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La politique et la violence au cinéma

Écrit par Alain PENSO, La Grande Epoque
24.07.2010
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  • Un film de Juan José Campanella avec Soledad Villamil, Ricardo Darin.(攝影: / 大紀元)

Tous les films ont la prétention de séduire afin d'attirer le spectateur « vers un petit coin noir » d'où surgira le mystère. Mais là, heureusement, ne s'arrêtent pas les ambitions profondes de l'art cinématographique toujours plus influencé par l'environnement et les contextes historiques et politiques du moment. Tout est prétexte pour que « la pulsion de l'art cinéma » (voir Freud, passions secrètes de John Huston, 1962) soit contrainte de changer de sens et d'esthétique en faisant confiance à un seul élément, le hasard, en d'autres termes aux jeux de hasard de la vie. Tout est possible dans un univers où la mouvance des rencontres et des situations permet toutes les combinaisons et genres d'histoires à conter. Les cinéastes ont l'esprit aussi variable que les sujets qu'ils traitent. Les genres s'inscrivent d'eux-mêmes, du psychologique au policier, en passant par la science-fiction et le fantastique : tout est possible dans la cinématographie qui devient parfois une deuxième vie.

Le domaine psychanalytique et la politique

La pollution de « l’homme honnête » rejaillit dans les histoires après avoir figuré dans les plats culinaires jadis de vrais chefs-d'œuvre comme dans Le Festin de Babette de Gabriel Axel (1987). L'histoire de ce cordon bleu est interprétée par Stéphane Audran qui fuit la Commune en 1871 pour se réfugier dans une famille rigoriste danoise. Le passé tant aimé de Babette resurgit grâce au somptueux repas qu'elle confectionne pour douze invités, utilisant ainsi la petite fortune qu'elle a gagnée à la loterie. Elle montre sa modestie et son amour pour les autres en donnant du bonheur à l'âme, aux travers de ces mets qu'elle confectionne en souvenir du bon vieux passé laissé derrière elle.

Le bonheur, illusion d'un moment, nécessaire pour franchir la rampe du temps qui passe, peut être mis en échec par un nœud psychologique. Seule la psychanalyse pourra aider à résoudre un éventuel trouble en lien avec le passé. ,Pas de printemps pour Marnie d'Alfred Hitchcock (1964) concilie remarquablement le genre policier, psychologique.

Le voyage secret

Le cinéma italien est habitué aux discours sentimentaux où la nature et l'intériorité tentent d'être dévoilées dans une déclinaison de mots où la poésie devient « l'outil » indispensable. Avec Voyage secret (Viaggio segreto) (2006) de Roberto Andò, le procédé de narration prend le pas sur l'histoire elle-même, adaptée du roman The Reconstructionist de l'Irlandaise Josephine Hart. Ce sont les mécanismes psychiques, base de notre mémoire et de nos émotions, qui sont évoqués tout au long de ce film qui met en parallèle l'histoire immédiate avec un passé rempli d'aspérités tragiques, où la magie de l'enfance n'a jamais pu réellement voir le jour. Il reste, même s’il n'est pas d'un classique traditionnel, la couleur locale de la Sicile habitée par la violence et où le meurtre demeure. L'esthétique magnifique de cette Italie, habitée par la tragédie et les reflets du soleil sur les pierres et la mer, permettent à la mémoire de secréter une histoire où l'enfance tente de reprendre ses droits pour permettre aux adultes de reprendre leur permission de vivre. Dans une cohérente continuité, Roberto Andò, après Le Prix du désir (2004), se recentre sur la reconstruction psychologique nécessaire après un traumatisme que la mémoire a enfoui.

