Hémorragie pétrolière : les scientifiques s’interrogent sur la situation du golfe du Mexique

Écrit par Héloise Roc, La Grande Epoque
12.06.2010
  • Document satellite de l’ouragan Charley : la saison des ouragans sera particulièrement puissante en 2010. Joe Raedle/Getty Image(攝影: / 大紀元)

L'opération « Top kill » qui visait à propulser des boues directement dans le puits endommagé pour l’obstruer n'a rien donné de mieux qu’un ralentissement. Elle vient d’échouer. L’explosion du 20 avril à 68 kilomètres des côtes de la Louisiane de la plate-forme Deepwater Horizon commençait à trouver une issue. Selon l’Institut d’études géologique des États-Unis (USGS), l’hémorragie pétrolière, qui se propage dans les eaux du Golfe du Mexique, est estimée de 1,9 million à 3,97 millions de litres de pétrole par jour. Jeudi la compagnie britannique British Petroleum (BP) a annoncé que ses tentatives de comblement du puits défectueux étaient en cours de réussite. Pour réaliser ce colmatage, des équipes avaient injecté des volumes de boues, dans l’espoir de bloquer les écoulements d’hydrocarbures. Mais samedi 29 mai, les experts, BP et les autorités ont décidé de renoncer au dispositif, insuffisamment stable.

Début de la saison des tempêtes et cyclones

La saison des ouragans en Atlantique pourrait être plus intense que jamais. Selon la revue scientifique de recherche géophysique Geophysical Research Letters (GRL) qui paraîtra le 10 juin, les cyclones peuvent agiter les fonds marins sur de très grandes profondeurs, voire menacer les pipelines. Des chercheurs du laboratoire de recherche navale américaine constatent que les gros cyclones ont le pouvoir de secouer le fonds de l’océan jusqu’à 90 mètres de profondeur. Actuellement, le Golfe du Mexique abrite jusqu’à 50.000 kilomètres de pipelines.

Selon un communiqué de l’agence climatique du gouvernement américain (NOAA) les prévisions climatiques sont conséquentes. Des tempêtes et des ouragans sans précédents sont prévus. Jane Lubchenco, sous-secrétaire du Commerce pour les océans et l'atmosphère souligne : « Si ces prévisions s’avèrent justes, cette saison pourrait figurer parmi les plus actives ». Elle ajoute : « Une plus grande probabilité d'orages entraînerait une aggravation du risque de pollution des terres ». « En bref, nous demandons instamment à chacun d'être préparé ». Les tempêtes pourraient assombrir les efforts de chacun pour tenter de cloisonner la catastrophe environnementale liée à la marée noire de BP.

Le Gulf Stream et les scientifiques

Les scientifiques sont très inquiets car les hydrocarbures déversés dans le golfe du Mexique pourraient être absorbés par le Gulf Stream et se déplacer sur les côtes atlantiques de la Virginie et de la Caroline du Nord, dans les semaines à venir. Le Gulf Stream c’est comme un véritable fleuve, de 30 à 150 kilomètres de large et de 300 à 1.200 mètres de profondeur. Il prend sa source entre la Floride et les Bahamas et part dans l’océan Atlantique allant vers la longitude du Groenland. Les mouvements des hydrocarbures sont observés grâce au satellite européen Envisat de l’ESA (Agence Européenne de l’Espace). Bertrand Chaperon, chercheur à l’IFREMER, observe ces images vues du ciel et suppose que le courant entraîne le pétrole dans des couches plus profondes : « Ce que nous observons par satellite ne concerne que la surface, mais ce courant océanique est profond et très intense. On peut donc imaginer qu’il y a d’autres effets en profondeur. »

Samantha Joye, chercheur à l'Université de la Géorgie déclare au New York Times. « Il y a une quantité choquante de pétrole dans les eaux profondes, par rapport à ce que vous voyez dans l'eau de surface ». Le docteur Joye est impliquée dans l'une des premières missions scientifiques pour recueillir les détails sur les phénomènes environnementaux du Golfe. « Il y a une énorme quantité d'huile dans de multiples couches, trois, quatre ou cinq couches profondes de la colonne d'eau. »

Et c’est à bord d’un vaisseau de recherche, le Pélican, que les scientifiques venant de diverses universités du Mississippi et de Southern, ont exploré les mers. Ils ont vu à 45 kilomètres du puits une nappe opaque de 10 kilomètres de large, située entre 1.000 et 1.400 mètres de profondeur. Selon eux, l’emplacement correspond aux courants marins.

