Liens allégués entre la CIA et les Frères musulmans

Écrit par Gary Feuerberg, La Grande Époque
15.06.2010
  • Le journaliste Ian Johnson(攝影: / 大紀元)

Nouveau livre choc du journaliste Ian Johnson

WASHINGTON – Pour la plupart d'entre nous qui habitons aux États-Unis, notre premier contact avec l'idéologie islamiste extrémiste est survenu dans la forme des attentats du 11-septembre. D'autres se souviennent peut-être des moudjahidines avec qui nous avons collaboré alors qu'ils luttaient contre l'Union soviétique. À cette époque, la mouvance fondamentaliste islamiste était pour nous un bruit de fond alors que l'«empire du mal» captivait l'essentiel de notre attention. Les attaques à New York ont sonné le réveil.

L'acheminement d'armes aux moudjahidines a probablement été motivé par les expériences passées du renseignement américain avec les Frères musulmans, remontant aux années 1950, selon le journaliste Ian Johnson du Wall Street Journal.

Dans son nouveau livre, A Mosque in Munich: Nazis, the CIA and the Muslim Brotherhood in the West, le journaliste lauréat d'un prix Pulitzer présente un récit tissé d'opérations clandestines, de rivalités de la guerre froide, de personnalités historiques et d'intrigues sur les origines de l'islam politique. Aujourd'hui, les personnalités les plus éloquentes et influentes de l'islam politique sont membres des Frères musulmans, une organisation que des ex-nazis et la CIA auraient aidé à faire éclore.

Les recherches de Johnson pour découvrir les origines des combattants afghans débutent trois décennies plus tôt, à l'époque où une guerre psychologique battait son plein afin d'établir le contrôle sur les musulmans habitant en Allemagne. Trois groupes distincts s'entrelacent dans le livre : les Allemands, les Américains ainsi que les Frères musulmans et leur intérêt pour une mosquée à Munich, connue sous le nom de «Centre islamique de Munich». Cette mosquée est célèbre non pas pour ses origines religieuses ou sa piété, mais pour son importance politique.

Les Allemands

Johnson débute avec les nazis et leur prise de conscience durant la Seconde Guerre mondiale que de nombreuses minorités ethniques vivant sous l'égide du régime communiste détestaient leur oppresseur. Environ 30 millions de musulmans habitaient en URSS, et les communistes ? avant et après la guerre ? luttaient contre la religion en fermant les mosquées et en persécutant les croyants pratiquants. Les nazis ont facilement recruté un grand nombre de leurs prisonniers de guerre d'origine tatare, géorgienne, kazakh ou ouzbek dans les régions bordant la Russie afin de combattre l'URSS.

Ces soldats ont également été employés par l'Ostministerium de la Wehrmarcht, qui avait la tâche d'administrer les territoires nouvellement conquis en Europe de l'Est. Après la guerre, plusieurs milliers de ces musulmans d'Asie centrale ont évité d'être rapatriés et sont demeurés dans ce qui allait devenir l'Allemagne de l'Ouest. L'Ostministerium, avec pratiquement le même personnel, a été remis sur pied après la guerre pour lutter contre le communisme.

Ian Johnson s'est concentré sur une personnalité clé, soit Gerhard Von Mende, qui dirigeait l'organisation des émigrés sous les nazis et ensuite pour le gouvernement ouest-allemand. Von Mende avait exercé une grande influence sur le renseignement américain pour le convaincre de la valeur potentielle de l'islam pour combattre le communisme. Au bout du compte, les Allemands ont été éclipsés dans ce domaine par les Américains qui possédaient plus de ressources.

Les Américains

Les projecteurs se tournent ensuite sur la CIA et son financement clandestin de Radio Free Europe et Radio Liberty, deux organisations de façade basées à Munich et dont la seconde diffusait directement en URSS. Les Américains ont repris «dans son intégralité» le programme de Von Mende, a mentionné Ian Johnson à la New America Foundation le 18 mai dernier. Radio Liberty s'appuyait grandement sur les émigrés, alors qu'ils composaient 75 à 80 % de son personnel, selon une estimation.

Les anciens collaborateurs nazis niaient avoir cru dans la propagande antisémite, ce qui est pour Johnson difficile à croire, particulièrement en ce qui concerne les cadres supérieurs.  

La CIA, par l'entremise d'organisations de façade, envoyait des émigrés participer à des conférences internationales – comme celle de Bandung de 1955 en Indonésie – où ils pouvaient distribuer de la propagande et critiquer le traitement des musulmans en URSS afin d'influencer les pays du tiers-monde. La CIA envoyait également des agents participer au pèlerinage du Hajj à La Mecque.

