La pire sécheresse de l'histoire de Chine oblige à des restrictions alimentaires

Écrit par Wen Hua, La Grande Époque
22.04.2010

  • Des villageois de Qinglong, au sud-ouest du Yunnan, tendent les bras pour recevoir des bouteilles d'eau données par des résidents de Pékin le 4 avril 2010. (CHINA OUT AFP PHOTO)(STR: STR / ImageForum)

Le danger plane sur l’alimentation en eau potable de 18 millions de personnes, 11,7 millions de têtes de bétail et l’irrigation de 5 millions d’hectares de terre cultivable, alors que les récoltes de 1,15 million d’hectares sont d’ores et déjà perdues.

Le premier Ministre Wen Jiabao en personne s’était rendu fin mars à Quijing, une ville de la province du Yunnan, pour une inspection. Selon le quotidien Beijing News, M. Wen, après avoir appris que des millions d’ares de récolte avaient péri dans les environs, a dit aux fonctionnaires locaux de «se préparer au pire». En réponse, le ministère des Finances a débloqué 155 millions de yuans pour contrer les effets de la sécheresse, soit à peine 15 millions d’euros et une moyenne de 3 yuans (0,33 euros) par personne concernée.

Depuis le 19 mars, la province de Guizhou reconnait officiellement que 84 comtés, villes et autres zones habitées totalisant 17,3 millions de personnes, sont en état de sécheresse. Plus de 3,1 millions de personnes manquent de nourriture.

Certains articles rappellent d’autres périodes sombres de l’histoire chinoise, comme la désastreuse transition à l’agriculture collectiviste connue sous le nom de Grand Bond en Avant, quand quasiment toute la population affamée a dû sa survie à une nourriture de feuilles, de légumes sauvages, et de nourriture à moitié décomposée. Le journal Chongqing Morning Post rapporte que des villageois de Xiaowanshan dans la province du Yunnan survivent grâce à «la plante du mouton affamé», une plante sauvage que les moutons refusent normalement de manger. Ces personnes déclarent ne rien avoir de plus à manger.

Selon l’antenne locale de météorologie, la sécheresse qui sévit au Yunnan est la plus sévère connue depuis mille ans. Les prévisions indiquent qu’une personne sur quatre manquera d’eau potable d’ici mai.

Commencée l’automne dernier, cette sécheresse s’étend sur trois saisons et pourrait durer jusqu’à l’été. Sept millions de personnes vont potentiellement manquer de nourriture.

Le journal Guangzhou Daily du 22 mars cite un fonctionnaire du comté de Mile dans le Yunnan: «La récolte de printemps en maïs, blé et haricot est nulle. Il n’y a plus de graines pour semer pour le prochain printemps. S’il n’y a pas de pluie en mai, les récoltes importantes de printemps comme le riz seront compromises. Le peuple sera alors confronté à une famine.»

Le village de Shuitang du district de Wenshan situé au sommet d’une montagne de 1.800 mètres est considéré comme le village le plus sec.

«Il n’y a plus de légumes frais depuis trois mois. Beaucoup de villageois partent cueillir des herbes et des racines sauvages dans la montagne. Il n’y a plus d’eau potable non plus, et encore moins d’eau pour l’irrigation», témoigne Li Shaozhong, un membre de l’équipe du village de Shuitang dans le journal City Express.

M Li supplie, en larmes, les villageois de partir: «Attendez-vous d’être mort de soif?».

A Shibanfang dans le comté de Yanshan du Yunnan [NDLR: région montagneuse du sud-ouest de la Chine, mitoyenne de la Birmanie], le secrétaire du Parti local, Wang Chaoyun, déclare: «Nous traversons une rude sécheresse. Les habitants du village doivent aller à plus de 6 kilomètres pour chercher de l’eau. Chacun ici ne fait rien d’autre que combattre la sécheresse.»

«Les rivières et les étangs sont complètements secs. Il n’y a plus d’eau dans les puits et les réservoirs. Il n’y a plus de légumes non plus. Tout le blé est mort. Même dans la montagne les arbres ont dépéri. Il ne reste plus rien.»

Yang Mingquan, un habitant de la ville de Xingyi dans la province de Guizhou [NDLR: une région du sud de la Chine dont l’activité est essentiellement agricole], témoigne: «Il n’a pas plu depuis le 15 juin de l’année dernière. Les puits naturels sont à sec, les réservoirs sont vides, et les rivières sont asséchées. Les champs de blé et de soja ont dépéri ainsi que tous les légumes.»

Il dit que les citadins doivent se rendre quotidiennement à des torrents situés à 30 kilomètres pour s’approvisionner, et le gouvernement local a dû mettre en place la fourniture de 2,5 litres d’eau potable par personne et par jour.

«En fait, il n’y a pas d’eau pour le bétail, les chevaux et les cochons. La plupart ont été tués ou vendus. Personne ne peut s’en occuper. Les gens sont en train de se battre pour survivre.»