  • Les déversements de pétrole du Golfe du Mexique commencent à atteindre les côtes. NOAA/Getty Image(攝影: / 大紀元)

Destruction de la faune et de la flore

Madame Joye a déclaré au New York Times que les résultats sur les niveaux d'oxygène sont particulièrement inquiétants, car l'oxygène est très lent à passer de la surface de l'océan vers le bas. Elle soupçonne donc que des bactéries se nourrissent d'huile et consomment l'oxygène à un rythme effréné. Pour l’instant la raréfaction de l'oxygène n’est pas suffisante pour tuer la vie marine, mais il se peut que de vastes zones mortes surviennent en particulier sur les fonds marins. « C'est la grande préoccupation », a déclaré Ray Highsmith, chef du centre du Mississippi qui a parrainé la mission de recherche sur le Pélican, connue sous le nom de l'Institut national pour la science et la technologie sous-marine.

Selon les écologistes, de nombreuses nappes, peu décelables, flottent entre deux eaux. La mangrove du littoral est menacée, ainsi que plus de 600 espèces animales. Les bayous de Louisiane, sanctuaire d’un écosystème riche mais fragile, risquent d’être affectés pendant des décennies. Le nettoyage de ces zones marécageuses s’annonce compliqué. Les conséquences écologiques de l’usage de dispersants pour dissoudre le pétrole à la source de la fuite pose aussi question. L’Agence américaine de protection de l’environnement a estimé lundi qu’ils avaient, pour l’instant, peu d’impact sur l’environnement. Mais les quantités utilisées sont énormes, 3.000 m³ jusqu’à maintenant. Ce sont des quantités considérables jamais atteintes jusque-là. Ces diluants inquiètent les écologistes.

Selon la World Wide Wrestling Federation (WWWF), les mammifères marins comme les baleines et les dauphins souffrent également de la marée noire. On a compté 19 espèces de baleines et de dauphins dans le golfe du Mexique. C’est par exemple le cas d’un groupe de grands cachalots qui a l’habitude de se nourrir près des côtes de la Louisiane et d’autres espèces qui traversent cette zone. Les effets de la marée noire sur les mammifères marins perdureront pendant des années, voire des générations. Les substances nuisibles qu’absorbent les dauphins sont transmises à 80 % à leurs petits par l’intermédiaire du lait maternel.

La faune sauvage face aux catastrophes

Cependant une récente étude pourrait redonner de l’espoir. Elle a été faite sur des iguanes des îles Galápagos et nous renseigne sur les réactions des animaux face aux situations extrêmes. Cette étude a été publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B. Elle montre que si un animal peut bloquer la libération de corticostérone, il pourra plus facilement survivre à une situation de stress.

Cette étude peut aider les chercheurs à prévoir la façon dont la faune sauvage réagira à la pollution générée par l'immense marée noire qui s'étend dans le Golfe du Mexique. Le docteur L. Michael Romero un membre de l’étude de l'université de Tufts à Medford, aux États-Unis, a dit que « lorsque les animaux seront confrontés à la marée noire, ils libéreront une grande quantité de corticostérone pour se protéger contre les terribles conséquences du pétrole ». « Mais, si les animaux peuvent inhiber leur production de corticostérone une fois le danger initial du pétrole passé, ils auront des chances de survivre.»

En 2002, quelque temps avant la catastrophe provoquée par El Niño, les chercheurs avaient capturé 98 iguanes mâles et injecté certaines hormones synthétiques pour abaisser les niveaux de corticostérone naturelle. Lorsque les chercheurs ont cherché les animaux après El Niño, ils ont constaté que 23 étaient morts de faim et que 75 avaient survécu. La seule différence entre les survivants et les iguanes morts était leur capacité ou leur incapacité à désactiver la réaction au stress.

La réaction persistante au stress déclenche des niveaux élevés de corticostérone. Les animaux utilisent alors toutes leurs réserves de protéines et s'affaiblissent. C'est pourquoi la pénurie de nourriture avait sur eux un impact plus grave que sur leurs compagnons qui étaient parvenus à désactiver leur réaction au stress. « Les résultats obtenus grâce aux iguanes indiquent que si l'animal gère bien son stress (en désactivant sa réaction aussi vite que possible), il aura davantage de chances de survivre », explique le docteur Romero.

Ces grands lézards marins se nourrissent exclusivement d'algues marines poussant dans les mers entourant les îles. Le risque de mourir d'inanition par manque de nourriture constitue la seule menace pour ces animaux. Les iguanes ont une durée de vie relativement longue et ils ont tendance à rester dans la même région toute leur vie. C’est pourquoi ils ont constitué un excellent modèle d’étude.