En attendant le carrosse

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque
27.05.2010

  • Une scène de Cendrillon présenté par l’Opéra de Montréal(攝影: / 大紀元)

L’histoire qui a bercé toutes les petites filles, Cendrillon, revient, sous des allures inspirées des années 1950, et tout en chant. Massenet a composé cet opéra féérique en 1899, vif succès à l’époque. Le programme révèle que les contemporains de Massenet l’ont parfois accusé de facilité, ce à quoi il répondait : «Pourtant l’art, c’est si beau pour égayer la vie, rendre le cœur meilleur et la route plus jolie.» Si l’art dessert cet état d’esprit, Cendrillon manque le carrosse.

Le spectacle est pourtant audacieux tant par sa scénographie (André Barbe) que par l’allure burlesque donnée aux personnages savamment mis en scène (Renaud Doucet). Le premier acte donne à voir une immense cuisine rose bonbon dans laquelle les personnages semblent minuscules. Une ingéniosité dans l’utilisation des meubles de la cuisine inspire. Par exemple, les tiroirs se transforment en escalier. L’inclinaison du plancher de scène apporte aussi une dimension spectaculaire dans le mouvement des personnages. Renaud Doucet a aussi eu la brillante idée d’installer des passages de cirque dans le second acte où les prétendantes au trône exécutent leurs tâches ménagères à coup de diabolo, de contorsions et de jonglerie pour épater le prince.

Le jeu des chanteurs est très physique ce qui a pour effet de dynamiser l’ensemble des scènes. Les voix ne perdent pas pour autant le cap, chose difficile pour un chanteur, comme le souffle est plus court et que l’air se trouve plus difficilement lorsque le corps est instable. Une performance généreuse et une complicité qui donnent du souffle à Cendrillon.

Ce qui est moins bien réussi repose sur le livret d’Henri Cain, d’après le conte de Perrault. Tout le monde connaît l’histoire de Cendrillon. La méchante belle-mère, les vilaines sœurs, la fée marraine, la tenue somptueuse, le carrosse, minuit heure de couvre-feu, l’oubli de la chaussure… etc. Or, plutôt que de plonger complètement dans le second degré avec cette facture année 1950 et le caractère comique des scènes, le texte est préservé presque intégralement et c’est ainsi que le conte se transforme en cauchemar. Il tire en longueur, change de registres constamment en abordant les scènes plus sérieuses comme des tragédies… jouées de façon réaliste. Une véritable catastrophe.

Bien qu’adapté pour plaire un large public, Cendrillon contient que très peu de mélodies qui restent à la mémoire. Elles glissent à l’oreille comme un dialogue fait de vocalises. Malgré tous les efforts de l’orchestre, le phrasé est lourd et peine à éveiller l’oreille.

Et, pourtant, la foule semble adorer. C’est là tout le mystère. Est-ce la popularité du conte? Le fait qu’il soit lié à la petite enfance? La grande qualité des passages clés de cet opéra? Le fait que la plupart des spectateurs qui assistent au spectacle en soient à leur première découverte en opéra? Cela demeure surprenant. Tant mieux si Cendrillon emmène des gens à découvrir l’opéra. Encore mieux si Cendrillon permet à l’opéra de Montréal de monter des opéras plus rares et moins convoités. Ce qui demeure, c’est la présence d’esprit esthétique des concepteurs, ce qui permet au moins d’apprécier le conte de fée dans une perspective visuelle fort captivante.