Procès de la mutinerie de Darbar au Bangladesh

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
02.03.2010

  • Des soldats bangladais devant le siège des Fusils bangladais, à Dakha, le 25 février 2009. (STR/AFP/Getty Images)(-: STR / 2009 AFP)

C’est au Bangladesh l’heure des règlements de compte sanglants dans l’armée. Près de 3.500 soldats sont jugés pour mutinerie, dont environ 800 pour meurtres, viols et pillages. Ces derniers font face à la peine de mort, contre un maximum de sept ans de prison pour les autres.

A Dhaka, la capitale, les membres des Fusils bangladais, les gardes-frontière du pays, doivent répondre du massacre, il y a un an – le 25 février 2009 – de 74 personnes dont 57 officiers. Les corps mutilés avaient été retrouvés dans les égouts.

Le gouvernement bangladais a mis en place en novembre derniers six cours de justice spéciales pour les mutins. Les jugements finaux sont attendus pour le mois de mai.

Le 23 février, 80 gardes-frontière sont apparus devant le tribunal de Dhaka. Leur révolte, expliquent-ils, était la conséquence d’années de mauvais traitements et de corruption de leurs supérieurs. Le Premier ministre Sheikh Hasina pense par contre qu’il s’agissait d’une tentative de renverser son gouvernement, dans une période extrêmement tendue avec sa rivale de toujours Khaleda Zia, dirigeante du parti d’opposition BNP qui venait à peine de reconnaître sa défaite électorale.

L’attaque avait effectivement brièvement menacé la survie du gouvernement tout juste élu du Premier ministre Sheikh Hasina. Celle-ci avait refusé d’utiliser la force pour mettre fin à la mutinerie, tout en prévenant d’actions dures si les mutins ne déposaient pas les armes. L’armée s’était alors montrée menaçante, laissant planer la menace d’une reprise du pouvoir qu’elle venait tout juste d’accepter de rendre aux civils. Face à l’impasse politique entre les deux «tigresses» du pays, l’armée avait pris le pouvoir en 2007.

De source officielle, une cinquantaine de mutins détenus sont morts en détention, certains s’étant «suicidés» et d’autres ayant eu une «attaque cardiaque», explication rejetée par les groupes de défense des droits de l’homme.

Nhereen Ferdousi, femme du Colonel Mujib Hoque, un vétéran des Fusils Bangladais tué pendant la mutinerie, dit vouloir une vraie justice: «nous espérons que justice sera faite, mais cela doit être une vraie justice, nous ne voulons pas que des innocents paient», a-t-elle expliqué à l’AFP.

Effectivement, Amnesty International s’inquiète du «haut niveau d’émotion nationale autour de cette mutinerie» et pense que les décès en prison sont dus à la torture.

«Ils ont frappé mon mari alors qu’il était suspendu au plafond» raconte Sharifa Begum, dont le mari est dans la prison centrale de Dhaka depuis mai 2009.

«Mon mari m’a dit: j’ai tout avoué mais seulement pour ne pas être torturé. Je n’ai touché à aucune arme ni aidé aucun mutin. Je suis innocent.»

La situation n’est pas encore apaisée autour de cette mutinerie. Pour le BNP, principal parti d’opposition, «des accords antinationaux ont été signés pour faire de notre pays un supermarché pour nos voisins… le carnage avait été planifié pour faire du Bangladesh un état en faillite et un marché pour les autres», affirme Khandaker Mosharraf Hossain, un des dirigeants du BNP, cité par Bangladesh News. «Le mystère du massacre doit être éclairci. Le silence du Premier ministre et du gouvernement sont inacceptables.»

Les auditions se tiennent au quartier général des Fusils bangladais – le Darbar Hall – soit dans la pièce même où la mutinerie a commencé quand deux soldats ont tenté de tuer leur supérieur qui faisait un discours.