L’Europe formera les troupes somaliennes

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
16.04.2010

  • Des soldats gouvernementaux somaliens dans les rues de Mogadiscio. (Adirashid ABDULLE ABIKAR/AFP/Getty Images)(Stringer: ADIRASHID ABDULLE ABIKAR / 2010 AFP)

L’Union européenne entamera au mois de mai, en Ouganda, un programme d’entraînement de 2000 soldats somaliens, avec comme objectif de stabiliser le gouvernement de transition du pays. C’est une réponse à l’appel lancé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2009.

Le gouvernement somalien combat les militants islamistes d'Al-Shabaab qui auraient des liens avec Al-Qaïda. Ces derniers contrôlent largement le sud du pays et effectuent de fréquentes incursions dans la capitale Mogadiscio, où plusieurs zones sont sous leur contrôle.

L’absence de stabilité gouvernementale aurait permis à des combattants d’Al-Qaïda d’entrer dans le pays pour se joindre à Al-Shabaab alors que les forces de sécurité somaliennes ne sont pas prêtes – que ce soit au niveau de leur formation ou de leur équipement – à lancer l’offensive demandée par le gouvernement de transition.

Abdulrahman Othman, ministre du Trésor somalien, a indiqué à la BBC que des rapports des services secrets prouvent que des combattants d’Al-Qaïda arrivent du Yémen pour renforcer Al-Shabaab.

D’après lui, les gens d’Al-Qaïda se désengagent d’Afghanistan et d’Irak du fait des forces militaires déployées contre eux et choisissent la Somalie «parce qu’ils pensent qu’ils peuvent y faire ce qu’ils veulent».

«Nous avons besoin d’un gouvernement fonctionnel pour bloquer Al-Qaïda et les groupes extrémistes qui se cachent dans notre pays», indique-t-il.

Le colonel Ricardo Gonzalez Elul, commandant espagnol de la mission d’entraînement européenne, a indiqué lors d’une conférence de presse à Bruxelles que les soldats somaliens seront formés au déminage, au combat urbain et à la médecine d’urgence.

L’Union européenne, qui a consacré 4,8 millions d’euros pour cette mission, n’a pas précisé quelle partie de ce budget serait dédiée à l’équipement des troupes somaliennes.

La formation pratique des forces de sécurité somaliennes s'effectuera en «coordination avec les partenaires de l’UE, y compris le gouvernement fédéral de transition de Somalie, l’Ouganda, l’Union africaine, les Nations Unies et les États-Unis d’Amérique», précise le Conseil de l’Union européenne.

Il s’agit d’avoir «un ensemble de soldats bien entraînés pour reprendre le contrôle de la capitale, principalement formés par des soldats espagnols, français et italiens».

Le camp d’entraînement est installé à Bihanga, à 250 kilomètres à l’ouest de Kampala, la capitale ougandaise, indique le site InsideSomalia.org. Il formera 2000 soldats, sélectionnés par les États-Unis et l’Union africaine en fonction de leur ethnie, de leur éducation et de leur attitude afin de limiter le risque que ces soldats, une fois formés, ne désertent pour rejoindre leur clan ou la milice Al-Shabaab.

L’intérêt de la Somalie pour Al-Qaïda

La notion de «base arrière» pour Al-Qaïda, récemment illustrée par les camps d’entraînement au Yémen, de l’autre côté du golfe d’Aden, trouverait tout son intérêt pour Al-Qaïda en Somalie, où les opérations de piratage des navires croisant dans le golfe n’ont pas pu être stoppées par les marines militaires des plus grandes puissances.

Les pirates somaliens, dont on affirmait il y a peu que leurs moyens ne leur permettaient que d’attaquer des navires de petite et moyenne taille, viennent de faire la preuve de concept d’une capacité d’action bien supérieure en se rendant maîtres, le 4 avril, du superpétrolier sud-coréen Samho Dream. Fin novembre 2009, déjà, les pirates somaliens avaient saisi un superpétrolier grec de 330 mètres de long transportant dans ses cales deux millions de barils de brut.

Selon l’ONG Ecoterra International, les pirates détiennent à présent 23 navires étrangers et 347 membres d’équipage. Avec 80 % du trafic d’hydrocarbures passant par la région, Al-Qaïda disposerait d’une capacité d’action terroriste considérable si elle maîtrisait les côtes somaliennes.

Le 8 avril, des insurgés d’Al-Shabaab se sont emparés d’une base désaffectée des Nations Unies à Wajid, dans le sud de la Somalie, et de sa piste d’atterrissage. Le lendemain, ils ont coupé les signaux de la BBC et sa «propagande chrétienne». De véritables opérations de guerre et de prise en main des infrastructures somaliennes.