Échange et change

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque
25.02.2010

  • Une scène d’Excuse-moi au Théâtre Jean-Duceppe(攝影: / 大紀元)

Peu de familles arrivent à échanger des états d’âme comme la peur, la peine et la déception d’une vie qui s’achève. Il aura fallu du courage au personnage principal d’Excuse-moi, François, pour confronter ses parents avec humanité afin de les libérer de leurs démons intérieurs. Au sortir de la pièce, saisi par les scènes emplies d’émotion, on a envie d’agir auprès des gens qu’on aime le plus afin de les voir s’épanouir.

Le talent de l’auteur de la pièce, Serge Boucher, est de trouver, intercalé dans les dialogues factices, une vérité profonde que dévoile avec sensibilité chacun de ses personnages. «Ça part du ventre. Toujours!», dit-il. C’est ce qui ressort effectivement sur la scène de Duceppe.

La famille Dubé revient sur les planches après les pièces 24 poses et . Le fils, François, incarné par Benoît McGinnis rejoint ses parents Denis (Michel Dumont) et Claire (Louison Danis) dans leur maison familiale. Il y retrouve des parents dont la vie repose sur des dépendances qui cachent de profondes blessures. Les vices sont plus nombreux que la plupart des familles, mais reste qu’une grande humanité se loge dans les relations des Dubé. Bien que François soit différent de ses parents, il arrive à partager avec eux une intimité qui touche.

La densité des thèmes n’empêche pas l’humour, dévoilé dans les travers et les divergences des personnages. Le passage où François présente son nouveau roman à ses parents en est un exemple frappant. Le père ouvre maladroitement le livre du fils en disant : «Il y a des gens qui achètent ça?» La mère reprend le père en disant : «Tu vas comprendre, c’est pas une pièce de théâtre, c’est un roman, il y a une histoire dedans.» C’est terrible de cruauté pour le fils et en même temps tellement naïf que cela en est drôle.

C’est François qui est responsable de ses parents, qui voudrait tant pour eux, qui se heurte à ce monde qui les sépare, mais qui lutte pour qu’ils sortent de leurs maux : l’alcoolisme du père, les dépendances secrètes de la mère… L’écriture, tout en demeurant simple, arrive à complexifier les relations. La mise en scène de René-Richard Cyr, un habitué des textes de Boucher, donne le ton juste à ce répertoire. Mais la qualité la plus grande d’Excuse-moi repose sur la distribution sans faille réunissant Danis, McGinnis et Dumont. Chaque silence est rempli et le ton est juste. Le rythme des dialogues garde le spectateur accroché à chaque interaction. Un moment, le père discute au téléphone avec sa fille pendant que la mère surexcitée parle à son fils. Pas une parole ne se perd. L’énergie familiale ne pouvait être mieux représentée.

Cette pièce à facture réaliste mérite sa place sur scène, ne serait-ce que pour l’investissement des comédiens et l’importance accordée à l’échange véritable au sein d’une famille.

Excuse-moi, un texte de Serge Boucher, une mise en scène de René- Richard Cyr, jusqu’au 27 mars au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts.