Obama rencontre le dalaï-lama, Pékin menace

Écrit par Timur Ridjanovic, La Grande Époque
21.02.2010
  • Le dalaï-lama s'adresse aux médias le 18 février 2010 à l'extérieur de la Maison-Blanche(Staff: TIM SLOAN / 2010 AFP)

Le président américain, Barack Obama, a rencontré le dalaï-lama le 18 février, ignorant ainsi les requêtes de Pékin. En effet, chaque fois qu’un dirigeant politique rencontre le chef spirituel tibétain, le même scénario se reproduit : le régime chinois se fâche et invoque «l’ingérence dans les affaires intérieures» afin de dissuader toute rencontre.

Le 19 février, le ministère chinois des Affaires étrangères a convoqué Jon M. Huntsman Jr., ambassadeur américain en Chine, afin de le mettre en garde contre le dalaï-lama – récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1989 – qualifié de séparatiste dangereux par le Parti communiste chinois.

Robert Barnett, directeur d’études tibétaines modernes à l’Université Columbia à New York, a déclaré dans une entrevue avec la BBC qu’après la rencontre avec George W. Bush en 2007, il y a eu un renforcement notable des campagnes visant à arrêter les entretiens des pays occidentaux avec le dalaï-lama.

«Ils ont très agressivement élevé leur niveau de rhétorique et les menaces de sanctions, particulièrement avec les Français, et ils ont eu énormément de succès ces deux dernières années à convaincre les pays occidentaux d’éviter ce genre de rencontre ou même [d'inciter] à formuler des excuses si des rencontres avaient déjà eu lieu. Le dalaï-lama a seulement participé à deux réunions de niveau national l’an passé – normalement il en a quatre ou cinq par année. Obama [en rencontrant le chef spirituel en exil] termine cette lancée de succès pour la Chine, et c’est assez significatif car cela veut dire que le bluff de la Chine a été contré à ce sujet.»

Barack Obama avait préalablement mis de côté une réunion avec le dalaï-lama en octobre dernier, prévoyant une visite en Chine le mois suivant. Cette décision avait été accueillie avec déception par plusieurs organisations des droits de l’homme, accusant les États-Unis d’apaiser la Chine pour des intérêts économiques. Bien que le président américain ait finalement décidé de rencontrer le chef spirituel, la réunion a eu lieu dans la salle des Cartes de la Maison-Blanche au lieu du prestigieux Bureau ovale – ce qui aurait été considéré comme un affront additionnel pour Pékin.

Selon le porte-parole de la Maison-Blanche, Obama aurait fait part de son appui pour la préservation de la religion, de la culture et de l’identité linguistique tibétaines, ainsi que pour la protection des droits de l'homme au Tibet.

Avec les récents accrochages entre Google et Pékin, les récents discours d’Hillary Clinton sur la question de la censure d'Internet, la vente d’armes des États-Unis à Taiwan et les rivalités commerciales entre la Chine et les États-Unis, le régime chinois se bute à une Amérique moins passive.

«La Chine ne peut pas se permettre de répliquer agressivement à tous les reproches qu’on lui fait, elle doit se concentrer sur un enjeu majeur. Il est possible qu’elle ne réagisse pas autant sur son enjeu principal, car c’est son style diplomatique; elle choisit souvent un enjeu moins important au cas où elle perdrait», a ajouté Robert Barnett.

Malgré toutes ces tensions dans les relations sino-américaines, un porte-avions américain a fait escale à Hongkong dernièrement, seulement quelques semaines après que la Chine a déclaré vouloir suspendre toutes visites militaires avec les États-Unis.

C’est à croire que plus les requêtes de Pékin sont ignorées, plus elle fait des concessions.

Une situation similaire s’est produite avec le premier ministre canadien, Stephen Harper, lorsque le premier ministre chinois, Wen Jiabao, l’avait accusé en décembre 2009 de faire preuve de négligence dans ses relations avec la Chine. Depuis, il y a eu l’ouverture de quatre nouveaux bureaux commerciaux en Chine, une entente pour rouvrir le marché chinois au porc canadien et un accord donnant au Canada le statut de destination approuvée par la Chine, ce qui devrait augmenter le nombre de séjours de touristes chinois au Canada de 50 % d’ici 2015, selon une étude du Conference Board of Canada.

Lorsqu’Obama avait tout d’abord refusé de voir le dalaï-lama, Sophie Richardson – directrice adjointe pour l’Asie chez Human Rights Watch – avait affirmé : «Les présidents rencontrent toujours le dalaï-lama et qu’arrive-t-il? Absolument rien.»

«L’idée que si on cède aux requêtes du Parti communiste chinois on peut en tirer profit dans le futur est tout simplement erronée. Si on baisse la barre des droits de la personne, ils vont juste la baisser progressivement encore plus bas», a-t-elle dit.