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Premiers pas vers la parité parlementaire en Inde

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
16.03.2010
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  • Manifestation de femmes à New Delhi le 8 mars. MANAN VATSYAYANA/AFP/Getty Images(Stringer: MANAN VATSYAYANA / 2010 AFP)

Le Rajya Sabha, la haute chambre du Parlement Indien, a approuvé le 9 mars la proposition de réserver un tiers des sièges des députés de la chambre basse, le Lok Sabha, aux femmes. C’est une forte majorité (186 voix sur 245) qui a adopté le texte, un seul parlementaire votant contre alors que seuls des partis politiques minoritaires ont fait le choix de boycotter le scrutin.

Dans une société encore patriarcale et malgré un soutien populaire à la mesure, il aura donc fallu quatorze années, depuis sa première soumission en 1996, pour que ce coup de balancier démocratique soit donné. Les femmes représentent aujourd’hui à peine 10 % des membres du Lok Sabha, contre 15 % au Bangladesh et 30 % au Pakistan et en Afghanistan (d’après la nouvelle Constitution.) Elles sont encore moins nombreuses dans les assemblées d’Etat.

Sonia Gandhi, présidente du Parti du Congrès, avait indiqué attacher la « plus haute importance » aux propositions de quotas, dont elle considère qu’elles seront « un cadeau pour les femmes en Inde. » Elle aura donc su, le temps d’un vote, créer une alliance entre majorité et opposition.

Celle-ci était indispensable car la majorité des deux tiers était nécessaire à l’adoption du texte. Celui-ci sera maintenant voté au Lok Sabha, avec de grandes chances de succès puisqu’il est soutenu par l’alliance au pouvoir (UPA, dirigée par le parti du Congrès) aussi bien que par la principale alliance d’opposition (le NDA, mené par le BJP, Bharatiya Janata Party).

Vote musclé

La proposition est par contre violemment rejetée par certains partis minoritaires de gauche qui craignent que leur nombre de sièges au Parlement en soit affecté. Sept parlementaires ont dû être expulsés de force par la sécurité du Rajya Sabha pour avoir perturbé le vote du texte : ils avaient d’après les observateurs crié des slogans misogynes, puis renversé à terre et piétiné les documents du vice-président du Parlement, Hamid Ansari.

Pour Arun Jaitley, leader du BJP cité par la BBC, l’action de ces parlementaires a été « l’un des moments les plus honteux dans la démocratie parlementaire indienne ». Les contestataires socialistes, membres du Samajwadi, du Rashtriya Janata Dal et du Lok Janshakti, considèrent que les minorités et les groupes socialement désavantagés seront moins représentés à cause des quotas et demandent que les femmes élues soient aussi choisies dans les castes basses et chez les musulmanes.

Partisans et opposants

Pour beaucoup, une plus grande représentation féminine au Parlement permettra d’améliorer les conditions de vie des femmes en Inde, par exemple, mettre fin aux infanticides féminins toujours en cours dans certains Etats, et alphabétiser : une Indienne sur deux ne sait ni lire ni écrire alors que trois Indiens sur quatre sont alphabétisés. Elles sont près de cinq millions – soit deux fois plus que les garçons, à ne même pas entrer en école primaire.

Cité par le Rajya Sabha et repris par la BBC, le Premier ministre indien Manmohan Singh a donc considéré que « la proposition est une étape historique et gigantesque franchie dans la responsabilisation des femmes, et une célébration de leurs droits ». « Les femmes font face aux discriminations à la maison, il y a des violences domestiques, et l’accès inégal à la santé et à l’éducation. Cela doit cesser ».

  • Des femmes sur un chantier de construction à Amritsar le 7 mars. NARINDER NANU/AFP/Getty Images(攝影: NARINDER NANU / 大紀元)

Global Voices cite le commentaire d’un blogueur indien sur Desicritics : « Une telle mesure est susceptible d’élargir le vivier des talents dont a besoin le sommet de notre classe politique. Il n’est guère contesté que la politique indienne souffre d’un manque de dirigeants crédibles. Dans la mesure où ceci est la conséquence de la limitation de notre vivier de talents aux seuls hommes, cette disposition est susceptible d’accroître le nombre – sinon la probabilité – de meilleurs leaders. [...] Ce projet de loi peut ne pas être la meilleure ou unique solution pour donner du pouvoir aux femmes. Mais que le meilleur ne soit pas l’ennemi du bien ».

L’Inde réserve déjà aux femmes un tiers des sièges dans les conseils municipaux. Au Parlement, les quotas devraient faire passer leur nombre de 59 actuellement à 181. Ce système de quotas de sièges pour les femmes doit prendre fin 15 ans après l’entrée en vigueur de la loi ; et les sièges réservés pourront être attribués par rotation à différentes circonscriptions du territoire de l’Etat ou de l’union, ce qui est un des sujets de controverse.

Kanchan Gupta sur le blog Agent Provocateur l’appelle « une attaque contre le libre choix ». Il écrit : « La proposition de loi réservant des sièges de députés aux femmes est juridiquement mauvaise. Elle n’aurait jamais dû être proposée, et encore moins soumise à l’adoption du Parlement. Si le projet devient loi, il fera disparaître toute incitation à soigner l’électorat ; les députés en poste pousseront la nomination de leurs amis et parents… Il ne s’agit pas d’accroissement de la place des femmes en politique, mais de légitimation des nominations de parents et amis. Les démocraties qui ont donné du pouvoir politique aux femmes et les ont libérées des préjugés, de la discrimination et des malheurs liés à leur sexe y sont arrivés par les initiatives d’un programme et non une législation frauduleuse ou des quotas bidon. Le plus grave, c’est que cela frappe la démocratie au coeur en restreignant la liberté de choix. Le projet de loi sur les quotas de femmes est une parodie et une violation de la Constitution ».

Vinod Sharma, lui aussi cité par Global Voices, partage cette opinion. Il écrit : « Tout ce que cela va faire, c’est de rendre encore plus puissantes les gharanas (dynasties) politiques, avec leurs femmes qui joueront essentiellement le rôle classique de soutien en ajoutant le poids du nombre au jaagir (domaine) familial ».

Pour Sandeep Bansal enfin, « donner du pouvoir aux femmes dans une société où elles sont traitées comme des paillassons depuis des siècles n’est pas une tâche aisée. Il y a forcément une résistance interne. C’est pourquoi les quotas sont un moyen de donner du pouvoir aux femmes. Depuis 1993, un tiers des sièges aux panchayats sont réservés aux femmes. On a parlé à ce propos de la plus grande expérimentation sociale jamais menée. En additionnant les chiffres, il y a plus de femmes élues locales en Inde que dans le reste du monde ».

Les sceptiques peuvent rétorquer que ce sont toujours les hommes qui prennent la plupart des décisions et que les femmes ne sont que des prête-noms. C’est très probablement exact. Mais au moins cela a apporté une certaine dose de changement dans l’attitude générale vis-à-vis des femmes. Cela leur a donné une porte d’entrée, ce qui n’aurait pas été possible sans quotas.

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