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Débat sur le passeport intérieur chinois

Écrit par Rona Rui, La Grande Époque
17.03.2010
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  • Des travailleurs migrants à la gare de Pékin. GOH CHAI HIN/AFP/Getty Images(攝影: GOH CHAI HIN / 大紀元)

Treize journaux chinois ont pris l’initiative inhabituelle de publier un éditorial commun le 1er mars, en accusant clairement le caractère capricieux du système du passeport intérieur (hukou) pratiqué par les autorités chinoises. L’appel à la réforme du système hukou a été lancé à un moment sensible et peut-être calculé : l’ouverture du Congrès national du peuple et de la Conférence consultative politique du peuple chinois.

 L’éditorial, qui compte parmi ses signataires le  Southern Metropolis Daily, soutient que la réforme du système de hukou est nécessaire pour apaiser la population et pour rattraper le temps perdu à utiliser ce système dépassé.

Le système d’enregistrement actuel de résidence a provoqué des inégalités entre citadins et paysans d’une part, mais aussi parmi les citadins. L’éditorial commun soutient par exemple que le système hukou restreint la liberté de mouvement et viole donc clairement la Constitution chinoise ; il est devenu un ferment de corruption dans la mesure où les statuts de résidence sont achetés et vendus par les cadres du Parti communiste qui deviennent des intermédiaires et monnaient leur intervention.

Le système hukou a été créé en 1958 par Luo Ruiqing, directeur du Bureau de la Sécurité publique d’alors, qui déclarait que le hukou devait « empêcher les populations rurales d’immigrer en masse dans les villes. » C’était censé être en accord avec « la liberté de résidence et de mouvement »  garantie par la constitution. Toutefois, la suppression de cette clause de la constitution en 1975, a fait perdre au système du hukou son fondement constitutionnel.  

Pour Grace Lee, ancien juge chinois résidant actuellement aux États-Unis, « le fait que certains règlements peuvent surpasser la constitution montre à quel point il n’y a pas de droit applicable en Chine ». Elle poursuit : « Le système du hukou, tout comme l’ancien système de détention et d’extradition, sont deux lois perverties de la Chine moderne qui restreignent et discriminent les paysans ».

Peu de temps après le déploiement du système hukou, la campagne chinoise a été plongée dans la famine par le « grand bond en avant » de Mao Zedong. Des dizaines de millions de personnes sont mortes de faim, car forcées de travailler dans des champs communaux et d’autres lieux. D’autre part, les tentatives des paysans d’aller ailleurs étaient entravées par le système du hukou.

Dans la période actuelle des réformes économiques, la liberté, la propriété, la sécurité et la vie de nombreux travailleurs émigrés – ceux qui quittent les campagnes pour travailler dans les villes – ne sont pas garanties. Ils ont été exploités parce qu’ils n’ont aucune protection juridique. En 2000, le chercheur Hein Mallee assimilait les droits des travailleurs émigrés chinois à ceux des immigrés clandestins dans les autres pays du monde.

Au cours des dernières années, les efforts de millions de migrants s’opposant à la bureaucratie communiste intransigeante ont entamé une bonne part du système de hukou, mais il reste encore des éléments importants.

Pour Mme Lee, le système hukou est toujours en vigueur parce qu’il facilite au bureau de la sécurité publique le contrôle des populations tant rurales que citadines. Mais la principale raison est que les cadres locaux peuvent faire des profits énormes en vendant des livrets d’enregistrement de résidence. « Il faut payer pour les livrets du registre de résidence dans toutes les villes chinoises. Par exemple, cela vous coûtera 3 millions de yuans [environ 320.000 euros] pour acheter une maison et devenir un résident de Shanghai ou de Pékin ; cela vous coûtera 2 millions [environ 215.000 euros] pour déménager à Canton; 1 million [environ 108.000 euros] pour Dalian », déclare Lee.

Le même principe s’applique pour l’inscription dans une école, qui ne peut se faire que si le prix exigé est payé.

« Le système du hukou, tout comme l’ancien système de 'détention et d’extradition', sont deux lois perverties de la Chine moderne qui restreignent et discriminent les paysans. »

Grace Lee, ancien juge chinois

Les enjeux au-delà de cet éditorial

Un militant démocrate installé à Shanghai et qui suit de près les événements politiques du pays, a déclaré à La Grande Époque que le niveau de coopération entre provinces que vient de montrer la publication de l’éditorial commun de treize médias n’aurait pas été imaginable si ces médias n’avaient pas reçu au préalable une sorte de « signe favorable ».

Car dit-il, « les journaux impliqués ne sont pas des voix officielles du Parti communiste, même s’ils provoquent quelques remous dans la société ils n’embarrasseront pas trop le régime. Et d’autre part, leur franc-parler donne l’illusion d’un certain degré de liberté de parole sous le Parti communiste chinois », analyse-t-il. Fausse impression qui a d’ailleurs filtré dans les reportages des médias étrangers.

Pour les treize journaux concernés, c’est plutôt une bonne affaire déclare l’analyste, car si un tel problème social peut du coup retenir l’attention des autorités, la retombée pour ces journaux sera élevée. Dans le cas contraire, ils seront toujours considérés comme ayant réclamé la justice. « Ils n’embarrasseront pas trop le régime, et par conséquent, ils ne courent aucun risque » dit-il.

Le militant démocrate préfère rester anonyme, expliquant qu’il a déjà été en prison en tant que dissident politique et qu’il n’a pas envie d’y retourner.

L’universitaire Ling Cangzhou a pour sa part écrit sur son blog que des éditoriaux communs de ce genre pourraient lancer de nouvelles tendances en Chine, qu’ils comportent aussi des risques. Selon lui, les journalistes ont perdu patience et ne croient plus aux réformes politiques.

La publication a déclenché une série de discussions animées sur la toile, les internautes postant leurs griefs à l’encontre du système hukou. Certains déplorent qu’en dépit d’un emploi décent en ville, ils restent séparés de leurs familles à cause du statut hukou. D’autres ont exprimé leur pessimisme face aux propositions faites, soutenant que la réforme du système de passeport intérieur affecterait de trop nombreux secteurs pour être jugée réalisable. Certains soutenaient que l’une des contre-propositions faites par les médias – une carte de résident – n’est qu’une « ruse trompeuse ». 

« Réformer le système du hukou, n’est pas une mince affaire », dit Mme Lee. « Il y a trop d’intérêts en jeu ».

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.