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L’Europe et la «folie» des marchés

Écrit par Patrick C. Callewaert, La Grande Époque
25.05.2010
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  • (Dominique Faget/AFP/Getty Images)(Staff: DOMINIQUE FAGET / 2007 AFP)

Le 9 mai 1950, Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères de la France, annonçait la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), amorçant le rapprochement franco-allemand et donnant naissance à l’Union européenne. Pour la première fois depuis des siècles d’affrontements, les pays européens décidaient enfin de jeter définitivement les armes et d’unir leurs forces autour d’un projet commun. Soixante ans plus tard, après avoir créé l’Europe sans réel pouvoir de décision, une crise financière et économique provoque dans le navire une brèche telle que beaucoup se demandent si le rêve européen des pères fondateurs n’est pas une chimère.

Une crise simple à comprendre

Les causes de la crise actuelle sont largement connues et simples à comprendre: pendant de nombreuses années, au mépris de leurs propres règles, les États européens ont chacun laissé leur déficit national se creuser et leurs dettes s’accroître. L’Allemagne, qui a eu le courage d’inscrire le principe d’équilibre du budget de l’État dans sa constitution, est la seule exception à cette politique irresponsable. Les autres pays de la zone euro connaissent maintenant un endettement excessif, qu’ils financent par des emprunts d’autant plus faciles à émettre que l’euro est leur monnaie commune, qu’aucune autorité supranationale ne contrôle leur budget. A cette politique aveugle se sont ajoutés à l’automne 2008 les énormes emprunts nécessaires au renflouement des secteurs bancaires nationaux et qui ont subitement aggravé leur dette au-delà du supportable.

Une crise systémique risquant d’emporter l’euro

Le résultat ne s’est pas fait attendre: la théorie économique dominante qui croyait que la dette souveraine, c’est-à-dire celle d’un État, bénéficiait par nature de la meilleure note et donc des taux les plus bas, fut mise en défaut par la perte de confiance dans la capacité de la Grèce à rembourser ses dettes et donc la brusque hausse des taux d’intérêt des emprunts grecs. La plupart des pays européens étant dans la même situation, en particulier dans l’Euroland, ceux-ci risquent le même sort à très brève échéance. Parallèlement, l’euro qui jusqu’alors se présentait comme une valeur refuge, a subitement connu la défiance et donc une chute de son taux de change. Dès lors, il ne s’agit plus d’une crise limitée à un ou plusieurs États, mais d’une crise systémique risquant d’emporter l’euro lui-même, voire de mettre à mal l’ensemble de l’édifice européen péniblement construit depuis soixante ans. L’Europe vacille, mais en grande partie de la faute des États qui la composent et de leur nationalisme irrépressible.

Renforcer la souveraineté européenne au détriment des nationalismes

Les remèdes de fond, quant à eux, sont tout aussi connus et relèvent du simple bon sens: il faut bien sûr éliminer progressivement les déficits nationaux, si possible sans entraver la croissance, puis faire baisser la dette des États. Mais c’est très insuffisant. Il faut surtout un pouvoir européen plus fort et indépendant des États nationaux. Cet État européen doit pouvoir conduire une politique économique et fiscale unique, avec l’euro pour monnaie, se doter d’une armée européenne, d’un président élu au suffrage universel et d’une constitution européenne. Les 110 milliards d’euros annoncés le 4 mai pour sauver la Grèce n’ont pas suffi à calmer les marchés financiers, et la création en urgence d’un fonds de garantie européen de 750 milliards d’euros du 10 mai dernier ne semble pas les rassurer beaucoup plus, même accompagnée de plans de rigueur dans les pays les plus concernés. En refusant de se soumettre à un contrôle a priori de leur budget, comme le proposait timidement le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, les gouvernements européens, et la France en tête, démontrent une nouvelle fois leur totale incompréhension du rêve européen actuel.

Ecouter le message subliminal des traders

Désigner les marchés financiers comme bouc émissaire, ainsi que les chefs de gouvernement se plaisent à le faire, leur jeter des milliards en pâture en espérant les calmer mais sans leur donner d’autre argument pour les rassurer ni les motiver, relève plus de l’incantation que de l’autorité. En effet, ces personnes qui derrière leurs écrans d’ordinateurs parient à coup de milliards sur les dettes des États, sont dans leur grande majorité des jeunes Européens nés après la déclaration de Schuman, travaillant dans des entreprises multinationales. Au-delà de la perte de confiance en certains États européens, ils délivrent surtout l’espoir d’une Europe plus unie et plus intégrée.

 Les hommes politiques objectent à l’unisson qu’il est impossible de créer une Europe fédérale, tant les peuples qui la composent sont peu préparés, et tant leurs cultures sont différentes. En réalité, ils ont peur d’abandonner une partie de leur souveraineté nationale. Pourtant l’histoire enseigne que c’est dans les moments les plus difficiles, lorsqu’ils ont l’impression d’être dans une impasse, que les peuples acceptent les changements les plus radicaux.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.