Les années 1968 ou la politique et l'action

Le cinéma a la capacité de parler de tout. L'avantage – et le désavantage – est de montrer plutôt que de suggérer. Tels les films de Michelangelo Antonioni qui annoncent les années de révoltes de 1968 – devant le refus de la société de voir d’autres perspectives que celles inscrites dans les constitutions gravées dans le marbre – cette confrontation de la réalité et de l'illusion, de la fiction et de l'administration, fera long feu au profit d'une ouverture sur l'imaginaire et l'innovation. Cette illustration prendra corps avec Vanessa Redgrave et David Hemmings dans Blow up (1967). Ce mélange de culture italienne et anglo-saxonne, sur une musique d’Herbie Hancock, ponctue les phases tragiques du film pour atteindre un niveau supérieur dans la subjectivité du cinéma, comme savait déjà le réaliser Orson Welles avec Citizen Kane (1941). Welles exprimait un rêve brisé qui apportera le soulagement une fois élucidé, l'histoire, après le catastrophique pacte germano-soviétique. Cette année-là, les Allemands envoient la plupart de leurs unités contre leurs anciens alliés, rompant ainsi tous les accords. Avec l'opération Barbarossa, débute l'une des plus grandes opérations guerrières de tous les temps au cours de laquelle les nazis creuseront leurs tombes. Jean-Jacques Annaud illustrera l'une des plus grandes batailles de l'histoire avec Stalingrad (Enemy at the Gates) (2001).

Dans le secret de tes yeux

Ambitieuse fiction, le film de Juan José Campanella Dans ses yeux (El secreto de sus ojos) (2010), a été récompensé de l’Oscar du meilleur film étranger. À Buenos Aires, au travers d'une intrigue policière, une jeune femme est assassinée dans des circonstances non élucidées. Vingt-cinq ans après, Benjamin Esposito reprend l'enquête pour le roman qu'il désire écrire sur cette affaire. Il parcourt ses regrets, son ami assassiné chez lui et cette idylle jamais consommée. Dans ce film, la justice, à géométrie variable, ne convient pas au personnage qui se plaint au juge d'instruction de la libération de l'assassin de la jeune fille. Ce dernier, retrouvé et condamné, est relâché sur ordre des autorités politiques. Benjamin Esposito enquête pour retrouver l'assassin de la jeune fille injustement mis en liberté. Parallèlement, il réfléchit, revenant sans cesse en arrière sur les regrets que sa mémoire lui fournit. Ce film parle de l'attente. Le négatif doit passer grâce à une force fantastique venue du ciel. Le tissu de l'histoire est fait de soie et enrobe les personnages d'une humanité où chaque faiblesse est analysée. Le langage prend une dimension rare. Tout est affaire de sens et d'expression, dans un contexte de milieu judiciaire où l'homme a perdu tout respect.

Le dictateur

La dictature et la justice ne peuvent pas coexister et la perversion n'est que l'expression d'un dysfonctionnement inévitable et d'une politique impossible.

Charlie Chaplin avait entendu parler de l'enfermement des juifs, et avait mis en chantier Le Dictateur (1940). Sa dictature à lui aura été l'art : faire admettre l'être humain sensible comme le summum du bonheur et du plaisir. Il avait érigé une philosophie, tout ce qui blesse l'être humain doit être arrangé à son profit. Il avait fait à Hynkel, le postillonneur aboyant, une réplique opposée : un coiffeur amnésique. Il avait été interpellé par ces artisans juifs qui faisaient peur à un homme comme Hitler. Le comique de Charlie Chaplin est d'avoir montré le dérisoire de l'espèce humaine.

De la propagande à la négation de l'être humain

La même année sous la supervision de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, Veit Harlan réalise un luxueux film Le juif Süss (1940) d'après un ouvrage détourné de Lion Feuchtwanger. Süss est le surnom de Joseph Süss Oppenheimer. L'austérité et le calcul de Veit Harlan réduisent le film à une sorte de réclame, même s'il faut reconnaître que la facture du film reste d'une grande qualité, permettant au cinéaste de faire circuler son idéologie raciste et criminelle. Rappelons qu'après une projection à Lyon, des juifs furent molestés. Veit Harlan fera jouer sa femme, fille d'un célèbre chimiste, siégeant au jury du prix Nobel. Charlie Chaplin inquiète Goebbels qui cherche à diminuer l'impact du Dictateur tourné à Hollywood, qui atténue son projet.