Les musulmans à l'emploi de Radio Liberty étaient facilement discrédités par les Soviétiques comme étant des pantins des nazis. Lors des conférences internationales, ils étaient dénoncés comme étant des agents de la CIA ou en raison de leur passé au service des nazis. Ces musulmans de l'ex-URSS et de l'Allemagne nazie n'avaient pas ou très peu d'éducation religieuse et ainsi manquaient de crédibilité en tant que musulmans pratiquants, explique Johnson. Les Américains ont donc cherché des musulmans plus crédibles et ont finalement trouvé l'homme qu’il leur fallait en l'Égyptien Dr Said Ramadan, un anticommuniste et dirigeant des Frères musulmans.

Les Frères musulmans

Le troisième groupe de personnages à faire son entrée dans le livre est composé des musulmans radicaux. Ces derniers prennent finalement contrôle de la mosquée de Munich et lui font adopter une idéologie qui devient une fondation de l'islamisme extrémiste et dont l'influence est énorme sur les musulmans en Europe. Ian Johnson utilise le terme «islamisme» ou «islam politique» pour décrire un mouvement du 20e siècle souhaitant amener une renaissance de l'islam dont le type a un programme ouvertement politique.

L'islamisme rejette les valeurs laïques occidentales, interprète le Coran de manière littérale et rejette l'idée que le contexte historique doit être pris en compte lorsqu'on interprète les textes anciens. Il utilise une forme d'organisation politique occidentale, exerce un contrôle fascisant et rejette la séparation de l'État et de la religion. Il soutient que quiconque, y compris les musulmans, ne souscrit pas à cette idéologie peut être tué en tant qu'apostat.

La branche la plus influente de cette mouvance est la branche des Frères musulmans, fondée en 1928 en Égypte par Hasan al-Banna. Un disciple de d'Hasan al-Banna, Said Ramadan, a marié une des filles d'al-Banna et avait toutes les qualités pour devenir un dirigeant musulman : orateur éloquent, avocat éduqué et un organisateur hors pair. Les États-Unis l'appréciaient pour plusieurs raisons : il avait un ascendant sur les jeunes de la mosquée, il s'opposait vigoureusement au communisme et il n'avait aucun passé nazi pouvant souiller la relation.

En raison des doctrines antisémites des Frères musulmans et de leur opposition à la fondation de l'État d'Israël, les États-Unis n'ont jamais admis leurs liens avec Said Ramadan ou les Frères musulmans. Ian Johnson a tenté à plusieurs reprises, à travers la loi sur l'accès à l'information, d'apprendre davantage sur la nature de ces liens, mais ses requêtes ont toujours été refusées pour des raisons de sécurité nationale. Mais tout semble indiquer que Dr Ramadan et les Frères musulmans ont été financés par la CIA pour assister à des conférences musulmanes paneuropéennes où des stands anticommunistes étaient mis sur pied, affirme Johnson.

Étant donné que les Frères musulmans ont encore beaucoup d'influence, ce serait «embarrassant et compromettant de dévoiler ces liens avec les Frères musulmans. Ce serait aussi embarrassant pour les Frères musulmans», ajoute Johnson.

Alors que Said Ramadan s'est retiré ou s'est fait écarter, finalement la mosquée et le Centre islamique de Munich sont passés sous le contrôle de différents dirigeants des Frères musulmans, des théoriciens moins radicaux et plus pragmatiques reliés à l'Arabie saoudite et à la Libye. Le Centre islamique de Munich, de 1975 à 2000, s'est «transformé en organisation nationale, envoyant des pousses de l'autre côté de l'Atlantique et établissant la pierre angulaire des organisations européennes qui existent toujours aujourd'hui, s'assurant que la version de l'islam des Frères musulmans deviendrait celle qui est la plus influente en Occident», écrit Ian Johnson.

Johnson avance que les Frères musulmans dominent les communautés musulmanes en Occident et convertissent ses adeptes à suivre sa version étroite de l'islam. Jamais un mouvement de masse, il s'agit d'un groupe d'organisateurs élite qui a mis sur pied les structures pour définir l'islam en Occident. Il fait pression sur les musulmans européens et tient des rencontres avec le Vatican et l'Union européenne.

Johnson affirme que nous ne devrions pas être trompés à croire que les Frères musulmans représentent une voix de raison et de tolérance. «Pour moi, le problème est que les Frères musulmans développent un milieu qui peut mener au terrorisme, une mentalité du “eux” contre “nous”, une vision du monde tordue.»