Zimbabwe: conflits autour des diamants

Écrit par IRIN News
08.07.2010
  • Un diamant observé à la loupe(Staff: ALEXANDER JOE / 2008 AFP)

JOHANNESBOURG – Une déclaration du ministre des Mines zimbabwéen, Obert Mpofu, affirmant que le gouvernement avait approuvé la vente de diamants des champs de Marange – qui font l'objet de controverses – a été qualifiée de «mensongère» par un autre ministre.

«Il est apparu clairement lors de la réunion que le gouvernement acceptait la vente immédiate de nos diamants», a dit M. Mpofu au quotidien The Herald. Il venait de rentrer d'une assemblée du système de certification du processus de Kimberley (SCPK) – une initiative internationale destinée à lutter contre les diamants issus de conflits – à Tel-Aviv, en Israël.

Un ministre membre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le parti du premier ministre Morgan Tsvangirai, qui a demandé à garder l'anonymat car le protocole lui interdisait de discuter des réunions du Cabinet avec les médias, a dit à IRIN : «La question de la vente de diamants n'a jamais été abordée [au conseil des ministres].»

Le MDC a formé un gouvernement d'unité nationale avec la ZANU-PF, le parti du président Robert Mugabe, en 2009, après les violentes élections qui ont vu la ZANU-PF perdre sa majorité au Parlement pour la première fois depuis l'indépendance du pays envers la Grande-Bretagne en 1980.

Le ministre membre du MDC a commenté : «Il [M. Mpofu] a pris l'habitude de tromper les Zimbabwéens et le monde entier sur les questions relatives aux diamants. Il a d'abord menti en disant qu'il avait été décidé, lors de la récente réunion en Israël, que le Zimbabwe pourrait vendre ses diamants, alors qu'aucune décision de ce genre n'avait été adoptée. Maintenant, il dit au monde entier que le Cabinet a décidé de vendre les diamants, alors qu'une telle décision n'a pas été prise.»

La réunion du SCPK à Tel-Aviv a mis l'accent sur le problème zimbabwéen, mais n'a pas réussi à parvenir à une décision sur la vente des diamants de Marange, qui aurait été le théâtre de violations des droits de la personne, notamment par l'armée qui aurait soumis des adultes et des enfants au travail forcé. En 2008, des centaines de mineurs «illégaux» auraient été tués et de nombreux autres battus et violés dans une opération visant à chasser les mineurs de cette zone de 66 000 hectares.

Le SCPK, créé en 2002, rassemble deux fois par an les gouvernements, l'industrie diamantifère et des organisations non gouvernementales (ONG) afin de réglementer le commerce des «diamants du sang» (blood diamonds). Ses 49 membres représentent 75 pays, ce qui couvre à peu près 99,8 % de la production mondiale.

Après la réunion à Tel-Aviv, la Fédération mondiale des bourses de diamants (WFDB) a dit dans un communiqué que «les diamants provenant de Marange ne devraient pas être achetés avant l'approbation du groupe de travail sur la surveillance du processus de Kimberley (PK). Comme aucun accord n'a encore été donné, tout membre pris à le faire fera l'objet de mesures disciplinaires établies par la WFDB».

Le Conseil mondial du diamant organisera pour la première fois un mini-sommet, lors de sa réunion annuelle à Saint-Pétersbourg, en Russie, en juillet 2010, pour essayer de sortir de l'impasse au sujet du Zimbabwe.

Andy Bone, directeur des relations internationales du diamantaire De Beers, a dit à IRIN que si le Zimbabwe décidait de vendre les diamants de Marange, cela aurait «de sérieuses conséquences pour le processus de Kimberley et le Zimbabwe», et a demandé instamment à toutes les parties de poursuivre le dialogue, «qui est d'une importance vitale pour des millions de personnes du monde entier [dans l'industrie du diamant]».

Les champs diamantifères de Marange sont considérés comme figurant parmi les gisements les plus riches découverts depuis un siècle. Le Zimbabwe aurait amassé un stock de quatre millions de carats de diamants d'une valeur d'environ 1,7 milliard de dollars, qu'il n'aurait pas pu vendre sur le marché international à cause de l'interdiction imposée par le SCPK.

Annie Dunnebacke, militante pour Global Witness, une ONG britannique qui était parmi les initiateurs de la création du SCPK et qui surveille désormais le commerce international des diamants de la guerre, a dit à IRIN que la question du Zimbabwe avait conduit la société civile à «évaluer constamment [le SCPK]... et si nous n'intervenons pas, ce sera pour ainsi dire la fin [du SCPK]».

«Le fait que le Zimbabwe n'ait pas tourné le dos au PK et que M. Mpofu se soit assis à la table des discussions [à Tel-Aviv] pendant plus de dix heures, jusqu'à six heures du matin, semble suggérer que le Zimbabwe a également beaucoup à perdre», a-t-elle dit.

Source : www.irinnews.org