Le mensonge au cinéma

Écrit par Alin Penso, La Grande Époque
05.07.2010

  • (攝影: / 大紀元)

Le cinéma un art du discours

Quel art, autre que le cinéma, a marqué nos sociétés de ses discours convaincants mais souvent proches du mensonge? Il est vrai que la télévision a utilisé le savoir-faire des cinéastes pour réaliser ses desseins propagandistes et commerciaux, où la manipulation des individus conscients, ou inconscients, a toujours été présente.

Dès le début du cinéma, les artistes cinéastes ont été utilisés pour faire circuler la propagande politique ou manipuler les consommateurs pour les amener à acheter tout ce qui était possible.

Dans Naissance d’une nation de David Wark Griffith (1915), le cinéaste montrait une vision efficace, mais partiale des agissements du Ku Klux Klan (KKK ou le Klan), dans la construction d’un pays constitué d’individus et d’ethnies multiples. David Wark Griffith fera circuler, dans son brillant film, une idée de rédemption pour les monstres xénophobes qui ont fait souffrir les Noirs, les Chinois, les Japonais, les Hispaniques, les Juifs, les Chrétiens de l’église romane etc. Des assassinats sont froidement perpétrés avec l’aval des pouvoirs locaux. David W.Griffith ne faisait que rapporter dans son film l’atmosphère délétère. Il dut se justifier dans le film suivant, Intolérance (1916) tourné un an plus tard, devant l’hostilité des spectateurs et des journalistes. Le cinéaste sera considéré comme un extrémiste politique. Dès le développement des studios à Hollywood et l’organisation industrielle des films, le cinéma transporte de fascinantes idées d’autant plus efficaces qu’elles s’imposaient d’elles-mêmes.

Une image fabriquée de l’Amérique

L’image de l’Amérique, fabriquée de toutes pièces, dépasse les frontières des États-Unis pour précéder les exportations de produits manufacturés vers les pays passionnés par son cinéma. Sans omettre l’idée que le cinéma est un art à part entière, nous pouvons constater qu’il utilise les talents des artistes pour vendre des produits dits commerciaux.

Le cinéma, par définition, est un mensonge puisque ce que l’on voit n’existe pas, c’est une impression. La rétine reçoit une succession de 24 images qui constituent un mouvement: l’œil n’analyse pas les vides entre les clichés et le cerveau. La persistance rétinienne installe une illusion, c’est sur cette imperfection que naît le cinéma. Les studios hollywoodiens vont faire exploser les convictions de millions de spectateurs dans le monde, avant que finalement, la télévision réduise notablement l’influence de ce média surpuissant et reprenne ses prérogatives.

Les frères Lumière inventent le cinématographe

Dès l’invention du cinématographe par Auguste et Louis Lumière, après quantité d’inventions intermédiaires mais jamais parfaitement abouties comme celle des inventeurs du cinématographe, l’industrie de l’illusion va se développer et prendra son envol avec seulement 33 spectateurs privilégiés, les premiers du monde entier qui ont assisté, le 28 décembre 1895 au Grand Café à Lyon dans le salon indien, à une programmation de dix films: c’était la Première mondiale de films projetés devant un public.

L’illusion du mouvement était totale. La sortie des usines Lumière à Lyon (1895), La pêche au poisson rouge (1895), La place des Cordeliers à Lyon (1895) avaient constitué une partie du programme. Il est faux d’affirmer que L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat avait été projeté au cours de cette projection exceptionnelle. Ce fameux film a une histoire étrange mais compréhensible. Les spectateurs qui ont vu ce film et qui n’avaient évidemment pas l’expérience du cinéma, cet art nouveau, se sont rués sous leur siège lorsque le train est entré sur l’écran en gare de La Ciotat. C’était l’équivalent du 3D d’aujourd’hui: l’espace cinématographique, l’illusion, le mensonge n’avaient pas été encore «domestiqués».

