Quatre députés britanniques poursuivis pour «vol»

Écrit par SIMON VEAZEY – LA GRANDE EPOQUE
21.02.2010
  • Une u00ab maison à canards » amenée devant le Parlement britannique par des manifestants. Oli Scarff/Getty Images(Staff: Oli Scarff / 2009 Getty Images)

LONDRES – Un an après les révélations des dépenses de politiciens douteux, les membres du Parlement britannique espéraient que la publication d’un rapport parlementaire sur le sujet jeudi 11 février mettrait un point final à l’épisode qui, selon certains, a brisé toute confiance des électeurs vis-à-vis de leurs élus. Mais le lendemain de la publication du rapport de Sir Thomas Legg sur l’affaire des notes de frais des parlementaires, l’annonce a été faite que quatre membres du Parlement devraient répondre de l’accusation de vol devant la justice.

 

La possibilité que les accusés puissent tenter d’éviter un procès en faisant jouer leur immunité parlementaire provoque déjà une vague de mécontentement au sein du monde politique britannique. L’opinion publique, à quelques semaines des élections parlementaires, est sur les dents : The Daily Telegraph a depuis mai 2009 fait presque chaque jour ses gros titres sur le scandale des dépenses, mettant en lumière une à une les dépenses cachées de chaque député, dont les détails avaient été sciemment cachés par le Parlement britannique.

 

Les détails des dépenses – qui comprenaient par exemple l’achat sur frais professionnels d’une maison flottante pour canards de plus de 1.000 livres (1.136 euros) ou la réparation d’un clocher - a provoqué un tollé qui a mené à plusieurs enquêtes et rapports sur les dépenses faites par chaque député. Au début, la plupart des politiciens ont pris de haut ces réclamations, mais devant la colère publique et la portée médiatique du scandale, ils ont rapidement proposé de rembourser les dépenses reconnues comme excessives – même dans les cas où celles-ci n’étaient pas une violation de la loi ou un dévoiement des notes de frais.

 

Au final, seuls trois députés travaillistes, Elliot Morley, Jim Devine et David Chaytor, ainsi que le conservateur Lord Hanningfield sont convoqués pour être jugés en mars. Dans une déclaration commune, ils ont annoncé qu’ils réfuteraient les charges et «défendraient leur position avec force». Dans leur communiqué, les parlementaires disent être «extrêmement déçus que le ministère public ait décidé d’engager des poursuites contre nous

 

«Nous maintenons que cette affaire aurait pu être résolue par la commission parlementaire qui doit agir à l’encontre des infractions. Le système de dépenses du Parlement est maintenant clairement discrédité, mais nous pensons que chaque affaire individuelle a été abordée de façon incohérente

 

Le ministère public a répondu qu’il était prêt à répondre – et on imagine vigoureusement - à toute tentative par les prévenus d’invoquer des « privilèges parlementaires » au tribunal. Mais des politiciens ont conseillé aux députés de ne pas utiliser ce levier pour ne pas risquer de faire déraper l’affaire. Le chef du parti démocrate libéral, Nick Clegg, a ajouté : «Je pense que la population n’apprécierait pas que les députés proposent d’utiliser une loi de 1689 pour leur éviter d’assumer les conséquences de dépenses truquées en 2010».

 

«Le privilège parlementaire protège la liberté de parole, mais pas la corruption », a-t-il déclaré lors du journal télévisé de Channel 4. Le ministre de l’Intérieur, Alan Johnson, a expliqué sur la BBC : «Ce qui ressort de cette terrible et destructrice année, c’est que les gens veulent voir les députés traités de la même façon qu’ils le seraient pour avoir enfreint la loi. Très peu pensent qu’ils n’ont pas enfreint la loi. Ils doivent avoir un procès équitable. Je pense que le public serait consterné si certains parlementaires bénéficiaient d’un traitement de faveur pour éviter la prison».

 

Le scandale des dépenses est bien parti pour devenir l’un des plus grands nettoyages d’élus pour des générations - sur 752 députés, 130 ont déjà annoncé qu’ils ne renouvelleront pas leur candidature aux prochaines élections législatives. Le rapport publié le 4 février par Sir Thomas Legg conclut que plus de la moitié des députés devront rembourser des dépenses pour une somme totale de plus d'un million de livres (1,2 million d’euros). Il critique le système ayant permis ces abus comme étant « obsolète », blâmant une «culture de déférence» des politiciens envers les parlementaires dont les débordements extravagants ont été excessivement tolérés.

 

La corruption et la connivence propres au système expliquent pourquoi Sir Thomas Legg a décidé d’appliquer de façon rétroactive les nouvelles lois aux anciennes dépenses. Cette notion d’obéir à l’esprit d’une loi et pas seulement à ses termes écrits, est un thème récurrent dans le débat sur les dépenses. C’est aussi le point sur lequel un autre rapport va à l’encontre des conclusions de Sir Thomas Legg.

 

Car le rapport de Sir Paul Kennedy, publié par coïncidence apparente le même jour, considère pour sa part que décider de changer rétroactivement le système est «dommageable et injuste». Sir Kennedy avait été chargé de prendre en main les contestations des députés contre les ordres de rembourser les dépenses – 44 des 75 appels se sont conclus en faveur desdits parlementaires.