Mockus ou Santos président, FARC et Chavez perdants

Écrit par LatinReporter
11.06.2010
  • Des affiches pour Antanas Mockus (D) et Juan Manuel Santos (G) à Bogota. JUAN BARRETO/AFP/Getty Images(Staff: JUAN BARRETO / 2010 AFP)

Elu le 30 mai ou plus probablement le 20 juin au second tour, le prochain président de la Colombie sera, selon les sondages, soit Antanas Mockus, candidat du Parti Vert, soit Juan Manuel Santos, ancien ministre de la Défense et dauphin du président sortant, le conservateur Alvaro Uribe. Cela signifie que la guérilla marxiste des FARC et son allié vénézuélien Hugo Chavez seront parmi les grands perdants de cette élection présidentielle.

Les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) appellent les électeurs à l'abstention face à « l'horizon obscur dessiné par les candidats ». Obscur, certes, pour un terrorisme insurrectionnel qui prétend toujours négocier la libération de ses otages contre celle de centaines de rebelles incarcérés et s'ériger ainsi en interlocuteur politique reconnu par Bogota et la communauté internationale.

Cette tactique de l'accord dit humanitaire avait déjà du plomb dans l'aile depuis le 2 juillet 2008, date à laquelle l'armée colombienne, patronnée alors par le ministre Santos, libérait les plus précieux des otages des FARC, Ingrid Betancourt, trois Américains et onze officiers et sous-officiers colombiens.

La narco-guérilla marxiste misait néanmoins sur l'arrivée au palais de Nariño d'un président plus flexible qu'Alvaro Uribe et que son dauphin Juan Manuel Santos. Mais tant ce dernier que le candidat des Verts, l'ancien maire de Bogota, Antanas Mockus, signifient qu'ils ne céderont pas.

« L'accord humanitaire n'a rien d'humanitaire. C'est un jeu des FARC avec la douleur des séquestrés et de leur famille », clame Santos. Selon lui, négocier avec la guérilla un échange de prisonniers encouragerait la prise d'otages.

Le refus du candidat du Parti Vert est tout aussi tranché. On se rappellera néanmoins que les Verts européens, qui applaudissent aujourd'hui Antanas Mockus, réclamaient à cor et à cri, comme le président et les médias français et de multiples comités en Europe, l'accord humanitaire lorsqu'Ingrid Betancourt était encore captive des guérilleros.

« Je ne veux pas entendre parler de dialogue avec les FARC tant qu'il y aura des otages », avertit Antanas Mockus. Il croit, comme Santos, que négocier avec la « bande terroriste » un prétendu accord humanitaire « l'encouragerait à continuer à séquestrer » et que « les otages seraient libérés plus rapidement si nous étions tous capables d'être fermes et radicaux ».

Quant au président vénézuélien Hugo Chavez, il doit avoir compris que ni Santos ni Mockus ne feront de la Colombie voisine le grand allié idéologique sans lequel le socialisme dit bolivarien cultivé à Caracas s'estime géographiquement et historiquement incomplet. L'Equateur et la Bolivie sont déjà sous son protectorat, mais il manque à Chavez le contrôle de la Colombie et du Pérou pour reconstituer l'empire formé brièvement au XIXe siècle par le libertador Simon Bolivar, dont l'autocrate de Caracas aime à brandir le sabre, au propre comme au figuré.

Ni Antanas Mockus ni moins encore Juan Manuel Santos ne dénonceront l'accord qui offre depuis le 30 octobre 2009 aux forces des Etats-Unis l'usage d'au moins sept bases militaires colombiennes pendant une période de dix ans renouvelable. Mockus estime que la sécurité de la Colombie est mieux assurée par cet accord que Chavez qualifie de menace pour le Venezuela, pour son pétrole et sa révolution, ainsi que pour les régimes de gauche d'Amérique latine. Le gel par le Venezuela, depuis près d'un an, de ses relations diplomatiques et commerciales avec la Colombie découle de cet accord militaire.

Mockus et Santos maintiendront aussi l'accord de libre échange signé en 2006 par la Colombie avec les Etats-Unis (mais pas encore ratifié par Washington). Il avait poussé Hugo Chavez à retirer le Venezuela de la Communauté andine des nations.

En janvier 2008, devant l'Assemblée nationale vénézuélienne, le président Chavez invitait l'Europe à ne plus considérer comme terroristes et même à reconnaître les guérillas colombiennes des FARC et de l'ELN (Armée de libération nationale). Ces « forces insurgées ont un projet politique, un projet bolivarien qui, ici [au Venezuela], est respecté », argumentait Chavez.

Le 1er mars dernier, la justice espagnole accusait le Venezuela d'appuyer une alliance terroriste nouée entre les FARC et les Basques de l'ETA pour tenter d'assassiner des politiciens colombiens lors de visites en Europe. Le président Uribe et Mockus figurent parmi les personnalités explicitement visées. Tout en souhaitant normaliser les relations avec Caracas, l'ancien maire de Bogota a prévenu que, s'il était élu président, il demanderait à Chavez d'expulser ceux des chefs des FARC et leurs hommes qui jouissent au Venezuela de bases de repli et d'entraînement.

Enfin, que le nullement antiaméricain Antanas Mockus se soit hissé, contre toute attente, au rang d'alternative humaniste grâce aux principaux réseaux sociaux de l'Internet, Facebook et Twitter, au point d'être désigné par les sondages comme vainqueur probable du second tour de la présidentielle colombienne, cela inflige au pouvoir en place une leçon d'humilité que Chavez tentera d'empêcher au Venezuela. Malgré l'engouement soudain du président vénézuélien pour Twitter, le web vénézuélien sera-t-il bientôt, à l'instar de l'audio-visuel, dompté à coups de décrets bolivariens comme l'envisageait récemment Hugo Chavez ?

Voir aussi:

Cet homme est-il le prochain président colombien?