Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Le mirage de la réforme politique en Chine (Commentaire)

Écrit par Heng He, La Grande Époque
13.09.2010
| A-/A+
  • Le premier ministre chinois, Wen Jiabao(Stringer: AFP / 2010 AFP)

Les récents propos du premier ministre, Wen Jiabao, ne peuvent être traduits en action

Le mois dernier, le premier ministre chinois – Wen Jiabao – a visité Shenzhen, la zone économique spéciale du sud de la Chine qui figure comme symbole des 30 dernières années de réforme économique et d'ouverture. Lors de sa visite, il a soulevé un des sujets les plus délicats en Chine : la restructuration politique.

Ses remarques ont semblé reprendre une discussion qui avait pris fin abruptement il y a plus de 20 ans. Cela a causé des remous autant en Chine qu'à l'étranger.

Wen Jiabao a déclaré : «[La Chine] devrait aller de l'avant non seulement avec la restructuration économique, mais aussi avec la restructuration politique. Sans la protection [que procure] la restructuration politique, la Chine pourrait perdre ce qu'elle a déjà accompli à travers sa restructuration économique, et ainsi les objectifs de son élan de modernisation ne pourraient être atteints.»

Wen a poursuivi en abordant des objectifs plus spécifiques comme «garantir les droits démocratiques et les droits légitimes de la population»; «mobiliser et organiser la population pour qu'elle gère les affaires étatiques, économiques, sociales et culturelles selon la loi»; «régler le problème de la surconcentration du pouvoir qui n'est pas supervisée adéquatement en améliorant les institutions»; «créer les conditions pour permettre à la population de critiquer et superviser le gouvernement» et, finalement, «bâtir une société juste et équitable, en particulier garantir qu'il y ait une justice dans le système juridique».

La restructuration politique, également appelée «réforme politique», est l'un des concepts les plus confus et incompris en Chine. Si ce dont Wen a discuté à Shenzhen constitue la substance de la réforme politique, tous ces droits sont déjà enchâssés dans la Constitution chinoise et dans de nombreuses lois. Si la réforme politique signifie la tenue d'élections multipartites et la garantie des libertés de presse, de religion, d'association et d'expression, cela ne fait pas – et ne fera jamais – partie des considérations du Parti communiste chinois (PCC).

Un sujet abandonné

La réforme politique est comprise d'au moins deux façons différentes. D'un côté, on estime que les réformes politiques ont été réalisées en même temps que les réformes économiques et qu'elles n'ont jamais cessé.

Si nous acceptons cette idée, alors il ne sert à rien de discuter de réforme politique aujourd'hui. Wang Huaichao, de l'École centrale du Parti, a écrit l'article intitulé Vingt-quatre ans de restructuration politique, dans lequel il a divisé la restructuration politique en quatre étapes : l'étape primaire pionnière, l'étape du déploiement complet, l'étape de l'ajustement et l'étape de la restructuration politique continuelle.

Même à partir de cet article, nous pouvons constater qu'une vraie réforme politique n'est jamais survenue. Il est écrit que la deuxième étape s'est déroulée vers la fin des années 1980. Il y avait beaucoup de discussions à propos des réformes politiques dans les années 1980.

Hu Yaobang a été le secrétaire général du Parti communiste de 1980 à 1987. Il a soulevé la question des réformes politiques et, pour cette raison, il a été forcé de démissionner de son poste en 1987.

Zhao Ziyang a été premier ministre de 1980 à 1987 et a joué un rôle dans la mise en place des réformes économiques. Il a par la suite occupé le poste de secrétaire général du Parti communiste de 1987 à 1989, et ses sympathies pour la réforme politique l'ont mené à sa perte. Après le massacre de la place Tiananmen, il a été démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée pendant 17 ans, soit jusqu'à sa mort.

Selon la seconde compréhension de la réforme politique en Chine, cette réforme a pris fin avant même qu'elle ne commence.

Dans les deux cas, la réforme politique a toujours été un sujet de discussion qui ne s'est pas transposé en action. Wen a repris le sujet que Hu et Zhao avaient été forcés d'abandonner. La pérennité de Wen au sein du Parti pourra-t-elle être un indicateur de sa sincérité envers la réforme?

L'histoire documentée

Étant donné que la réforme politique ne fait pas partie de la théorie traditionnelle du PCC, les chercheurs ne peuvent que ramasser les miettes qui cadrent dans ce concept à partir des notes internes du Parti et des discours et documents des dirigeants. Les réformes économiques n'étaient pas théorisées non plus, mais elles étaient beaucoup plus faciles à accomplir.

La Chine avait accumulé des siècles d'expérience en capitalisme. Il suffisait donc de revenir en arrière d'une trentaine d'années, à l'époque où le PCC n'était pas maître de la Chine.

Mettre en place des réformes politiques est beaucoup plus ardu. Si le PCC empruntait tout simplement des pratiques des systèmes occidentaux ou de la Chine ancienne, les conditions créées provoqueraient sa chute.

Un évènement considéré comme un point de repère pour les réformes politiques en Chine est le discours de Deng Xiaoping du 18 août 1980 prononcé durant une rencontre élargie du Politburo : La réforme du système de leadership du Parti et de l'État. En fait, ce discours met seulement l'accent sur comment régler le problème de la «surconcentration du pouvoir», et particulièrement «le super pouvoir personnel du dirigeant suprême». Ce discours de Deng était essentiellement en réponse à la Révolution culturelle et abordait la question de comment empêcher qu'une telle chose se reproduise.

