Déception des rencontres à Doha, un thon rouge sans protection

Écrit par Héloïse Roc, La Grande Époque
03.04.2010

  • Un chef de sushi de thon rouge dans un restaurant dans la ville de Yokohama, en banlieue de Tokyo. (Yoshikazu Tsuno/Getty Image)(Staff: YOSHIKAZU TSUNO / 2010 AFP)

Les intérêts économiques ont supplanté la cause des espèces sauvages menacées pendant la 15e conférence de la Convention sur le Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) qui s'est terminée à Doha (Qatar) le 25 mars 2010, après douze jours de réflexion. Cette conférence a déçu de nombreux espoirs, en cette année spéciale, Année internationale de la biodiversité. Les écologistes sont revenus les mains vides. Toutes les espèces marines commerciales qui devaient être examinés à la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées, ont été évincées… surtout face aux pressions commerciales du Japon.

Selon le WWF, cette rencontre a été marquée par les rejets répétitifs des propositions qui visaient à restreindre le commerce des espèces menacées, comme le thon rouge, les coraux ainsi que plusieurs espèces de requins. «Il est scandaleux que plusieurs États, membres de la CITES, aient sciemment ignoré les données scientifiques au profit de bénéfices économiques à court terme», constate Serge Orru, directeur général du WWF-France.

Le Japon sort gagnant

De cette conférence, le Japon est sorti victorieux. La seule inscription initialement adoptée devait être celle du requin taupe, mais elle a été rejetée le dernier jour. Les coraux rouges et roses, des espèces largement utilisées pour le commerce des bijoux, ne sont  pas parvenus à bénéficier de la protection de la Convention. Sue Lieberman du Pew Environment Group commente cette rencontre: «La CITES a toujours été un traité qui contrôlait le commerce, ceci, dans le but de préserver les espèces menacées. Désormais elle contrôlera les espèces dans le but d’obtenir plus de profits commerciaux.»

Prochaine réunion de l’ICCAT à Paris, sur le thon rouge

«Alors que le rejet de la proposition d’interdiction du commerce international du thon rouge est perçu comme une catastrophe, il devrait être considéré comme une opportunité et non comme un échec», pense Serge Orru. Cette déception rendra les États plus vigilants lors de nouvelles rencontres décisionnelles. «Nous espérons que cette réunion de la CITES sera un jour vue comme le moment charnière où les États ont enfin décidé de s’allier pour sauver le thon rouge et cesser de céder aux pressions de la pêche industrielle. La prochaine réunion de la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique (ICCAT) qui aura lieu en novembre prochain à Paris, s’ouvrira dans une nouvelle optique après cette prise de conscience collective de l’État de la ressource», déclare Charles Braine, responsable du programme pêche durable au WWF-France.

Les éléphants

Par contre, la conférence de la CITES a décidé de fixer et de maintenir son interdiction du commerce de l'ivoire des éléphants qui sont victimes de braconnage. Elle a refusé les requêtes de la Tanzanie et de la Zambie qui demandaient à la CITES le droit de vendre plusieurs tonnes d'ivoire, issues de mortalité naturelle… En effet, la conférence appréhende d’octroyer des droits favorisant le braconnage, en autorisant les ventes. Les trafics et la chasse  s’accentueraient. «A partir du moment où il existe un marché, on encourage le braconnage», a expliqué Céline Sissler-Bienvenu, du Fonds mondial de protection des animaux (IFAW).