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La souffrance silencieuse des Pachtounes

Écrit par Shahrzad Noorbaloochi
18.06.2010
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  • Nakeeb, un jeune Pachtoune âgé de 13 ans, regarde des soldats en patrouille. (Chris Hondros/Getty Images)(Staff: Chris Hondros / 2010 Getty Images)

Pris en tenaille entre la force d’oppression des Talibans et la réponse violente mais inefficace du gouvernement pakistanais, les trois millions de Pachtounes au Nord-Ouest du Pakistan sont au centre d’une crise humanitaire majeure et passée sous silence.

Les régions tribales sous administration fédérale du Nord-Ouest du Pakistan (FATA) et de la province frontalière au Nord-Ouest (NWFP) sont prises au cœur d’un conflit à la fois international et domestique.

Un rapport diffusé le 9 juin par Amnesty International et basé sur plus de 300 rencontres avec des civils, des responsables gouvernementaux, des enseignants et des humanitaires apporte une lumière nouvelle sur la situation de cette région du Pakistan.

«Près de quatre millions de personnes vivent actuellement dans le nord-ouest du pays dans des zones sans aucun respect de l’état de droit et contrôlées par les talibans.  Elles sont de fait abandonnées par le gouvernement pakistanais», a déclaré Claudio Cordone, secrétaire général par intérim d’Amnesty International.

Le gouvernement pakistanais a historiquement marginalisé les Pachtounes du FATA (zones tribales sous administration fédérale) et du NWFP. D’après le rapport d’Amnesty, ces peuples ont la qualité de vie la plus basse de toute l’Asie. Avec une alphabétisation générale de 17% (et de 7% pour les femmes), la région est loin derrière le reste du Pakistan.

Depuis 1901, la région est régie par une loi de l’ère coloniale des «règles anti-crimes frontalières» – une loi qui viole à la fois les conventions internationales sur les droits de l’homme et la constitution pakistanaise.

Coincés au milieu

Les talibans ont été repoussés au Nord-Ouest du Pakistan lorsqu’ils ont fui les troupes américaines en Afghanistan. Quand ils ont commencé à se servir de la région comme base arrière pour leurs opérations, le gouvernement pakistanais a agi contre eux, au prix des droits fondamentaux des populations civiles locales.

Pour la seule année 2009, Amnesty International estime que 1.300 personnes au minimum ont été tuées lors de confrontations entre l’armée pakistanaise et les talibans. D’autres sources comme l’Institute for Peace Studies pense que le chiffre réel pourrait être de 11.000.

Des centaines d’écoles de la région ont également été détruites. Un jeune homme de 25 ans de la région frontalière de Darra, Adam Khel, a raconté à Amnesty International le mode opératoire des talibans: «d’abord ils ont prévenu les propriétaires d’écoles privées d’arrêter l’éducation mixte. Puis ils ont dit aux écoles publiques pour filles de fermer. Quand elles ont refusé, les talibans en ont fait exploser plusieurs et alors les autres écoles ont fermé. Les parents ont aussi arrêté d’envoyer leurs enfants à l’école par peur des talibans».

Le rapport d’Amnesty accuse également le gouvernement pakistanais et cite la bataille de Bajaur, en août 2008, durant laquelle le ministre de l’Intérieur pakistanais a annoncé que le gouvernement maintiendrait un cessez-le-feu pendant la durée du Ramadan. Près d’un million de personnes en fuite avaient alors regagné leur domicile, et s’étaient retrouvées en plein champ de bataille.

«J’ai perdu conscience quand je suis arrivé à la maison et que j’ai entendu les cris de mes proches et voisins – comme si l’enfer s’ouvrait sous moi. Quand j’ai vu les gens mettre sur des lits les corps sans vie de mes enfants, parents et autres proches, je n’ai plus pu le supporter et je suis tombé à terre… le gouvernement avait dit qu’il n’y aurait pas de tirs pendant le Ramadan et c’est pour cela que nous étions revenus».

Selon des témoignages recueillis par Amnesty International et cités dans un communiqué de l’association, des talibans ont bloqué des routes pour empêcher les civils de fuir des villages qui étaient bombardés par les forces gouvernementales. Ils ont également aggravé les risques de pertes civiles en se dispersant parmi la population et en s’installant dans des écoles ou à proximité.

«Les gouvernements pakistanais qui se sont succédés ont traité les zones tribales frontalières de l’Afghanistan avec mépris en faisant peu de cas des droits des habitants de la région, et tout particulièrement des FATA. Au cours de la décennie écoulée, le gouvernement pakistanais est passé d’une politique d’apaisement des talibans par le biais d’une série d’ accords de paix qui ont échoué à des opérations militaires brutales comportant des attaques disproportionnées et menées sans discernement» indique Amnesty, qui en guise de conclusion cite le témoignage d’un enseignant ayant quitté la vallée de Swat avec sa famille en mars 2009: «Le gouvernement a tout simplement donné notre vie aux talibans. À quoi sert d’avoir une armée aussi énorme si elle n’est même pas capable de nous protéger contre un groupe de fanatiques barbares? Ils ont occupé mon école et se sont mis à apprendre aux enfants comment se battre en Afghanistan. Ils ont chassé les filles de l’école, ont dit aux hommes de se laisser pousser la barbe et ont menacé tous ceux qu’ils n’aimaient pas. Notre gouvernement et notre armée n’ont jamais essayé de nous protéger.»

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.