Les grands vins d’Alsace en apothéose à Paris

Écrit par Henri Durrenbach, La Grande Époque
20.06.2010

  • Vue du village d’Eguisheim.(攝影: / 大紀元)

Chaque année, le Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) investit à la sortie de l’hiver les salons du Grand Hôtel, 2, rue Scribe, Paris 9e, pour permettre à une trentaine de viticulteurs parmi les plus connus de la région Alsace d’y présenter leurs plus belles réussites à un public choisi de professionnels à divers titres et de journalistes. Certains viticulteurs, toujours fidèlement présents à cette très heureuse manifestation, constituent en quelque sorte son ossature tandis que d’autres tentent pour la première fois le voyage de Paris, assurant ainsi sur place un très intéressant et perpétuel renouvellement du nec plus ultra des vignobles d’Alsace. Ce nec plus ultra provient bien entendu du savoir-faire des propriétaires de parcelles sises sur les 51 grands crus ou sites aux noms privilégiés concrétisant du Nord au Sud du pays le summum de grâce et de plénitude, de richesse et d’expression que peuvent conférer aux vins les «terroirs» alsaciens, en raison de leur exceptionnelle diversité géologique et des microclimats très favorables dont ils bénéficient le plus généralement.

Le terroir et son influence

La notion même de «terroir» est spécifique du vignoble alsacien et lorsque les pays étrangers ayant souvent mieux que la France pris goût aux vins d’Alsace y font allusion, c’est en français qu’ils le transcrivent dans leurs textes.

Géologiquement, l’histoire de l’Alsace est complexe: le massif qui reliait les Vosges à la Forêt Noire est réputé s’être effondré il y a 50 millions d’années, donnant naissance au fossé rhénan. Les collines sous-vosgiennes nées de cet épisode sont de compositions géologiques très diverses et très enchevêtrées, voire mélangées et si la nature de ces sols est désormais bien répertoriée et définie (granitiques, marno-sablo gypseux, marno-calcaires, marno-calcaro-gréseux, calcaro-gréseux, calcaires dolomitiques, etc.). Il n’est guère question en toute logique de dresser à grande échelle une carte géologique de l’Alsace.

L’effet du terroir

Selon leur nature géologique, les terroirs peuvent magnifier le cépage (ce sont les granitiques, sablonneux schisteux, volcaniques) ou induire une caractéristique dominante au vin (terrains argilo-calcaires et calcaires). Les terroirs granitiques ou sablonneux favorisent l’élégance des vins, très expressifs, même jeunes, avec fin de bouche riche en arômes. L’optimum de dégustation est entre trois et cinq ans. Les gréseux ont une action similaire, mais les vins s’épanouissent plus tardivement. Les argilo-marneux confèrent des arômes poivrés et d’iris. Ils donnent aux vins un caractère puissant et permettent une longue garde. Les marno-calcaires conduisent à des vins puissants de longue garde mais de caractère assez acide dû au calcaire. Les terrains calcaires confèrent aux vins de l’acidité et des arômes citronnés. Les volcaniques produisent des vins amples aux arômes fumés (Rangen de Thann). Bien entendu, et c’est le charme des vins d’Alsace,  aucune parcelle n’étant parfaitement «pure» par rapport à une composition minérale type, chaque viticulteur peut produire et présenter un vin qui lui est propre, avec souvent plus d’un ravissement à la clé pour ses dégustateurs!

Les 51 lieux-dits de l’AOC Alsace grand cru

Notons que l’appellation d’origine contrôlée « Alsace grand cru» a été officialisée en 1975. Plusieurs textes sont venus la renforcer par la suite (1983, 1992, 2001 et 2005).

Les cépages privilégiés

Pour l’heure, seuls quatre cépages sont retenus pour l’AOC Alsace grand cru: le Riesling, le Gewurztraminer, le pinot gris et le muscat d’Alsace. Le Sylvaner est autorisé pour le lieu-dit Zotzenberg. Mais des extensions aux pinots noirs et aux créments, qui complètent si joliment la palette des vins d’Alsace, sont attendues dans l’avenir. Le degré minimum naturel d’alcool exigé est de 11° pour le Riesling et le muscat d’Alsace. Il est porté à 12,5° pour le Gewurztraminer et le pinot gris, avec un rendement maximum modulable par lieu-dit entre 55 et 66 hectolitres par hectare.

La mention du cépage est généralement effectuée, sauf pour les vins d’assemblage produits dans les lieux-dits Altenberg de Bergheim et  Kaeffortkopf.

Vendanges tardives et sélection de grains nobles

Concernant exclusivement les quatre cépages principalement autorisés dans l’AOC Alsace grand cru, les vendanges tardives correspondent à des raisins récoltés en surmaturité lors des très bonnes années, tandis que la sélection de grains nobles résultent de tris successifs de grains de raisins atteints par le botrytis cinerea, un champignon de la famille des ascomycètes dont l’action sur des raisins également très mûrs produit la pourriture dite «noble». Son effet est de concentrer le jus de la baie avec une forte exaltation du potentiel en arômes et du fruité, avec un moelleux spécifique pour les sélection de grain noble (ou SGN) dû au dextrane résultant du métabolisme même de la moisissure. Les vendanges tardives titrent environ 15°. Les SGN atteignent aisément les 17°. Dans l’un comme dans l’autre cas, une élégante acidité ou fraîcheur masque le doucereux des sucres résiduels, dont la teneur peut aller de 45 à 180g/litre et la dégustation s’avère un délice exceptionnel. À cet égard, ces vins relativement rares sont sans équivalent au monde.

