Construction du «Northstream»: du gaz dans l’eau de la Baltique

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
23.02.2010

  • Les éléments du Northstream, le gazoduc Nord. ( JENS KOEHLER/AFP/Getty Images)(Staff: JENS KOEHLER / 2009 AFP)

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a défendu bec et ongles à Helsinki, entre le 9 et le 12 février, la sécurité du «Northstream», le grand gazoduc Nord, accusé d’endommager l’écosystème fragile de la mer Baltique – déjà l’une des mers les plus polluées au monde.

D’après M. Poutine qui a décroché un accord au forceps, des recherches sur l’impact environnemental potentiel du gazoduc ont conclu que celui-ci était «sûr».

C’est après trois jours de bataille que le projet a finalement été approuvé par les autorités environnementales finlandaises le 12 février.

Les gouvernements finlandais, suédois et danois ayant déjà approuvé le projet – qui passe en leurs eaux territoriales - en 2009, le projet de 1.220 kilomètres et 7,4 milliards d’euros pourra donc commencer dès le mois d’avril, sous la conduite du géant national russe Gazprom.

Gazprom, qui possède 51% du gazoduc Nord, prévoit également en fin d’année de commencer à travailler sur un gazoduc Sud, qui fournira l’Autriche et l’Italie en passant par la Mer Noire et la Bulgarie.

Pour Jonathan Stern, directeur de la recherche gazière de l’Institut d’Oxford sur l’étude de l’énergie, cité par le Financial Times, la motivation principale des autorités russes est «l’évitement de transit» plutôt que le besoin d’accroître les capacités de transport. Près de 80% des exportations de gaz russe vers l’Europe passent à l’heure actuelle par l’Ukraine, rendant les approvisionnements européens hautement sensibles à la température des relations diplomatiques entre Kiev et Moscou.

Le silence de mort des grands fonds

Future autoroute du gaz reliant la Russie à l’Allemagne, le gazoduc Nord, qui devrait être achevé en 2012, transportera chaque année 55 milliards de mètres cubes de gaz, soit un dixième de la consommation européenne en gaz russe.

«Je pense que le gazoduc Nord sera sûr et fiable sur le plan environnemental et offrira un très bon approvisionnement en gaz naturel à l’Europe, rendant notre continent plus stable», explique Vladimir Poutine, cité par la BBC. D’après lui, plus de 100 millions d’euros ont été dépensés en recherches environnementales. Cependant, plusieurs pays baltes craignent que le projet ne remue les polluants des fonds marins, héritages de la Seconde Guerre mondiale abrités dans des navires coulés, mais héritages aussi des essais militaires soviétiques pendant la période de la guerre froide.

«C'est sérieux. Nous craignons les dioxines et autres poisons du fond marin» explique le Premier ministre estonien Andrus Ansip. «Nous attendons que nos scientifiques nous donnent des informations complètes à ce sujet.»

En 2007, les neuf pays donnant sur la Mer Baltique se sont donnés comme objectifs de rendre sa «santé» à la mer d’ici à 2021. Celle-ci contient, d’après la WWF, sept des dix plus grandes «zones mortes» du monde, ces zones marines privées d’oxygène dans lesquelles aucune vie n’existe plus.

En réponse à Vladimir Poutine, le président finlandais Tarja Halonen a simplement encouragé les dirigeants de ces pays à passer à l’action. «Aujourd’hui, certains des pays les plus riches et les plus sensibles à l’environnement vivent sur les côtes d’une des mers les plus polluées du monde. N’est-ce pas une tragédie?»