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La censure et l'interdiction au cinéma

Écrit par Alain Penso
09.03.2010
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  • Une exécution ordinaire (2009) de Marc Dugain.(攝影: / 大紀元)

Le cinéma, très tôt, est perçu comme une menace particulièrement efficace. Les pouvoirs publics et politiques ont les yeux grands ouverts sur les arts.

Le cinéma, l'art particulièrement sous surveillance

Les films franchissaient ou pas le Rubicon, selon le contenu de l'œuvre. Sans loi précise sur d'éventuelles interdictions, le cinéma dérivait vers l'incertitude. Jusqu’à la fin des années 60, des interdictions arbitraires iront jusqu'à briser la carrière de films, voire des individus, ces citoyens qui suivent les lois. La France est très en retard en matière de libération des mœurs. La passion politique des jeunes pour Mao Tsé-toung et son Livre Rouge fait oublier l'essentiel : la révolution culturelle en France, comme si c'était un jeu de société. La France, du moins ses jeunes, se mettent à fantasmer pour Mao qui s'était forgé une virginité en entraînant ses camarades chinois dans une grande marche pour lutter contre l'autorité sans partage de Tchang Kaï-chek.

Cinéma et idéologie

René Viénet est sociologue. Il a passé vingt ans de sa vie en Chine. Il a été le premier intellectuel en France à critiquer ouvertement et clairement le régime chinois totalitaire et criminel. En 1973, il réalise La dialectique peut-elle casser des briques? (1972) première œuvre détournée où l'humour permet de démonter l'idéologie du gouvernement chinois. Réalisateur de Chinois, encore un effort pour être révolutionnaire (1977) et d'un ouvrage qui fera date, Rêve au cul dans la Chine pop, produit pour une collection éclairée de l'INA. Ces œuvres ont permis de relativiser l'apport de ces petits livres rouges, sorte de poudre aux yeux pour une révolution culturelle dans la Chine populaire. A l'époque de ce film, toutes les pièces de théâtre étaient interdites sauf une, montée et jouée par les militaires sur l'intelligence et la bonté de Mao.

Les intellectuels eux-mêmes s'étaient fourvoyés, pensant que le régime de Pékin valait mieux que celui de Moscou. En Russie, les cinéastes étaient contrôlés par le parti communiste qui divulguait par le cinéma les bienfaits exceptionnels de la révolution dont ils étaient eux, les Russes, légataires universels pour tous les hommes. La réplique culturelle de toutes ces belles allégations se trouve inscrite dans le cinéma russe qui transmettra longtemps encore un message de la révolution de l'ordre de la propagande. Les cinéastes ont été manipulés plus ou moins selon le savoir-faire et le talent de dissimuler leur art derrière un discours complexe et efficace.

Cinéma et histoire

L'historien Marc Ferro, au début des années soixante-dix, analyse les films russes, décryptant le langage caché propre à chaque artiste. De ces analyses, Marc Ferro a tiré un mode d'analyse du cinéma et son influence sur la société et sur les créateurs. Cinéma et histoire est une manière très efficace de faire parler les films pour comprendre le fonctionnement de la société.

Dans Le destin d'un homme (1959) de Serguei Bondartchouk, la révolution est montrée comme une qualité indispensable, tout comme dans L'enfance d'Ivan (1962) de Andreï Tarkovski.

Il est amusant de savoir que Marc Donskoï doublera en 1935 aux studios de Biélorussie, où il est engagé depuis 1927, le premier film doublé en URSS. Il s’agit de L'homme invisible (1933) de James Whale. Les acteurs de toutes actions devaient-ils être invisibles pour avoir le droit d'exister?

Donskoï et sa trilogie de Gorki

Le célèbre cinéaste Marc Donskoï fait une trilogie consacrée à l’autobiographie de Gorki : L'enfance de Gorki (1938), En gagnant mon pain (1939), Mes universités (1940). Il reçoit le prix Staline en 1941, puis s'inscrit au parti communiste en 1945. Dans ce système de production, Marc Donskoï ne pourra jamais exprimer ses idées personnelles sur le cinéma. Pour tourner, il fallait être en accord avec le système corps et âme ou ne plus pratiquer du tout son art. En 1949, Staline interdit son film La loi de la grande terre (1948), l'éloigne des studios et le déménage à Kiev. Il tombera en disgrâce jusqu'en 1954. Il reprendra le chemin du studio de Gorki à Moscou. A la mort de Staline le 5 mars 1953, les hommes qui succèdent à ce dictateur assassin reconnaissent la valeur du cinéaste. Justice lui est rendue. Sergueï Eisenstein a été éloigné avec difficulté du cinéma : une mise à l'écart trop subite aurait pu nuire au régime. De 1942 à 1944, le cinéaste tourne Ivan le terrible qui obtiendra le prix Staline en 1945. La deuxième partie achevée en 1946 est censurée. Elle contenait des parties en couleurs, notamment la fête finale tournée avec de la pellicule Agfacolor nazie récupérée après la chute de Stalingrad. Cette partie-là ne pourra être vue qu'à partir de 1958, cinq années après la mort de Staline. Ivan le terrible n'est plus décrit, selon ses détracteurs, comme un héros, mais comme un paranoïaque. De plus Staline s'identifie au personnage. Aussi se mêle-t-il de tout : d'art, de politique, de vie privée et de stratégie, ne prêtant jamais attention aux informations fiables que lui font parvenir les services secrets sur la prochaine attaque allemande. Cela causera des milliers, voire des millions de victimes dont les vies auraient pu être épargnées s'il avait tenu compte des précieuses informations qui lui avaient été fournies.