Quelques vins magnifiques

Lors de la présentation dégustation du 8 mars dernier, nous avons eu le bonheur de découvrir quelques splendides bouteilles, que nous signalons ci-après à titre d’illustration de notre propos et sans que leur énumération ne soit ni exhaustive, ni limitative.

Nous les citons dans l’ordre de succession des grands crus, du Nord au Sud de l’Alsace.

- du domaine Roland Schmitt à Bergbieten (67):

Le pinot gris 2008 grand cru Altenberg de Bergbieten, très équilibré avec seulement 12 à 15g/l de sucres résiduels et titrant 13°.

Le Gewurztraminer 2008 grand cru Engelberg avec seulement 15 g/l de sucres résiduels et titrant 13°.

- du domaine Frédéric Mochel à Traenheim (67):

Toute leur gamme, Riesling, muscat, Gewurztraminer de 2005 à 2008 présente un parfait équilibre. Citons particulièrement le magnifique Gewurztraminer grand cru Altenberg de Bergbieten 2005 titrant 13,5° avec 35g/l de sucres résiduels, parfaitement «masqués» par la présence des arômes développés en bouche.

- du domaine des Marronniers, Guy Wach à Andlau (67):

Le Riesling vieilles vignes grand cru Kastelberg 2007, le grand cru Kastelberg, est le seul d’Alsace sur terroir schisteux. Ce Riesling est produit dans les grandes années seulement et en grande partie à partir de vignes de 85 ans d’âge. Le vin est ample aux arômes de fruits mûrs. Il titre 13°.

- du domaine Bott Frères à Ribeauvillé (68):

Le Riesling grand cru Kirchberg de Ribeauvillé 2007 Sigille de qualité de la confrérie Saint Etienne, titrant 12,5°.

Signalons aussi le Pinot Gris grand cru Gloeckelberg 2007 titrant 13° et le Riesling grand cru Osterberg  2007 pour leur équilibre.

- de Seppi Landmann à Soultzmatt (68):

Le Gewurztraminer grand cru Zinnkoepflé 2008, très «puissant» et titrant 13,5°.

- d’Eric Rominger à Westhalten (68):

Le très beau Riesling grand cru Zinnkoepflé 2002 «Les Sinneles» titrant 13°.

- de Dopf & Irion à Riquewihr (68):

Le splendide Gewurztraminer grand cru Sporen 2007 titrant 14°, titulaire de la médaille d’or décernée à Strasbourg en mai 2009 «Gewurztraminer du monde». Signalons aussi le très fin et élégant Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2004.

- de la Cave des Vignerons de Pfaffenheim, qui depuis des années, par son prestige et son renom en Alsace, est la caution de fait de la manifestation annuelle du Grand Hôtel et qui est titulaire de trois grands crus: Goldert, Steinert et Zinnkoepflé. On ne peut que retenir l’ensemble de ses vins, tous d’une parfaite élégance, parmi lesquels le Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé 2007, très puissant, titrant 14°…

Quelques autres très beaux vins

À l’automne, une présentation de l’ensemble, cette fois, des vins d’Alsace, correspondant aux sept cépages principaux et aux trois appellations d’origine contrôlée (AOC) le concernant, vient compléter celle du Grand Hôtel. Elle a pour cible les sommeliers et les professionnels du vin à tous égards y compris cavistes et restaurateurs. Elle a lieu depuis quelques années à l’Atelier Richelieu, 60, rue de Richelieu Paris 2e. Elle s’est déroulée en 2009 le 21 septembre.

Cet événement d’esprit différent de celui de mars est spécialement enrichissant par l’abondance de l’information prodiguée et la très grande pluralité de sa fréquentation, tant alsacienne qu’étrangère, de plus en plus nombreuse, de tous pays.

Y sont perpétuellement rappelées les structures de l’entité viti-vinicole «Alsace» et particulièrement les 3 appellations d’origine contrôlée sur lesquelles nous revenons:

- l’AOC Alsace, définie en 1962 représente 74% de la production.

- l’AOC Alsace grand cru, déjà évoquée.

- l’AOC Crémant d’Alsace, définie en 1976, représente 22% de la production. Les vins d’Alsace, hormis le crémant, sont toujours vendus dans la flûte typique qui leur est réservé par la réglementation et, depuis 1972, obligatoirement mis en bouteilles dans leur régime de production.

Quelques exemples d’AOC Alsace de bel équilibre

- Pinot noir 2007 de Clément Lissner à Wolxheim (67) destiné à accompagner les charcuteries

- Riesling 2004 «Les Ecaillers» de Léon Beyer à Eguisheim (68) destiné à accompagner les poissons sauvages d’Alaska

- Gewurztraminer 2007 cuvée Anne-Cécile d’Albert Ziegler à Orschwihr (68), à marier au fromage de Munster ou autres…

- Pinot noir 2004 lieu-dit Burlenberg, de Marcel Deiss et Fils à Bergheim (68), un vin généreux (13,5°) et de grande potentialité de garde à marier aux produits tripiers et autres accompagnements des très grands rouges d’Alsace

- Crémant d’Alsace de Riesling brut du domaine André Dussourt à Scherwiller (67), un effervescent magnifique à marier aux huîtres et moules de Bouchot, etc.

Notons que beaucoup de viticulteurs alsaciens sont passés au «biologique» ou ont des parcelles en voie de conversion, de telle sorte à répondre aux exigences de ce nouveau marché. Saluons pour conclure le caractère très vivant, dynamique et inventif, dans le scrupuleux respect de l’authenticité, du vignoble d’Alsace!