Le RSA et ses «secrets de fabrication»

Écrit par Charles Callewaert, La Grande Époque
08.09.2010
  • Martin Hirsch, actuellement président de l’Agence du service civique. Getty Images(攝影: / 大紀元)

 

Peu d’ouvrages racontent la façon dont se prennent les décisions politiques. Aussi, lorsqu’un homme de conviction et d’action comme Martin Hirsch, marqué à gauche mais ayant réussi à faire passer ses idées au sein d’un gouvernement de droite, nous expose les « secrets de fabrication (*) » qui ont présidé à la création du Revenu de Solidarité Active (RSA) puis à celle du Service Civique, on se laisse vite séduire et l’on n’est pas déçu.

L’entrée de Martin Hirsch au gouvernement en mai 2007 ressemble à un conte de fée tant elle paraît n’être qu’une succession de hasards. Il refusera par deux fois avant d’accepter l’offre « d’ouverture à gauche » de Nicolas Sarkozy, et s’apercevra à cette occasion que le président peut accepter les conditions émises par son interlocuteur. C’est ainsi que pour la première fois dans l’histoire de la cinquième république, on créera pour lui un poste de Haut Commissaire. Cette originalité le placera suffisamment hors du Gouvernement pour y garder sa liberté de parole tout en lui permettant de se concentrer sur son objectif : la création du RSA, ce nouvel  outil financier destiné à faciliter la réinsertion des chômeurs dans la vie active. 

A l’inverse de trop d’hommes politiques, qui sitôt nommés au Gouvernement ne songent qu’à se maintenir ou rechercher une promotion, Martin Hirsch se focalise sur sa mission afin de l’expérimenter au plus tôt. Il se constitue une petite équipe soudée, sollicite toutes les parties prenantes, se déplace sur le terrain, affine son projet en y intégrant les critiques justifiées, et incite à expérimenter localement les propositions retenues. Ainsi, les « secrets de fabrication » de Martin Hirsch peuvent se résumer à une force de conviction puisée dans l’expérience, alliée à une ténacité inébranlable et à une habileté politique peu commune. Le RSA a donc enfin pu voir le jour après dix-huit mois d’un intense lobbying dans le bon sens du terme. Sa mission terminée, Matin Hirsch quitte le Gouvernement, non sans avoir pris soin de donner pour la première fois un statut aux compagnons d’Emmaüs. Il prend alors la direction de l’Agence de Service Civique, afin de mettre en œuvre une autre idée qui lui est chère : permettre d’ici à 2014 à 75.000 jeunes désœuvrés d’effectuer un service civique rémunéré, afin de redonner un sens à leur vie.

L’homme fourmille d’idées nouvelles dans le domaine social, notamment pour réinsérer les sans-emploi et instaurer plus de justice sociale. Prenant acte du succès incertain des réformes, il plaide sans relâche pour le consensus social et un droit à l’expérimentation. Fustigeant les grosses rémunérations et remettant en cause les fausses bonnes raisons invoquées par leurs bénéficiaires, il dénonce l’abandon progressif de la solidarité. Plaidant pour un meilleur partage de la création de richesse, il propose une transparence des revenus, une limitation des hautes rémunérations à un pourcentage maximal de la masse salariale et leur indexation sur la réduction de la pauvreté. Il n’hésite pas à remettre en cause le mode de financement de la Sécurité Sociale pour proposer l’instauration d’un « bouclier sanitaire » à destination des plus modestes. Fidèle au principe de l’expérimentation et puisant sur les réussites obtenues par le prix Nobel Muhammad Yunus en Inde, il fait l’éloge du social business. Ses expériences trop peu connues en France avec Danone pour mettre le lait maternisé au même prix que le lait de vache, ou avec Essilor pour fournir des lunettes à verres progressifs aux seniors nécessiteux prouvent que cette idée n’est pas réservée aux pays sous-développés.

Pour Martin Hirsch, l’économie et le social sont indissolublement liés, mais il n’y a de cohésion sociale qu’à une condition : que la population ait le sentiment que les efforts, en particulier financiers, sont équitablement partagés du haut en bas de l’échelle sociale.

(*)Le RSA : Revenu de Solidarité Active

• Le RSA a été créé par la loi du 1er décembre 2008, et est entré en vigueur au 1er juin 2009.

• Il garantit un revenu minimum à ceux qui n’ont pas d’activité. Comme le RMI auquel il se substitue, le RSA complète les revenus des salariés modestes qui ont des charges de famille importantes en regard de leur salaire, et efface les pertes de revenus liées à la reprise d’activité.

• Une personne seule perçoit 450 euros par mois au titre du RSA lorsqu’elle n’a pas d’activité, 250 euros si elle travaille à mi-temps, et 60 euros lorsqu’elle est à plein temps au SMIC.

• Actuellement, plus de 1.700.000 personnes bénéficient du RSA en France, pour un objectif initial de 3,5 millions.

• Le coût total du RSA devrait avoisiner les 8,5 milliards d’euros.

• Le RSA est financé par un redéploiement des fonds précédemment consacrés aux minimums sociaux comme le RMI, et par une taxe de 1,1 % sur les revenus du capital, qui représente près de 1,5 milliard d’euros.