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Bases utilisées par les États-Unis en Colombie: accord invalidé par la justice colombienne

Écrit par Latin Reporters
22.08.2010
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  • La base militaire colombienne de Palanquero. (Stringer: LUIS RAMIREZ / 2009 AFP)

BOGOTA – Constatant qu'il n'a pas été soumis à l'approbation préalable du Congrès de la République (Parlement), la Cour constitutionnelle de Colombie a invalidé le 17 août l'accord militaire bilatéral permettant à l'armée des États-Unis d'utiliser au moins sept bases colombiennes. Signé le 30 octobre 2009 et entré en vigueur en principe le même jour, cet accord polémique avait suscité la colère du Venezuela et de ses alliés régionaux.

Tant Washington que le gouvernement du président colombien Alvaro Uribe, auquel succéda Juan Manuel Santos le 7 août dernier, avaient présenté le nouvel accord comme une actualisation de leur coopération contre le trafic de drogue et les guérillas d'extrême gauche en vigueur depuis 1999 dans le cadre du Plan Colombie, lancé à l'époque par le président américain Bill Clinton.

Néanmoins, l'accord «implique de nouvelles obligations de l'État colombien ainsi qu'une extension de celles acquises antérieurement», en fonction de quoi la procédure applicable devait être celle relative aux accords internationaux, avec ratification parlementaire, a expliqué le président de la Cour constitutionnelle, Mauricio Gonzalez Cuervo, lors d'une conférence de presse à Bogota.

Saisie par un collectif d'avocats attaché à la défense des droits de l'homme, le collectif Jose Alvear Restrepo, la cour a décidé dans son arrêt, sans se prononcer sur le fond du texte, de remettre l'accord «au président de la République afin qu'il applique la procédure constitutionnelle propre aux traités internationaux».

L'accord sera «inexistant» pendant au moins un an

Si le gouvernement du président Santos transmet effectivement l'accord au Congrès de la République, et si ce dernier l'approuve, le document aboutira à nouveau à la Cour constitutionnelle, cette fois pour étude de fond. De l'avis des observateurs, cette procédure durerait au moins une année avant que l'accord ne sorte éventuellement de «l'inexistence» (dixit Mauricio Gonzalez Cuervo) dans laquelle viennent de le ravaler six des neuf magistrats gardiens de la Constitution.

Ils soulignent que l'accord passé en octobre 2009 entre la Colombie et les États-Unis autorise «l'accès et l'utilisation d'installations militaires [colombiennes] par un personnel militaire et civil étranger», ainsi que «la libre circulation de navires, d'aéronefs et de véhicules tactiques étrangers, sans possibilité d'inspection ou de contrôle par les autorités nationales».

L'arrêt note encore l'autorisation, dans l'accord invalidé, de l'usage et du port d'armes en Colombie «par du personnel étranger» et «l'extension d'immunités et de privilèges diplomatiques à des contractuels et sous-contractuels, ainsi qu'à des personnes qui sont à charge du personnel des États-Unis».

Le personnel militaire et civil et les équipements arrivés en Colombie en application de l'accord désormais invalidé devraient en principe être renvoyés dans leur pays d'origine. Toutefois, les analystes estiment que la situation actuelle demeurera inchangée. Selon le gouvernement colombien, le plafond global, prévu par les accords antérieurs, de 800 militaires et de 600 contractuels américains répartis dans plusieurs bases colombiennes n'est en effet pas dépassé et la Cour constitutionnelle admet dans son arrêt que les relations «d'assistance et de coopération entre la Colombie et les États-Unis pourront être régies par les traités» signés avant l'accord du 30 octobre 2009.

L'influent quotidien colombien El Tiempo note tout de même que «les avions américains ne pourront pas utiliser la base de Palanquero [centre de la Colombie], la plus importante du pays, considérée dans leurs plans comme une plateforme de leurs vols intercontinentaux vers l'Afrique». Washington avait déjà dégagé un budget de 30 millions de dollars pour aménager la piste de la base de Palanquero, précise El Tiempo.

Réactions du gouvernement colombien et des États-Unis

Le président colombien Juan Manuel Santos fut l'un des promoteurs de l'accord invalidé lorsqu'il était ministre de la Défense. Le titulaire actuel de ce portefeuille, Rodrigo Rivera, affirme que «le gouvernement respecte l'arrêt de la cour.» Le même ministre souligne que «les accords souscrits antérieurement resteront en vigueur» et il insiste sur «l'importance fondamentale de la coopération avec les États-Unis en matière de sécurité et de défense, particulièrement dans la lutte contre le narcotrafic et le terrorisme». Ces deux fléaux sont imputés par Bogota, mais aussi par l'Union européenne et les États-Unis, aux guérillas colombiennes des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et de l'ELN (Armée de libération nationale) ainsi qu'aux résidus d'organisations paramilitaires théoriquement dissoutes.

S'adressant le 18 août à la presse depuis San Andrés, île colombienne des Caraïbes sinistrée par un accident d'avion, le président Santos a indiqué qu'une étude de la situation devra définir «s'il vaut la peine ou non de soumettre l'accord au Congrès» ou «si nous pouvons nous accorder sur certaines normes, même plus ambitieuses, avec les États-Unis» avant de soumettre à la ratification parlementaire l'accord alors révisé.

Les États-Unis «respectent les décisions prises par les institutions démocratiques de la Colombie», a déclaré un haut fonctionnaire du département d'Etat à El Tiempo. Selon le quotidien, le Pentagone laisserait percevoir une inquiétude sur le futur de l'accord d'octobre 2009, tout en notant que le président Santos, qui fut l'un de ses négociateurs, dispose d'une majorité parlementaire suffisante pour le faire approuver.

Polémique régionale

Conclu pour une période de dix ans renouvelable, l'accord militaire américano-colombien rejeté par la justice fut avant même sa signature au centre d'une vive polémique régionale, attisée essentiellement par le président du Venezuela, Hugo Chavez, et ses principaux alliés régionaux de la gauche radicale, la Bolivie, l'Équateur, le Nicaragua et Cuba.

L'accord suscita aussi des réserves dans la quasi totalité des autres pays d'Amérique latine, en particulier le Brésil. Il alimenta le doute sur un renouveau de la politique régionale des États-Unis sous la présidence de Barack Obama. L'UNASUR (Union des nations sud-américaines) convoqua sur ce dossier plusieurs réunions et sommets lors desquels la Colombie sembla comparaître en qualité d'accusée.

Estimant l'accord sur les bases de «vents de guerre», le président Hugo Chavez y voyait une menace directe contre le Venezuela, son pétrole et sa révolution, et contre les gouvernements de gauche d'Amérique latine. En réaction, le leader bolivarien gela les relations commerciales et diplomatiques du Venezuela avec la Colombie.

Toutefois, à l'issue du sommet Santos-Chavez qui marqua le 10 août dernier la réconciliation entre Caracas et Bogota, le président Chavez déclara à la presse que la Colombie est un pays «souverain» pouvant passer tout type d'accord avec tous les pays du monde. «La seule chose, c'est qu'aucune convention ne doit porter atteinte à la souveraineté du voisin ni représenter une menace pour un autre [pays]», précisait le président vénézuélien.

Source : Latin Reporters

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