L'armée dépêchée au Venezuela pour calmer la contestation

Écrit par Andres Cordova, La Grande Époque
01.02.2010
  • Un employé de la chaîne de télévision privée RCTV Internacional (Stringer: AFP / 2010 AFP)

CARACAS – La Garde nationale s’est déplacée dans la ville de Mérida et ailleurs la semaine dernière, alors que des manifestations éclataient à travers le Venezuela. N'étant visiblement pas affectés par cette démonstration de force, les étudiants des universités ont exprimé leur détermination à poursuivre leur contestation pour dénoncer plusieurs nouvelles politiques adoptées par le gouvernement.

«La ville est militarisée depuis le petit matin [26 janvier] et demeurera ainsi tant que ce sera nécessaire afin d'éviter d'autres confrontations dans la ville de Mérida», a déclaré le 27 janvier le gouverneur de l'État de Mérida, Marcos Diaz.

De nombreuses manifestations – déclenchées par le rationnement de l'eau, la nouvelle politique de dévaluation de la monnaie locale et les nouvelles coupures d'électricité visant à pallier à la crise de l'énergie – ont lieu au Venezuela depuis le 23 janvier.

L'animosité a d'autant plus grandi avec la décision du gouvernement d'ordonner la fermeture de six chaînes de télévision, dont RCTV Internacional, une chaîne reconnue pour ses positions critiques envers le président Hugo Chavez. Le gouvernement a cité la «non-conformité avec les lois du Venezuela» pour le refus des chaînes de diffuser les discours présidentiels.

Les manifestations à Mérida ont donné lieu à de violents affrontements avec la police. On a rapporté la mort de deux étudiants, et environ 30 étudiants et policiers auraient été blessés.

Le gouverneur de Mérida a déclaré que l'intervention militaire était en réponse à la présence de «tireurs embusqués et de guerre urbaine dans l'État» qui visent à «renverser l'ordre». Il a indiqué que la Garde nationale et le gouvernement de l'État prenaient des mesures pour neutraliser ces groupes qui, selon lui, sont reliés à l'opposition.

Dans la ville de Valencia, capitale de l'État de Carabobo, les militaires ont pris contrôle de l'autoroute El Trigal en affirmant qu'il s'agissait d'une mesure préventive pour empêcher que les troubles se répandent.

La tension est palpable au Venezuela et plusieurs croient que les problèmes actuels vont s'exacerber.

Pouvoir vacillant

Les récents évènements au Venezuela pourraient annoncer le début de la fin pour Chavez. L'Assemblée nationale penche actuellement largement en sa faveur, mais des législatives auront lieu cette année. Une victoire de l'opposition, qui est toutefois jusqu'à maintenant mal organisée, pourrait amplifier la confrontation dans le pays.

Pour ajouter à l'instabilité, des évènements suspects sont demeurés sans réponse dernièrement. Ces derniers jours, des membres importants du gouvernement ont annoncé leur démission sans fournir de raison. Le vice-président du Venezuela, qui occupait aussi le poste de ministre de la Défense, a abandonné ses fonctions. Son épouse, ministre de l'Environnement, a fait de même. Le président de la Banque du Venezuela a également démissionné, mentionnant des problèmes de santé.

Il y a deux semaines, après l'instauration désastreuse du rationnement de l'électricité, Chavez a demandé la démission du ministre de l'Énergie. Le rationnement a été appliqué de manière tellement inégale que certains États ont été sans électricité pour des périodes allant jusqu'à neuf heures d'affilée.

La tension monte

Avant de voir son signal bloqué, RCTV Internacional avait continué sa diffusion par des canaux privés après avoir vu sa licence de diffusion publique révoquée par le gouvernement il y a deux ans. Ses opérations publiques avaient été reprises par la chaîne gouvernementale TVes.

Cet épisode avait déclenché de nombreuses manifestations dans tout le pays alors que les citoyens jugeaient que les libertés de presse et d'expression étaient violées. Plusieurs mois après les manifestations, RCTV a changé son nom pour RCTV Internacional et a recommencé sa diffusion par câble et satellite.

Le gouvernement a fait savoir qu'aussitôt que les chaînes de télévision affectées par les nouvelles mesures vont se plier à la loi vénézuélienne, elles pourront transmettre à nouveau. Cette déclaration n'a toutefois pas calmé l'ardeur des opposants.

Des critiques venant de l'étranger ont mis le gouvernement du Venezuela sur la sellette.

«Le rapporteur exhorte le gouvernement à reconsidérer ces mesures et à rétablir la liberté d'expression et d'opinion, de même que le respect approprié des procédures», a déclaré Frank La Rue, rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression.

Il a aussi ajouté que les traités internationaux et les lois domestiques devraient également être respectés. M. La Rue souligne qu'aucun tribunal n'a ordonné la fermeture des chaînes de télévision visées. Il indique que «toute fermeture d'un média doit suivre la procédure légale établie précédemment, elle doit être menée par une autorité indépendante de l'État et ne peut être le produit d'une décision administrative du gouvernement».

Le directeur de la section Amérique de Human Rights Watch, José Miguel Vivanco, a de son côté déclaré qu'en «2009, Hugo Chavez a forcé les stations de radio et de télévision à diffuser 141 discours, y compris un discours qui a duré 7 heures 34 minutes. Maintenant, il veut aussi punir les chaînes qui refusent de propager son programme politique».

Au cours d’une rencontre de l'Organisation des États américains (OEA) à Washington le 27 janvier, les États-Unis, la Colombie, le Pérou, le Panama et le Canada ont critiqué la décision du Venezuela de suspendre les six chaînes de télévision.

Caracas n'a pas digéré la critique. Le ministère français des Affaires étrangères a lui aussi demandé un «renversement rapide» de sa décision afin de garantir le «pluralisme de l'information».

Caracas a répondu abruptement en rejetant les allégations et en déclarant que «les commentaires du porte-parole du ministère français des Affaires étrangères sont inacceptables et répréhensibles et ils portent atteinte au principe de non-ingérence dans les affaires internes de l'État».