Amener au grand écran le segment de la vie d'un pilote qui a sauvé 306 personnes est une mission bien périlleuse. Deux options se dressent devant le réalisateur : exploiter la vertu du héros coûte que coûte ou en saisir l'esprit, quitte à en révéler quelques noirceurs. Sylvain Archambault (Pour toujours les Canadiens) a réussi en finesse à faire atterrir ce qui se promettait d’être un défi monumental : réaliser avec considération et discernement la légende Piché.

Il est inévitable que certains cinéphiles se buteront au fait que Michel Côté s'immisce une nouvelle fois dans un film à potentiel éminent qui assurera la prospérité du 8e art québécois. Y aurait-il eu une faille dans la distribution des rôles? Aurait-il pu y avoir un meilleur interprète du commandant Piché que Michel Côté? Il ne manque pas de talents au Québec, alors la réponse est oui. Mais y aurait-il eu un meilleur interprète qui ressemble autant à Piché? Ici, je répondrais non.

À force de voir Côté jouer, il peut arriver qu'on le tienne pour acquis et qu'on regarde les autres aspects d'un film où il se trouve, surtout quand les rôles qu’il décroche se ressemblent. Néanmoins, dans la peau de Piché, il prouve hors de tout doute qu’il a ce qu’il faut pour dominer le paysage québécois encore longtemps. Dans la même veine de réalisme, le choix de Maxime LeFlaguais (fils de Michel Côté / jeune Robert Piché) n'aurait pu être plus judicieux. Le gage du haut calibre des interprètes de Piché se retrouve certainement, entre autres, dans la grande quantité et qualité de moments d'introspection, pour la plupart silencieux.

Comme nous sommes parfois chauvins avec nos héros, mais surtout lorsqu'on fait éloge de nos artistes, il aurait été très possible que Piché tombe dans le piège d'une vision sensationnaliste, à la limite démagogique. Au contraire, le long métrage fut très équilibré. Cela doit sans doute provenir de toute la solidarité, la convivialité et la foi qu'avait toute l'équipe derrière Piché. Il suffit de lire ce que les artisans ont à raconter.

Robert Piché, l'authentique, a été plus qu'enchanté du lien établi et du jeu de Michel Côté, d'autant plus qu'il a été bien impressionné par le produit final. Quant au réalisateur Sylvain Archambault, ce fut, comme pour Robert Piché, un exercice de patience (il a fallu huit années d'attente pour le financement), mais aussi un véritable privilège de se consacrer à ce projet. Cela a été une grande occasion de croissance sur le plan humain et professionnel. Archambault ne peut taire toute la gratitude qu'il a. Son cœur y est si investi que ça en devient presque palpable durant la projection.

Le côté ténébreux de Piché a été apporté avec beaucoup de sensibilité. Ses moments en prison de la Géorgie étaient à glacer le sang, tandis que ses longues journées en thérapie inspiraient beaucoup d'empathie. Le fait que le tout ne soit pas linéaire amenait le cinéphile, en même temps que Piché, à rétablir l'harmonie dans ses souvenirs tumultueux.

Il serait légitime de demander si les scènes aériennes, par exemple avec l'avion, étaient réussies. Sans lunettes 3D, on a l'impression d'y être et qu'aucun détail sur le plan des effets visuels n'a été négligé. C'est donc une très grande marque de respect pour le vrai Robert Piché d'avoir utilisé les grandes technologies de l'image avec pertinence et précision. Je dirais qu’il y a un aspect généralement très difficile à rendre dans le genre de film mettant en scène un héros sombre : l'humilité. Dans le cas de Piché, c'est tout à fait à point.

Un tour de force très éthique qui donnera, à n'importe qui souffrant de la phobie de voler, le courage de faire face à cette peur.