Un autre point de repère est le rapport du 13e Congrès national du Parti de 1987, qui est le seul qui parle en détail de la réforme politique et qui est considéré comme l'exemple le plus important de la réforme politique. Après le massacre de la place Tiananmen en 1989, le Parti a complètement abandonné les objectifs du 13e Congrès et s'est plutôt concentré sur «perfectionner le système du Congrès du peuple, la collaboration multipartite dirigée par le PCC et la consultation politique».

Ces «nouveaux ajustements» représentaient simplement le recyclage de deux vieilles institutions. La Conférence politique consultative du peuple chinois et le Congrès national du peuple avaient été établis en 1949 et en 1954 respectivement et sont depuis appelés le «vase» et le «tampon». Ce nouvel ajustement n'a pas été changé depuis les 20 dernières années, sauf au moment du 15e Congrès du PCC, lorsque «diriger le pays selon la loi» a été ajouté.

Ces documents indiquent que la réforme politique est entièrement sous le contrôle du PCC et qu'elle n'est abordée que lors des rencontres du PCC. Elle est utilisée pour perfectionner le système en place, et son objectif fondamental est de renforcer le contrôle du PCC, non de l'affaiblir.

La primauté du droit

La réforme politique est un paradoxe en elle-même. Prenons la primauté du droit par exemple. Le problème principal du système judiciaire chinois est qu'il n'est pas indépendant du PCC. Si le PCC souhaite modifier cela, il n'a pas besoin de lancer des réformes politiques. Il a seulement besoin de dissoudre le Comité Politique et Légal qui supervise le système judiciaire dans sa totalité.

Il y a trois semaines, environ 50 avocats se sont réunis pour discuter des violations de la loi durant la campagne anti-criminalité à Chongqing. Durant une procédure d'appel pour renverser une peine de mort, le criminel allégué Fan Qihang a indiqué à son avocat que toutes ses confessions avaient été faites sous la torture. Une vidéo à ce sujet a ensuite été diffusée et visionnée à grande échelle sur Internet.

Après leur discussion, les avocats ont écrit une lettre ouverte au président de la Cour suprême du peuple, Wang Shenjun, pour lui demander d'enquêter sur l'incident. Cependant, Wang, lui-même, est un exemple du non respect de la primauté du droit.

Avant d'occuper son poste actuel, Wang était le secrétaire général du Comité Politique et Légal du Comité central du PCC. Il ne possède aucune expérience ni éducation en droit. Il n'a jamais été un procureur, un juge ou un avocat. Sa tâche consiste à s'assurer que la totalité du système judiciaire obéisse au PCC. Comment pourrait-il connaître quoi que ce soit au sujet de l'État de droit?

Fan Qihang a été torturé par des membres du «Groupe d'intervention spéciale», qui a été mis sur pied pour la campagne anti-criminalité à Chongqing. Selon les médias officiels, le groupe d'intervention est composé de la police armée, de membres de la Sécurité publique, de procureurs et même d'avocats.

Qui possède l'autorité de rassembler ces différents bureaux pour mener une campagne où la torture est pratiquée? Seuls le Comité du PCC de Chongqing et son Comité Politique et Légal en ont l'autorité. Mais la torture a été pratiquée par le Bureau de la Sécurité publique, qui fait partie de l'État et non du Parti.

Le Comité Politique et Légal, pour faire avancer les intérêts du PCC, a interféré avec le travail policier – le travail du Bureau de la Sécurité publique. En d'autres mots, la primauté du droit a été systématiquement violée par le Parti.

La force policière répond au ministère de la Sécurité publique, qui lui répond au Conseil d'État. Il est beaucoup plus facile pour le premier ministre, qui dirige le Conseil d'État de même que toutes les forces policières, de lancer une enquête et de punir quiconque a enfreint la loi que de mener des réformes politiques.

Si nous supposons que Wen était vraiment sincère lorsqu'il a parlé de réforme politique, nous devons aussi supposer que le Parti ne va pas le laisser entreprendre des changements significatifs. S'il ne peut pas faire respecter les lois existantes et les ordres administratifs qui sont dans son pouvoir, comment pourrions-nous nous attendre à ce qu'il fasse quoi que ce soit à propos de la réforme politique, qui est complètement hors de sa juridiction?

Il est très probable, alors que l'insatisfaction monte dans la société chinoise, que certains hauts dirigeants du Parti – comme Wen Jiabao – jugent que des réformes politiques sont nécessaires. Nous pouvons même nous attendre à ce qu’à l'avenir de vrais changements surviennent afin de garantir la survie du PCC.

C'est arrivé dans le passé et cela pourrait survenir à nouveau. Il y a un peu plus d'un siècle, lorsque les dirigeants de la dynastie Qing avaient le sentiment qu'une révolution approchait, ils ont entrepris des réformes politiques dans l'espoir de sauver la dynastie. Cela a été un échec. Même si Wen Jiabao souhaite vraiment faire la promotion des réformes politiques, les obstacles auxquels il fait face sont beaucoup plus importants que ce à quoi l'impératrice douairière Cixi s'était butée.

Version originale : The Mirage of Political Reform in China

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.