Grâce à la technique, le cinéma, cet art de l’illusion optique, va dès le début et pendant des décennies augmenter son pouvoir. L’économie américaine fera de cette invention une industrie à caractère mondial. Ses inventeurs, eux-mêmes, la considéraient comme une invention pour amuser les foules, une sorte de jouet sans importance. La suprématie de cette invention exceptionnelle échappera très rapidement à la France et aux artistes français, comme Georges Méliès, qui avait œuvré pour le septième art avec des films comme Le voyage dans la lune (1902) où l’un des premiers cinéastes de fiction traduit l’illusion dans le langage cinématographique. Un peu plus tard, Georges Méliès prend conscience du pouvoir extraordinaire du cinéma et rapporte, dans L’Affaire Dreyfus (1899), un petit film de dix minutes, les injustices qui habitent nos sociétés. Il montrera ainsi la capacité extraordinaire que possède ce nouveau mode d’expression qui peut révéler bien des secrets et les formuler. Le cinéma utilisera cette caractéristique exceptionnelle qu’il détient: faire parler l’inconscient qui cherche à révéler ses maux. Le cinéma est un art de synthèse où toutes les formes d’expressions cohabitent.

Orson Welles, un génie du cinéma

Beaucoup plus tard lorsque le cinéma aura trouvé un équilibre, il fera appel à des créateurs confirmés comme Orson Welles, un génie créatif, qui après avoir monté plusieurs pièces de théâtre de Shakespeare, se lance dans la radio où il va laisser une empreinte tragique: plusieurs Américains, des centaines, se suicideront. Orson Welles sera très affecté par ce drame: summum d’une modernité trop sérieuse et de la croyance.

Le 30 octobre 1938, Orson Welles prend l’antenne de CBS pour présenter son émission, Mercury Theater on the Air, dans laquelle une adaptation du roman La Guerre des Mondes (1898) de G.H. Wells sera diffusée. Un faux présentateur de la chaîne de radio annonce l’arrivée belliqueuse des Martiens. Il s’en suivra une panique telle, que le pays entier sera en émoi, des centaines d’Américains se suicideront. Welles débutera sa carrière cinématographique par la radio et une véritable expédition de science-fiction.

Orson Welles écrira le scénario de Citizen Kane (1940), cette recherche désespérée de l’enfance qui s’enfuit avec le temps, sans jamais plus envoyer de signe, sans laisser quelques attentions pour se sentir vivre. Rose Bud est ce traineau que cherchera Kane toute sa vie. Mais le prix sera infini et il disparaîtra dans le feu de l’enfer de l’oubli. Orson Welles s’inspire de la biographie de Randolph Hearst, un magnat de la presse.

Dans Le Caméléon (2010) de Jean-Paul Salomé, un garçon de 16 ans dit s’appeler Mark Randall, être Américain et avoir été enlevé par une secte en 1996. Soupçonné d’être un imposteur récidiviste, il est reconnu par sa sœur. Les médias de Louisiane donnent une telle importance à cette affaire que le FBI est alerté et posera le problème de la mythomanie et de l’imposture.

Avec A bout de souffle de Jean-Luc Godard (1960), sur un scénario de François Truffaut, c’est d’une contre-vérité lourde de conséquences pour une jeune femme, Jean Seberg, dont il est question. Jean-Paul Belmondo s’écroule abattu par une balle. II dit, presque sans connaissance: «C’est dégueulasse». Sa petite amie américaine, Jean Seberg, n’a pas très bien entendu et un homme étranger à l’action, entendant vaguement les mots, transforme les propos de l’homme à terre et dit, voulant rendre service ou vivre pour lui: «Il a dit que vous étiez une dégueulasse». La jeune femme répond: «C’est quoi une dégueulasse?»  Le mensonge peut se situer dans un court dialogue et dans un type de film que le cinéma aime à sortir régulièrement.

Le film de guerre est un champ où l’on fait de la propagande, comme le faisait les nazis pendant la Seconde guerre mondiale, en montrant la magnificence de l’armée allemande, sa puissance, sa justice pour que les hommes trouvent un idéal dans la recherche de la pureté de la race: se débarrasser des Tziganes, des Juifs, ces détenteurs de l’argent de tous, des Gitans, ces voleurs de grand chemin. Toutes ces calomnies ont fait de la production allemande un cinéma de très bonne qualité avant la guerre, un déversoir de haine, avec Fritz Lang qui avait été sollicité par Goeble.

