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L'indéchiffrable beauté de Resnais

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
01.07.2010
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  • André Dussollier dans une scène du film Les herbes folles (攝影: / 大紀元)

 

Généralement, lorsqu’Alain Resnais réalise (Hiroshima mon amour), les critiques ne peuvent s'empêcher de crier au génie. Mais qu'est-ce qu'un génie au cinéma? Serait-ce, entre autres, parce qu'il offre quelque chose d'obscur et d'insaisissable? Peut-être. Les herbes folles propose une ballade folle en décapotable de luxe dans les tréfonds du cœur humain, souvent troublé et brouillé.

Marguerite (Sabine Azéma) se fait voler son portefeuille. Georges (André Dussollier) le retrouve un peu plus loin. Deux actions banales qui se produisent tous les jours. C'est alors que le chaos et les contradictions qui sommeillent en eux les amèneront à vivre un futur qu'ils n'auraient jamais prévu.

L'expression «les herbes folles» a comme signification populaire «la folie». Dans la première partie du film, le réalisateur a très bien montré un premier niveau de dérangement, soit les perturbations mentales, la pollution des idées et des désirs que nous avons tous. Le traitement de la machine à penser qui ne peut arrêter, se superposant aux actions routinières, est original et sensé. Jusque-là, on compatit avec les personnages et on arrive à suivre le fil. Un peu plus tard, le cinéphile est plongé dans la contagion de la folie, le genre d'état irrationnel qui contamine tout, même la logique. Dans la dernière partie du film, tout se met à friser la fantaisie hystérique et la divagation. À l'occasion, on aurait pu croire que le réalisateur et scénariste Jean-Pierre Jeunet (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Micmacs à Tire-Larigot) avait été invité puisqu'on reconnaît les techniques de gros plans qu’il utilise à maintes reprises.

  • Sabine Azéma dans une scène du film Les herbes folles(攝影: / 大紀元)

La grande réussite du film est certainement l'adaptation des couleurs bien prononcées et la riche bande sonore qui ponctue chaque instant chancelant. Trois autres thèmes bien exploités, pouvant mener également au délire, sont les attentes, l'insaisissabilité et l'insatisfaction.

Cette mise en abîme cinématographique détient tout un terreau fertile pour le jeu d'acteur. André Dussollier et Sabine Azéma font défiler avec exubérance les émotions extrêmes que comporte le déséquilibre psychologique. On passe d'un drame, à un thriller, à un film romantique : le réalisateur ne pouvait que faire appel à deux grands virtuoses du cinéma. Il est à noter que ce n'est pas la première fois que Dussollier et Azéma partagent l'écran (Tanguy, La chambre des Officiers). Le courant entre eux a ce qu'il faut pour laisser une marque distinguée dans une œuvre.

La narration d'Édouard Baer est à la fois inclassable et singulièrement intéressante. À la place de raconter l'histoire de façon sobre, concise et classique comme on pourrait s'y attendre d'un narrateur, il se lance plutôt dans ses perceptions bien subjectives, il déclare tout et n'importe quoi suite à ses réflexions souvent discutables. À la manière d'une personne incapable de garder un secret, il s'avance en donnant des indices sur l'intrigue et décide soudainement de battre en retraite avant de révéler quoi que ce soit. Il s'amuse aussi avec la formulation des phrases et tente, je dis bien tente, de rendre ses propos poétiques. Finalement, tout ce cirque ne nous amène pas plus à comprendre le personnage quelque peu énigmatique. Resnais est quand même arrivé à faire de ce personnage invisible un souvenir fameux en soi.

Si on tient à un film limpide et linéaire, il faut oublier Les herbes folles puisque vous ne survivrez pas jusqu'à la fin. Tout vous paraîtra un prétexte pour sortir de la salle. Il serait un exercice distrayant de le voir et de saisir par la suite pourquoi la critique encense la plupart du temps Alain Resnais. Un film d'ambiance, agrémenté d'une solide interprétation d'acteurs. Un beau tableau, accroché dans un musée prestigieux, mais qui nécessiterait une description pour être saisi. Est-ce qu’Alain Resnais ne serait pas le David Lynch (Elephant Man, Blue Velvet, Lost Highway, Mulholland Drive) français?

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