Les résonances contemporaines des films d'histoire

Deux films récemment sortis concernent les thèmes étudiés : le film de Pavel Lounguine, Tsar (2009), où le réalisateur donne une lecture plus active du personnage en explicitant les raisons pour lesquelles, vers 1565, Ivan le terrible semble vouloir introduire la violence au moyen de ses milices pour contenir les élans de conquête des Polonais dont les avancés sont spectaculaires. Un film de plus vient confirmer que ce tsar est une star pour les Russes, aussi violent soit-il. Ce n'est pas un remake mais une vision plus contemporaine d'Ivan le terrible. Cela pause tout de même un problème moral sur la représentation de l'histoire au cinéma, et plus généralement dans le domaine des arts. Pavel Lounguine montre au passage que le cinéma russe peut se montrer aussi efficace que le cinéma américain au niveau du rythme.

Une exécution ordinaire (2009) est un film de Marc Dugain sur la souffrance de Staline qui demande à une femme médecin magnétiseur de venir le soulager. S'instaure évidemment, vu le personnage, une relation qui durera jusqu'à sa mort. La jeune femme devra s'armer de prudence et d'intelligence pour sortir indemne de cette épreuve hautement dangereuse puisqu'elle, pourtant en bonne santé, risque d'y laisser sa vie. La scène décrite est hautement improbable étant donné la méfiance que Staline avait pour tous les médecins qu'il faisait sans cesse surveiller.

La censure de l'œuvre à la source

La troisième partie commencée en 1946 est restée inachevée. Elle sera confisquée et détruite partiellement. Eisenstein n'acceptera pas que son œuvre soit mutilée. Il mourra à la l'âge de 50 ans d'une « hémorragie » le 10 février 1948. L'œuvre d'Eisenstein est indélébile. 65 ans après sa sortie, elle ressort à Paris au cinéma Accattone, dans la salle Anatole Dauman dans le Quartier Latin.

Du montage russe à son évolution américaine

Pavel Lounguine souligne l'importance de l'école russe du cinéma et surtout du montage dont s'est tant inspiré le cinéma américain qui avait accueilli Sergueï Eisenstein grâce à la Paramount en lui proposant cent mille dollars pour réaliser Une tragédie américaine de Théodore Dreiser. Il n'arrivera pas à se mettre d'accord avec les producteurs et finit par renoncer au projet, pourtant déjà bien avancé. Il repart pour Moscou après cinq mois de travail. Josef von Sternberg terminera Une tragédie américaine (1931) qu'Eisenstein pour différentes raisons idéologiques et éthiques ne pourra terminer. Par ailleurs, il se sent à cette époque redevable à Staline, personnage qu'il ne soupçonne pas un seul instant de ne penser qu'à lui-même et à son image. Ce n'est que le début de sa carrière. Les choses se préciseront pour lui et les autres intellectuels quelques années plus tard.

Le cinéma français n'est pas en reste dans le domaine de la censure et de l'interdiction. Si le régime politique n'est aucunement comparable au régime soviétique, la pratique de la censure, elle, est bien présente. Quant aux interdictions, pour les éviter, il vaut mieux consulter les autorités avant de se lancer dans un projet coûteux qui risquerait d'être bloqué pendant plusieurs mois, voire pour toujours.

Dès les débuts du cinéma, L'affaire Dreyfus (1902) est un court métrage de Ferdinand Zecca, dont une deuxième partie sera réalisée en 1908 avec Lucien Nonguet. Ces deux œuvres sont interdites en 1915 au nom du maintien de l'ordre (voir dans le n°169 de La Grande Epoque, La justice au cinéma). Le jugement de «l'affaire» est terminé et résolu depuis longtemps. Le gouvernement Daladier fait interdire la projection en France du film américain de William Dieterle, The life of Emile Zola (1937) (La vie d'Emile Zola). Il obtient également son retrait de la sélection du festival de Venise pour atteinte à l'honneur de l'armée française. Il obtiendra un visa d'exploitation en France en 1954.

Le film documentaire d'Alain Resnais, Nuit et brouillard (1959), a été retiré du festival de Cannes en 1959 sur l'intervention des autorités allemandes qui ne voyaient pas d'un bon œil le fait de devoir s'expliquer sur les massacres perpétués pendant la seconde guerre. Ce film à lui tout seul nécessiterait un ouvrage sur les problématiques soulevées.

Le Québec, terre d'exil pour Pierre Richard et Sylvie Testud

Le bonheur de Pierre (2008) est un film canadien de Robert Ménard réjouissant. Sylvie Testud y est excellente et Pierre Richard égal à lui même, bon poétique, rêveur. Pierre Richard, professeur de physique quantique, et sa fille journaliste, particulièrement ambitieuse, apprennent qu'ils héritent d'une auberge située dans un village isolé au Québec. La seule condition est de rester au moins un an pour hériter également d'un million d'euros.

Les villageois souhaitent que les Français quittent le village, afin que le magot leur revienne. Ils vont donc mettre au point toutes sortes de stratagèmes pour les faire fuir.

Les paysages photographiés sont admirables, le scénario est très bien écrit. C'est une comédie délicieuse qui a quelque chose d'italien, de bon enfant. Un vrai plaisir pour sortir des études cinématographiques trop sérieuses. La bonne humeur, l'humour font à chaque fois mouche. Les rapports linguistiques entre le français de Paris et celui du Québec sont très drôles. C'est un médicament qu'il est urgent d'avaler rapidement sans respirer pour atteindre un certain bien-être.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.