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L'Armée de résistance du seigneur: peu nombreuse, mais source de terreur

Écrit par IRIN News
26.05.2010
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  • La résistance des villages s'organise, ici à Bangadi, Nord-Est du Congo. (LIONEL HEALING/AFP/Getty Images)(-: LIONEL HEALING / 2009 AFP)

NIANGARA – Elles ne comptent peut-être qu’une centaine d’hommes, d’enfants et d’adolescents, mais les unités de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) dispersées dans les forêts du nord-est de la province Orientale, en République démocratique du Congo (RDC), ont tout de même réussi à faire fuir quelque 318.000 personnes. Celles-ci ont abandonné leur foyer et leurs terres pour l'asile incertain qu’offrent les centres urbains.

Les habitants ont raison d’avoir peur, car la brutalité extrême fait partie de la stratégie de survie de ce groupe de rebelles du nord de l’Ouganda. Depuis décembre 2007, la LRA a déjà fait près de 2.000 victimes dans la province Orientale, essentiellement dans les districts du Haut et du Bas-Uélé.

Manquant de lignes d'approvisionnement et largement dispersés depuis une attaque aérienne bâclée en décembre 2008, les combattants de la LRA opèrent séparément, par petits groupes mobiles qui vivent de la terre, c’est-à-dire de ce que la population locale produit. Comme ces populations ne sont pas enclines à partager le peu qu’elles ont avec des partisans d’une rébellion dont les enjeux ne les concernent pas, elles sont contraintes à fuir.

«La violence de ses attaques [de la LRA] et les souffrances qu’elle cause sont destinées à intimider les villageois pour les contraindre à se taire et à ne pas donner aux autorités les informations dont elles ont besoin pour mener une campagne contre-insurrectionnelle. Les rebelles cherchent aussi à faire fuir les civils pour se déplacer sans risquer d’être repérés», a indiqué l'International Crisis Group dans un rapport sur la LRA publié récemment.

Il est difficile d’expliquer aux victimes de ces violences la logique brutale et calculée de leurs bourreaux.

«Que peut-on dire à une femme qui s’est fait couper les lèvres et les oreilles sans aucune raison?», a dit le coordinateur des secours d'urgence des Nations Unies, John Holmes, à la suite d’une visite dans la ville de Niangara, dans le Haut-Uélé, le centre géographique de l’Afrique. Monsieur Holmes a fait une tournée des zones les plus troublées de la RDC.

Il a également dit aux journalistes que les Nations Unies enquêtaient actuellement sur des informations faisant état du massacre, en février 2010, d’une centaine de personnes dans le village de Kpanga. Si ces allégations s’avéraient fondées, le nombre de victimes de la LRA s’élèverait à plus de 500 pour cette année seulement.

Selon les données compilées par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le nombre d’attaques dans les districts du Haut et du Bas-Uélé est passé de 7 en février à 19 en mars.

Série de violences

De son côté, le gouvernement de la RDC, qui – à l’approche des élections prévues en 2011 – souhaite démontrer qu’il exerce le contrôle sur son vaste territoire, a décrit des rapports faisant état de massacres perpétrés par la LRA comme étant exagérés, un stratagème des travailleurs humanitaires pour justifier leur présence.

Cette vision n'est pas partagée à Niangara, où des responsables ont discuté avec Monsieur Holmes de l’absence de sécurité, des maigres réserves de nourriture et de l'inexistence des communications dans la région.

Contrairement à de nombreuses villes du pays, Niangara est dépourvue de réseau de téléphonie mobile, ce qui signifie qu’il est impossible de donner l’alarme en cas d’attaque. La ville est difficilement accessible par la route.

«On assiste à des meurtres, des viols, des déplacements forcés, [on voit] des écoles désertées, des incendies criminels, des mutilations de toutes sortes…», a dit le représentant de la société civile, Floribert Tongole, pour expliquer à la délégation de Monsieur Holmes les multiples conséquences de la présence de la LRA.

«Chaque semaine, il y a de nouvelles attaques. Il y en a eu jusqu’à sept à Niangara seulement», a-t-il ajouté.

