Des graines de beauté !

Écrit par Fréderique Privat, La Grande Époque
18.09.2010

  • tableau graine(攝影: / 大紀元)

Nichée dans la luxuriante verdure de Trois-Rivières, commune du sud Basse-Terre en Guadeloupe, l’habitation de Philipe Alexis, plus connu sous le nom de Pipo, nous révèle ses trésors naturels. D’abord ce magnifique jardin botanique dans lequel se retrouvent plusieurs exemplaires de ces fameux arbres à graines si recherchés aujourd’hui.

 

En effet, nombre d’entre elles ont acquis leurs lettres de noblesse à travers les bijoux, les tableaux et autres objets d’ornements qu’elles parent de leurs formes et de leurs couleurs. Mais c’est en entrant dans le musée puis dans l’atelier que l’on apprécie vraiment la valeur des graines d’ornement et surtout l’amour que porte l’homme à son travail et à la nature qui l’environne.

 

Nous avons donc souhaité en savoir plus sur l’artisan mais aussi sur le défenseur de l’environnement.

LGE: Pouvez-vous nous parler de votre parcours d’artisan ?

Pipo: Petit, je ramassais déjà des bouts de bois, de verre, mais aussi des graines. Puis j’ai fait comme tout le monde, j’ai été à l’école et j’ai travaillé en tant que dépanneur en électronique, chef magasinier, convoyeur… Ensuite j’ai décidé de retourner aux sources et j’ai tout arrêté pour me consacrer aux graines. Par la suite, j’ai eu l’idée de créer ce petit musée sur la graine, mon atelier, le livre¹, le jardin botanique. De plus, je pense que j’avais aussi l’amour des graines. Enfin, nous avons créé cette association de défense de l’environnement, Kananga. C’est un plaisir car c’est une passion que j’ai pu réaliser.

LGE: Pourquoi ce nom Kananga pour votre association ?

Pipo: J’aime déjà la tonalité du mot, sinon, c’est aussi le nom d’un village de Centre Afrique très pauvre mais très artisan : les gens font des choses avec leurs mains, c’est incroyable ! C’est aussi le nom vernaculaire de l’Ylang-ylang. J’ai donc décidé d’appeler mon association Kananga.

Ces graines sont récoltées en Guadeloupe, mais parmi elles, en avez-vous que vous préférez ?

Le jardin botanique me permet de récolter pas mal de graines. Mais mes graines fétiches sont surtout les Yeux de bœuf, les Oreilles à mulâtre, les Canistelle, le Toloman. 

Le Toloman était très important autrefois, car dans la Caraïbe, avec l’oignon situé à la base de la plante, on en faisait une farine pour épaissir le lait des bébés. 

J’aime bien travailler aussi les savonnettes, qui font maintenant un tabac sur internet sous le nom de « graines de lavage », les caconniers car c’est un peu le Yin et le Yang… Toutes les graines sont fétiches pour moi !!!

LGE: Alors, justement, pouvez-vous nous donner des anecdotes sur ces graines ?

Pipo: Donc, avec les savonnettes, on faisait du savon. Les caniques, c’était plutôt méchant car les enfants à l’école les frottaient au sol et les collaient sur la peau car elles brûlaient. Les graines de Job sont percées de part en part, elles ont été utilisées pour faire les premiers chapelets. Avec le sablier, on fait les pendentifs en forme de dauphins. Quant aux yeux de bœuf, même les anciens disaient qu’il suffisait de porter la graine pour guérir certains maux, comme les hémorroïdes : tous les « mambos » d’Afrique, les guérisseurs, portent l’œil de bœuf ou encore la graine bleue au cou.

  • artisant(攝影: / 大紀元)

Les graines bleues, car l’enveloppe est bleue, ou « larmes de Shiva », dans lesquelles Shiva aurait enfermé tous les secrets de la Terre. Les grands chapelets en Inde sont souvent fabriqués avec ces graines. L’arbre est dit « sacré » car très particulier : les feuilles deviennent rouge sang avant de disparaître, et donc sous l’arbre, on peut voir ce tapis rouge sur lequel sont posées les graines bleues : c’est magnifique !

Le mirobolan, c’est une graine noire qu’on utilisait pour mettre dans le porte-monnaie afin de préserver du manque d’argent. L’enveloppe jaune était utilisée pour l’arthrose, les rhumatismes. On l’utilise d’ailleurs avec le Bay-rhum² et les racines de bois-carré.

LGE: Pourquoi ce jardin botanique?

Pipo: Le jardin botanique a été créé pour faire connaître les arbres au public, car les gens connaissent les graines mais pas l’arbre qui les porte. C’est aussi pour les enfants qui viennent et ont un contact direct avec la nature. Et pour moi, c’est le moyen d’avoir de la matière première sous la main. Et puis, ce sont comme mes petits bébés, car je les ai plantés moi-même il y a 8 ou 10 ans !

LGE: Vous êtes un  précurseur en matière de travail de la graine, mais beaucoup s’y sont aussi mis récemment, qu’en est-il actuellement ?

Je suis assez mécontent car il y a beaucoup de copies, ils saccagent les sites, il y en a qui enjambent le grillage de chez moi pour voler. Par ailleurs beaucoup de personnes débarquent ainsi en Guadeloupe et ne respectent pas la nature, cette nature qui leur donne pourtant gratuitement une matière première. Il leur faudrait respecter davantage les habitants de l’île et cet environnement !

De la même manière, les commerçants ne respectent pas l’artiste et sa création : il faut bien qu’ils aient une marge mais c’est  parfois 100 à 150 % de plus que le prix de départ. Nous aussi, artisans, avons des enfants à nourrir, payons des impôts. Nous aussi subissons « la vie chère » ! 

Enfin, je souhaite créer une association de protection de la création artisanale en Guadeloupe, car ailleurs et en Métropole, ça ne se fait pas comme ça. Au début, les graines n’intéressaient personne car elles ne se mangeaient pas et ne rapportaient pas d’argent, mais maintenant, on ne trouve plus un endroit où on ne vend pas des colliers de graines !

¹ « Graines des Antilles » de  - éditions

² le Bay-rhum est un mélange de rhum, de plantes et d’épices odorantes, utilisé en usage externe pour des frictions et massage de la peau et des cheveux.