Cet homme est-il le prochain président colombien?

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque
19.05.2010

  • Antanas Mockus (D), candidat à la présidentielle du Partido Verde. (LUIS ROBAYO/AFP/Getty Images)(Stringer: LUIS ROBAYO / 2010 AFP)

Il ne porte plus ses costumes de «super-citoyen» (collant jaune et cape rouge) lors d’opérations médiatiques contre la violence dans les rues de Bogota. Il ne baisse plus non plus, ou très rarement, son pantalon en public pour attirer l’attention de son auditoire. C’est qu’Antanas Mockus est devenu un des prétendants les plus sérieux à la succession d’Alvaro Uribe, le 30 mai, lors des élections présidentielles colombiennes. Et que son image doit donc s’adapter.

Contrairement aux prévisions, la course est serrée entre Juan Manuel Santos - l’ancien ministre de la Défense d’Alvaro Uribe qui promet de renforcer la lutte contre les FARC et les narcotrafiquants - et Antanas Mockus, champion de la lutte anti-corruption et candidat du Partido Verde, les Verts colombiens. L’énorme surprise est de voir un trublion aux méthodes excentriques, talonner voire dépasser le candidat adoubé par l’ultra-populaire Uribe, à qui la Constitution colombienne ne permet pas de postuler à un troisième mandat.

Professeur de mathématiques, Antanas Mockus a été deux fois maire de Bogota et recteur de l’université de la même ville. Mais pour passer de l’homme qui, d’après The Economist, se battait pour le respect des feux rouges à Bogota, pour des poubelles bien fermées ou pour que les maris ne battent pas leur femme, à celui que les derniers sondages annoncent futur président, il a fallu une série de transitions majeures: d’abord la formation du Parti vert avec deux autres maires de la capitale, Luis Eduardo Garzón et Enrique Peñalosa. Puis des élections primaires ouvertes mobilisant plus d’1,5 million de personnes, à contre-pied de la culture politique colombienne. Et enfin le ralliement de Sergio Fajardo, ancien maire de Medellin et lui aussi candidat potentiel à la présidentielle.

Le candidat des taxes

«Contre-pied» semble être le mot-clé de la campagne de Antanas Mockus, qui promet, ce qui fait pâlir les politiciens en recherche de popularité: une augmentation des impôts, et en particulier un resserrage de boulons vigoureux sur la taxation des entreprises, très inférieure en pratique aux 33% officiels, du fait des «failles» du système colombien. De telles promesses n’affectent pas la popularité de M. Mockus auprès des couches sociales modestes, mais elles font déjà frémir les investisseurs internationaux, attirés en Colombie par les mesures fiscales incitatives du gouvernement Uribe.

Les représentants de la gauche colombienne considèrent M. Mockus comme un affreux conservateur coupable, d’avoir contrôlé les dépenses publiques pendant ses mandats de maire, et d’avoir partiellement privatisé des entreprises. Les représentants de la droite colombienne le voient, eux, comme un presque gauchiste prêt à ensabler la croissance économique du pays par sa politique fiscale. M. Mockus se voit lui à la position idéale: «Nous croyons qu’un pays n’est pas attractif uniquement avec son niveau de taxation ou ses réductions d’impôts. Je pense qu’être protégé de la corruption et de la violence est plus important qu’un ou deux points de taxe professionnelle» dit-il, cité par le Wall Street Journal.

Pourtant, Andres Jimenez, un analyste boursier d’Interbolsa, aussi cité par le Wall Street, s’inquiète: «Le prochain président devrait se focaliser sur le paiement des impôts et sur la lutte contre l’évasion fiscale, plutôt que de faire monter les taxes des entreprises et personnes qui paient déjà pour tout.»

Le Parti Vert continue sa campagne résolument au centre, sans que cela puisse laisser anticiper un ralliement au «bloc bolivariste» sud-américain porté par le Vénézuéla, la Bolivie et l’Equateur. Antanas Mockus affirme soutenir la politique sécuritaire d’Alvaro Uribe, à laquelle il reproche cependant de considérer que «tous les moyens sont bons.»

Les sondages restent très serrés, et un second tour est à anticiper entre messieurs Mockus et Santos. Ce dernier, s’il souffre d’être associé aux erreurs de la Présidence Uribe, demeure un candidat extrêmement solide dans son positionnement pour la sécurité des Colombiens. Les sondages semblent indiquer qu’avec l’affaiblissement des FARC, les électeurs semblent maintenant plus rechercher un chevalier anti-corruption qu’un nouveau super-policier. Si un chevalier en collant jaune et cape rouge leur semble avoir la stature d’un Président, la Colombie pourrait devenir verte dans quelques semaines.