Le film en lui-même contient cette charge politique et la violence qui constituent le régime nazi. Il associe la propagande, cette publicité politique qui économise les moyens de l'État et les dirige vers des actions de conditionnement en direction du peuple qui les subit.

 

Les révolutionnaires ne sont jamais fatigués

Dans Carlos d’Olivier Assayas (2010), un film sur le terroriste surnommé aussi Chacal, le membre attaché au FPLP a suivi un entraînement en Jordanie à Amman. La version présentée à Cannes fait 5h30 alors que la version cinéma, ne dure que 2h45. Le film est limpide et en retrace l'ambiance et la situation politique du temps parcouru. La violence est d'une rare force. Elle laisse entrevoir les errements des terroristes qui jouent leur rôle de terreur locale, engluée dans des idéologies qui ne justifient jamais la mort. Selon Carlos, le principal intéressé, les attentats principaux avaient été commandités par Kadhafi et non pas par Saddam Hussein.

Dans Chacal de Fred Zinnemann (1973), une perspective d'action et de politique, l'assassinat du général De Gaulle était programmé. Entre la politique et le film d'action, le réalisateur fait réfléchir sur la politique et du même coup endort le spectateur dans une action efficace. Selon l'époque, le film d'action et de politique se conçoit différemment. À cela plusieurs raisons, mais surtout les conditions de production, le contexte politique, l'interprétation et toute l'importance du champ créatif.

De la violence à la comédie

Copacabana (2010) démontre que l'agressivité, affective et politique, peut être contenue, lorsque l'amour, l'humour et la tendresse cohabitent avec une connaissance pertinente des autres, sans jugement. Dans cette comédie, l'hypocrisie dans le travail est parfaitement analysée, grâce à l'interprétation subtile d’Isabelle Huppert. Cette dernière compose un personnage inattendu qui sait prendre les situations les plus tragiques avec modestie sans jamais se plaindre. Marc Fitoussi compose un film où toutes les nuances illustrent les contradictions familiales et l'univers sans pitié du travail où émerge très souvent la rancune des uns et des autres pour le seul bien individuel.

Dans une sorte de continuité invisible, L'Italien (2009) conte l'histoire d'un homme qui veut oublier ses origines pour vivre comme tout le monde. Il ne veut pas dire qu'il est Algérien de peur d'être méprisé. Il s'invente une origine italienne à l'accent sonnant, tentant oublier sa propre mère. Une comédie savoureuse d’Olivier Barroux où Kad Merad semble jouer son propre rôle.

La violence de ces deux derniers films résident dans l'agression psychologique et matérielle que les personnages principaux reçoivent. Ils pensent cependant que dans toutes situations il y a un dénouement qui n'est pas forcément négatif, car la vie comme le cinéma sait permettre les retournements en éloignant la violence.

Le délice de Tamara Drewe de Stephen Frears (2009) a la puissance de cette journaliste, belle et désirable, revenue dans son village natal, suite au décès de sa mère. Elle bouleverse une communauté d'écrivains endormie dans leurs certitudes et leur ronron. Heureusement, il y a des petites chipies qui rêvent de stars et qui font tout pour mettre du piment dans les relations. S'ensuit un régal où toutes les combinaisons amoureuses et livresques se déclinent. L'humour est partout. Les femmes comme les hommes ont des vies multiples qui de temps à autres se croisent dangereusement. C'est ce suspense et un certain hasard doublés d'un goût pour le risque qui va précipiter la tragédie puis le bonheur. La violence est extrême mais contenue, et la politique minimale : celle de vivre sa vie.

Voir aussi:

Le mensonge au cinéma

http://www.lagrandeepoque.com/LGE/Arts-et-cultures/Le-mensonge-au-cinema.html

 

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