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Quand les politiciens et les chercheurs canadiens veulent plaire à Pékin

Écrit par Matthew Little, La Grande Époque
28.05.2010
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  • L'ex-maire de Vancouver, Sam Sullivan(Stringer: JEAN-PIERRE CLATOT / 2006 AFP)

On a raconté que le rapprochement avec la Chine aiderait à faire fleurir dans ce pays les valeurs de démocratie et de protection des droits de l'homme. Vous êtes un génie si vous pouvez souligner une occasion où un dirigeant chinois, après avoir rencontré ses homologues occidentaux, a louangé les bienfaits des élections libres, des cours de justice indépendantes et a appelé à mettre fin aux peines de travail forcé déterminées sans procès.

Nous voyons plutôt, ces jours-ci, des responsables occidentaux qui disent avoir changé leur point de vue après avoir rencontré leurs homologues chinois.

Prenons par exemple le cas du maire d'Ottawa, Larry O'Brien. Un mois après son retour de la Chine, il est revenu sur sa promesse d'émettre une proclamation reconnaissant un groupe spirituel qui, justement, fait l'objet d'une persécution en Chine. Des proclamations de ce genre ont été émises dans le passé, et la Ville en octroie à de nombreux groupes et communautés tout au long de l'année.

Le maire O'Brien a annulé la proclamation de la «Journée du Falun Dafa», proclamation qu'il avait lui-même signée ces dernières années, en expliquant à Alex Cullen – un conseiller de la Ville – qu'il avait «pris un engagement».

Lorsque questionné par le quotidien Ottawa Citizen, le maire n'a pas voulu mentionner les détails de son «engagement».

Le Falun Dafa est une pratique de méditation dont les principes sont l'authenticité, la compassion et la tolérance, et qui est persécutée en Chine depuis 1999. Selon Manfred Nowak, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, la majorité des prisonniers des camps de travail forcé en Chine sont des pratiquants de Falun Dafa (aussi appelé Falun Gong). Selon Amnesty International, le groupe est parmi ceux les plus persécutés du pays.

«Pour vous dire franchement, basé sur ce que j'ai vu – le progrès et l'hospitalité et le bonheur que j'ai vus en Chine – il serait difficile pour moi d'essayer de provoquer en quelque sorte un incident international», a déclaré O'Brien au Ottawa Citizen.

O'Brien n'est pas le premier politicien à ranger les droits de la personne et autres valeurs canadiennes dans le placard après une visite en Chine, mais il est le premier à être aussi candide à ce sujet.

Dans un scénario qui se répète sans cesse, des responsables canadiens vont en Chine et sont traités aux petits oignons. Cela fait partie de la stratégie de Pékin pour amadouer les Occidentaux, et ça semble fonctionner.

Un exemple frappant est celui de l'ex-maire de Vancouver, Sam Sullivan, qui a déclenché des poursuites judiciaires afin de déloger un site de protestation du Falun Gong à l'extérieur du consulat chinois de la ville.

«Quand je vais en Chine, ils me traitent comme un empereur», avait déclaré Sullivan alors qu'il était toujours en poste.

Les politiciens reçoivent un traitement royal en Chine qu'aucun autre pays ne peut égaler. C'est la façon la plus basique avec laquelle le régime chinois fait avancer ses objectifs de politique étrangère et les résultats peuvent être surprenants.

Par exemple, un juge canadien de retour de Chine avait déclaré à un auditoire que le Canada ne pourrait jamais rivaliser avec le système judiciaire de ce pays autoritaire.

Clive Ansley, un des premiers avocats canadiens à avoir pratiqué le droit en Chine, a habité là-bas durant 14 ans. À son retour, il a sévèrement critiqué l'aveuglement des experts qui vantent le système judiciaire chinois.

Il a récemment conté l'histoire de ce juge à une salle remplie de députés et de sénateurs sur la Colline parlementaire. Le juge aurait affirmé que le Canada ne serait jamais en mesure de «rattraper» les tribunaux chinois, où l'on trouve des écrans plasma et des salles bâties avec des montagnes de marbre.

La Chine exécute un plus grand nombre de prisonniers que tous les autres pays du monde combinés et possède des équipes judiciaires et médicales qui font coïncider les exécutions avec des transplantations d'organes, affirme M. Ansley.

Il ajoute que de toutes les lois produites par le régime chinois, aucune d'entre elles ne peuvent être appliquées sans l'aval des cadres du Parti communiste. Tous les jugements sont sujets à l'influence ou même décidés par des membres du Parti plutôt que par le personnel juridique.

Les «visiteurs de banquets» qui reviennent de la Chine avec des récits de progrès «sont simplement et complètement séparés de la réalité», soutient Ansley, le responsable du dossier Chine chez Lawyers' Rights Watch Canada, un groupe de défense des avocats et de la primauté du droit.

Quant aux politiciens qui se fient aux universitaires canadiens pour obtenir un point de vue mieux balancé, ils n'ont pas de chance. Alors que les politiciens se font séduire, les universitaires se font séquestrer. Puisque leur accès à la Chine est vital à leurs carrières, l'autocensure parmi les chercheurs étrangers est devenue un sujet que l'on soulève de plus en plus.

Dans un article écrit pour le Far East Economic Review, Carsten Holz – économiste et professeur à la Hong Kong University of Science and Technology – explique sa déception sur la manière dont le monde universitaire souscrit pleinement à la ligne du régime.

«Les chercheurs étrangers doivent coopérer avec les chercheurs en Chine pour recueillir des donnés et coproduire des recherches. Les enquêtes sont conduites d'une manière qui plaît au Parti et leur contenu se limite aux sujets politiques acceptables. Pour les chercheurs en Chine, de tels choix viennent naturellement. Les Occidentaux ne font que suivre.»

Les chercheurs qui ne suivent pas la ligne perdent des partenaires de recherche, des données et la Chine elle-même lorsque les visas sont refusés.

Écrivant plus récemment dans les colonnes du New York Times, Emily Parker – chercheuse à l'Asia Society’s Center on U.S.-China Relations – décrit comment ces jours-ci les chercheurs étrangers s'autocensurent davantage que les chercheurs chinois.

Elle mentionne que les écrivains chinois sont parfois surpris de voir à quel point les Occidentaux ont peur d'offenser le régime.

«Tandis que la censure de Pékin est bien connue, l'autocensure des écrivains occidentaux se cache derrière un silence nerveux. L'idée que les chercheurs “compromettent collectivement nos idéaux académiques afin d'avoir accès à la Chine offense les gens intellectuellement, mais nous le faisons tous”, m'a confirmé un professeur d'une université américaine prestigieuse dans un entretien téléphonique», écrit-elle.

«Cette précaution donne forme à l'ensemble du corpus de livres occidentaux au sujet de la Chine, qui selon certains met l'accent sur le succès économique du pays plutôt que sur sa répression politique.»

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