Filière 13 – Mêmes ingrédients, mais recette mieux réussie

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
12.08.2010

  • Guillaume Lemay-Thivierge, Claude Legault et Paul Doucet(攝影: / 大紀元)

Patrick Huard, qui cumule les chapeaux depuis ses débuts en humour, revient à la charge en réalisant Filière 13, où il décide simplement de réunir le producteur, les scénaristes et les trois principaux acteurs de son premier long métrage, Les 3 P'tits Cochons. Rappelons en commençant que ce dernier a connu le plus grand succès du Box Offfice québécois de 2007. Considérant sa notoriété et sa polyvalence dans le milieu culturel, Huard aurait pu décider de travailler avec n'importe qui pour sa deuxième fiction. Mais s'il avait déjà constitué «l'équipe de rêve» en 2007 avec Les 3 P'tits Cochons, pourquoi recommencer à zéro? Pourquoi cette cohésion d’équipe bâtie à travers le premier film ne pourrait pas garantir un résultat encore plus fini lors du deuxième projet?

Trois policiers (Claude Legault, Guillaume Lemay-Thivierge et Paul Doucet) entrant dans une période dysfonctionnelle de leur vie se verront contraints à travailler sur un «job facile» qui, étrangement, les amènera sur un parcours bien plus profitable qu'ils ne croient : le plus beau coup de leur carrière (s'ils le réussissent).

Filière 13 ne joue pas les opportunistes en profitant de la frivolité et de la nonchalance de la saison estivale pour faire passer un navet pour un fruit mûr. C'est plutôt l'été qui profite d'un film de calibre honorable. Les acteurs principaux (Claude Legault, Guillaume Lemay-Thivierge et Paul Doucet) reprennent des rôles relativement différents de leur dernière rencontre des 3 P'tits Cochons. Les scénaristes et Patrick Huard leur ont donné une latitude de jeu afin que leurs qualités puissent être bien mises de l'avant même s'il s'agit d'une comédie dramatique pouvant parfois restreindre le potentiel.

La force de l'humour provient de la précision avec laquelle le quotidien est dépeint avec réalisme et de la détresse de chaque personnage à communiquer qui varie selon le degré de souffrance que chacun traverse. La contribution du duo musical Beast pour la trame sonore vient cimenter le tout en renforçant l'atmosphère «mi-sucré, mi-amer».

Le thème de l’obsession de la sexualité exploité dans Les 3 P'tits Cochons laisse sa place au thème de la dépendance de l'homme à chercher des solutions miracles, souvent factices, au mal de vivre. En découle évidemment une critique sur l'absurdité de l'industrie pharmaceutique et thérapeutique bien exposée sur la place publique. C'est par un nouveau regard, par une perspective différente, par une expérience rafraîchissante ou carrément par l'acceptation de leur sort que les protagonistes avanceront dans leur quête d'équilibre.

  • André Sauvé (攝影: Véro Boncompagni / ©Véro Boncompagni-09)

Un thème encore mieux développé dans le deuxième film de Huard serait la symbiose relationnelle entre les hommes. Dans Les 3 P'tits Cochons, elle se reflétait par le lien fraternel, tandis que dans Filière 13, ce sont les malheurs, la douleur et le métier qui resserrent les liens.

Patrick Huard semble insatiable quant aux clins d'œil nationalistes, peu importe où il met les pieds et peu importe la pointure de chaussures qu'il décide de porter. Ici, les scénaristes ont redonné vie à un souvenir politique affligeant, déjà évanoui dans la conscience collective québécoise : celui du scandale des commandites. La fiction permet une fois de plus de rétablir un seuil décent en termes de justice (pas jusqu'au point de Le Commando des Bâtards tout de même).

Plusieurs apparitions d'humoristes viennent peupler le monde de Filière 13. Celui que l'on suit de plus près est André Sauvé (révélation de l'année au Festival Juste pour rire en 2006). Sa présence n'apporte rien de concret à l'intrigue; on a plus l'impression de se téléporter avec lui sur les planches du St-Denis et d'y vivre un bon moment. En ce qui a trait à Laurent Paquin, un autre humoriste bien connu, il ne fait que passer en coup de vent, mais c’est le genre de brise qu'on apprécie toujours. L'excentrique chanteuse Annik Jean vient colorer les jours gris des protagonistes par sa candeur retenue et ses accoutrements éclatés. Un autre artiste de la chanson, Daniel Boucher, incarne – le temps qu'on le reconnaisse sans ses cheveux – un criminel appelé «Canne de Bines».

Huard a agrandi sa famille cinématographique en décidant d'adopter des artistes de différentes sphères du showbiz québécois. S'arrêtera-t-il là ou en a-t-il pris goût au point d'être le géniteur d'un troisième long métrage?