D’après M. Tongole, les combattants de la LRA se trouvent à quelques kilomètres à peine de la ville. «La semaine dernière, ils ont coupé les lèvres d’une femme», a-t-il ajouté.

Selon d’autres habitants de Niangara, trois rebelles de la LRA auraient été arrêtés les 1er et 2 mai après être tombés entre les mains de résidants.

«Nous ne pouvons pas nous rendre sur nos terres parce que nous craignons les rebelles», a dit un habitant de Niangara à IRIN.

«Plusieurs personnes déplacées sont hébergées par des familles hôtes et partagent leur nourriture, ce qui signifie qu’il ne leur reste plus grand chose», a-t-il ajouté.

«[Le chef de la LRA] Joseph Kony est-il plus puissant que les Nations Unies?», a demandé une représentante des femmes de Niangara lors de la rencontre avec Monsieur Holmes.

La mission des Nations Unies en RDC (MONUC) estime à une centaine le nombre de combattants de la LRA dans la province Orientale. Une autre centaine de rebelles, parmi lesquels Joseph Kony lui-même, se cacherait en République centrafricaine. D’autres seraient au Sud-Soudan.

Même avec aussi peu de combattants, la LRA a rendu la région dangereuse. Les travailleurs humanitaires ne peuvent venir en aide à environ un tiers des personnes déplacées dans les districts du Haut et du Bas-Uélé.

«C’est du terrorisme à l’état pur. Le nombre [de combattants] ne veut rien dire. Ce qui compte, c’est leur capacité à faire du tort à la population locale», a dit un travailleur humanitaire du Haut-Uélé.

Problème de coordination

Il a ajouté que l’absence de coordination entre les diverses forces armées présentes dans la province Orientale – la MONUC, qui joue un rôle indirect dans le contrôle des rebelles, l’armée congolaise, dont les 6.000 soldats déployés dans le Haut-Uélé sont mal entraînés et débordés, et l’armée ougandaise, qui a dirigé l’opération de décembre 2008 – profitait à la LRA.

L’invitation des forces ougandaises par le gouvernement congolais est arrivée à échéance en mars 2009 et seuls quelques «officiers de renseignement» ont maintenant le droit d’être en RDC. On estime toutefois qu’entre 1.000 et 3.000 soldats y sont toujours déployés.

Selon un officier de haut-rang de la MONUC avec qui s’est entretenu IRIN à Niangara, la mission n’entretient aucun contact avec l’armée ougandaise dans la province Orientale. Il a ajouté que les forces des Nations Unies apportaient leur soutien à l’armée congolaise en termes de logistique, de transport, de formation et d’approvisionnement en vivres et en carburant.

D’après l'OCHA, les soldats congolais ne sont pas toujours au service du bien. Ils sont parfois «responsables de violations des droits de l'homme telles que l’extorsion de vivres et d’autres biens et le travail forcé».

En outre, ils ne parviennent pas toujours à dissuader efficacement les mouvements de la LRA. Dans un résumé de la situation humanitaire dans la province Orientale paru en mars, OCHA indique que les «soldats congolais sont incapables de faire cesser les incursions répétées [de la LRA] dans les villes, qu’ils préfèrent attribuer à des bandits locaux».

Et maintenant?

Se débarrasser de M. Kony semble être la priorité des autorités ougandaises. À Niangara, M. Holmes a lui-même parlé de la nécessité de «neutraliser Kony et ses collègues» vu les refus répétés du chef de la LRA de signer un accord de paix.

Dans son rapport, l'International Crisis Group décrit la LRA comme un «groupe de guérilla sans cause et sans base fixe dont la principale préoccupation est la survie au jour le jour», mais tire la sonnette d’alarme face à de tels objectifs rigoureusement militaires.

Même si «le niveau de coordination et de cohésion au sein de la LRA est généralement faible [...] et que l’organisation comme telle pourrait bientôt s'effondrer […] les individus et les groupes se sont montrés extrêmement résistants».

«Même si la LRA devait se désintégrer de plus belle et que l’armée parvenait à tuer ou à capturer M. Kony, il reste un sérieux risque que des groupes isolés de combattants continuent à faire souffrir des civils dans l’ensemble de la région», indiquait le rapport.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.