreux sites, de même que les nappes phréatiques, impactant toute l’agriculture locale.

«Plusieurs raisons sous-tendent la crise des déchets de Campanie», explique le CEECEC (Civil Society Engagement with Ecological Economics) un réseau expert financé par la Commission Européenne: «Des comportements délétères, les activités illégales de la Camorra et le comportement criminel de la part de politiciens et administrateurs publics, de responsables d’entreprise et de francs-maçons. Le cycle de gestion des déchets de Campanie a été infiltré par une Ecomafia (un réseau d’organisations criminelles commettant des crimes endommageant l’environnement) qui ont développé un marché alternatif et polluant des gestion des déchets pour ‘traiter’ les déchets industriels et urbain de cette région».

Cette situation a pu se produire car la région est une des plus pauvres d’Italie et que de nombreuses municipalités n’ont pas les moyens de développer elles-mêmes des entreprises de gestion des déchets. Mais, indique le CEECEC, la gravité de la situation est accrue par le fait que la main-mise mafieuse a ouvert localement un filon de «gestion» dans la région de déchets dangereux venus de toute l’Italie. Le Parlement européen rappelle que «ni les gouvernements nationaux successifs de différentes couleurs politiques, ni les commissaires ne sont parvenus à résoudre ce problème aux racines profondes».

En mars de cette année, la Cour européenne de justice a jugé l’Italie coupable d’infraction à la législation européenne pour avoir failli dans l’installation d’infrastructures de traitement. Sans la moindre évolution concrète depuis cette date, la Commission européenne envisage donc des sanctions: «J’ai reçu le rapport préliminaire de la délégation qui a visité Campanie cette semaine», indique le Commissaire européen à l’Environnement dans une déclaration du 26 novembre. «Celui-ci confirme que les mesures nécessaires pour appliquer l’injonction de la Cour européenne de justice n’ont pas été prises. Je suis inquiet du fait qu’il puisse falloir plusieurs années pour créer l’infrastructure nécessaire à ce que les déchets produits en Campanie – 7.200 tonnes par jour – soient gérées de façon adéquate et éviter d’autres crises.»

L’Union européenne avait d’ailleurs été prophétique, deux semaines avant que les déchets recommencent à s’accumuler à Naples en cette fin d’année: «La crise des déchets en Campanie n’est pas terminée; elle est juste en sommeil, et le risque d’une nouvelle éruption est important».

Ce qui est fait

En 2008, suite à un premier scandale et au début des procès de responsables locaux et d’entreprises qui s’étaient données comme mission d’organiser la pollution – au premier rang desquelles Impregilo – le gouvernement italien a émis le «Décret 90» qui met la région sous état d’urgence écologique et donne pleins pouvoirs au Directeur de la Protection Civile, Guido Bertolaso. D’après le CEECEC, «s’il faut en croire la couverture médiatique, la crise des déchets est depuis résolue. Cependant, un examen approfondi montre que les choses sont plus compliquées».

Un avis que rejoint Janez Potocnik, qui rappelle que «même si quelques progrès ont été faits en construisant l’incinérateur d’Acerra, il y a des failles importantes dans le système. L’absence d’une collecte indépendante des déchets à Naples – la plus grande ville de la région – est un sujet d’inquiétude particulière».

Et pour cause, c’est la société Impregilo, celle-là même qui est au cœur du système politico-mafieux ayant conduit à la crise, qui a été chargée de la construction de l’incinérateur d’Acerra. CEECEC rappelle qu’aucun appel d’offres n’a été fait pour la mise en oeuvre des mesures du décret 90, à savoir la construction de neuf décharges et de quatre incinérateurs: c’est donc le même réseau d’entrepreneurs-pollueurs qui a été sélectionné. La Commission européenne n’est évidemment pas convaincue que cette situation permette des améliorations: «En l’absence d’un plan efficace de gestion des déchets à Campanie, les dangers pour la santé humaine et les dommages à l’environnement auxquels la décision de la Cour faisait explicitement référence continueront. Cela obligerait la Commission à revenir vers la Cour, avec comme conséquence probable l’application de sanctions financières».

Et ce qui est à faire

En dehors des aspects de corruption, le Parlement européen dénonce, en s’appuyant sur le rapport de la mission, une «rupture totale» de la communication entre citoyens et autorités, ainsi qu’un «déficit démocratique» dans la région Campanie. Les modes d’application du décret 90 sont ainsi vivement critiqués par les députés qui considèrent que «la supervision militaire est contre productive à l’égard de la transparence ou de toute perception raisonnable de normalité».

Certains pointent poliment sur les difficultés «culturelles» rencontrées, reflétées lors de manifestations d’habitants début novembre. Message-clé: des incinérateurs et des décharges oui, mais pas chez nous. Et ce d’autant moins que les décisions sont prises unilatéralement par des autorités locales distantes et peu préoccupées des difficultés de leurs administrés. «Il est très important que ce nouveau plan de gestion des déchets soit le résultat d’un processus complet et transparent pour qu’il soit pleinement soutenu par tous les citoyens de la région», rappelle le Parlement européen.

Les tensions ne sont pas uniquement régionales. La ministre italienne de l’Égalité aux chances, Mara Carfagna, une native de Campanie, a décidé de démissionner du gouvernement Berlusconi le 24 novembre: «Il y a une guerre entre des factions qui ressemblent à des gangs», explique-t-elle. «Je suis bloquée dans ma bataille pour le respect de la loi et pour la réalisation d’infrastructures stratégiques dans ma région.» «Je vais démissionner du Parlement... et bien sûr démissionner aussi de ma fonction de ministre puisqu’il semble que ma contribution n’ait plus le moindre effet», cite le Telegraph.

Berlusconi, monsieur Joyeux

Cité par le Windsor Starn, le Premier ministre italien dément être déstabilisé et tente cependant de balayer l’hypothèse d’un paiement d’amende et indique que son gouvernement s’y opposera avec la plus grande vigueur. «Je suis un optimiste invétéré... je pense que la crise à Naples peut être résolue en deux semaines.»

Mais Silvio Berlusconi a un optimisme parfois irritant. Fin octobre, il répondait déjà aux journalistes de la même manière, en promettant que la crise serait réglée en  trois jours. À Naples où la pluie des derniers jours a liquéfié une partie des ordures dans les rues, le risque de maladies infectieuses grandit alors que rats et oiseaux se régalent toujours en pleine rue. Il reste à traiter plus de huit millions de tonnes de déchets accumulés dans plusieurs sites de stockage en Campanie.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.