Veit Harlan, avec Le Juif Süss (1940) d’après un roman détourné, fera un film immonde appelant au crime, à l’assassinat. Heureusement la production américaine et des réalisateurs comme Frank Capra avec Pourquoi nous combattons (1943) donnera ses lettres de noblesse aux films de propagande pas toujours mauvais au sens littéral du terme. Ce film compare le monde occupé et le monde libre et est co-réalisé par Anatole Litvak.

Dans Eyes of War (2009) de Danis Tanovic une coproduction de la France, la Belgique, l’Espagne et l’Irlande, est une vision de la guerre, car les deux personnages, embarqués dans un conflit sanglant, risquent leur vie au Kurdistan pour ramener des clichés pour les grands magazines internationaux.

La photo dit ce que les photographes veulent: tout dépend du cadrage qui peut leur coûter la vie. Ce film est une bonne représentation du métier. Par certains côtés cela fait penser à Blow up d’Antonioni (1966) mais en bien plus violent. Il y a un traumatisme bien ancré et compréhensible vu la violence avec laquelle l’un des protagonistes est livré à un monde dans lequel il ne peut rien révéler à ses proches.

Cela le plonge dans un mensonge par omission si grave que sa vie est menacée d’éclatement s’il ne trouve pas une solution psychologique viable. Dans La déchirure (1984), Roland Joffé avait analysé une situation intenable en introduisant des personnages intermédiaires qui balisaient l’itinéraire de ces hommes fous d’aventure, flirtant avec le danger à chaque cliché. Un journaliste du New York Times enquête au Cambodge où la dictature de Pol Pot détruit les familles et enferme tous les habitants dans des camps. Les Khmers rouges sèment la terreur et la famine dans le pays. Salvador d’Oliver Stone (1986) procède du même genre de films. Blow up est un film plus de l’ordre du spirituel et de la critique politique de la société. L’image que l’on voit n’est pas celle qu’il faudrait regarder car elle risquerait de tromper notre raison qu’il se doit de ciseler pour lui donner un sens viable et intelligible.

Bébés de Thomas Balmès (2009)

De tout temps lorsqu’on parle de bébés, la croyance populaire tente à faire croire que tous les bébés du monde ont les mêmes chances. Le documentaire français éloquent démontre que les conditions de vie participent aux inégalités de l’humanité et que le premier souffle ou le sourire ne mènera pas sur les mêmes voies de la vie. De la naissance aux premiers pas, quoi de plus attachant qu’un tel document. Ponijao habite en Namibie, Bayarjargal en Mongolie, Mari au Japon, Hattie aux États-Unis. Ce sont quatre univers où intervient une éducation propre à chaque pays.

Le niveau de vie de chacune des familles est très peu abordé, ce qui pourrait peut-être fausser notre vision de ces mondes parallèles.

Marga de Ludi Boeke (2009) est une sorte de conte de fées, pourtant réel. En 1943, tous les juifs sont arrêtés en Allemagne. Dans un petit village, la famille Aschoff recueille une jeune femme et sa fille et dissimule son mari: Menne Spiegel, un marchand de chevaux, vétéran de la première guerre mondiale. Le chef de famille appartient au parti nazi mais ne peut pas se résoudre à laisser une famille qu’il connaît sans défense. Son fils est soldat de la Wehrmacht. Il va accueillir tout ce petit monde chez lui. Car, pense-t-il, il est d’abord un homme qui respire la raison et l’humanité. Un film qui a la particularité de démontrer, que dans le désespoir d’un passé il y a quelquefois des pépites de bonheur. En voici une qui est un joli mensonge: celui du signe d’un homme envers un autre. Le film conclut que sur 60 millions de personnes, il y a eu au moins 476 habitants qui ont su dire non au crime légal des nazis.

Ne devrait-on pas dire qu’il y a des mensonges que l’on souhaiterait pour l’éternité?