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Un petit coin du Bengale

Écrit par Nathalie Dieul
10.01.2011
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  • Un peintre traditionnel Santâlî avec ses rouleaux à histoires.(攝影: / 大紀元)

Dans l’Etat indien du Bengale, à deux heures de train de la grande ville de Calcutta, se trouve une région bien particulière. Au premier abord, lorsque l’on descend du train, rien de spécial dans les alentours de cette petite ville banale. Les paysages n’ont rien d’extraordinaire bien qu’ils soient agréables et boisés dès que l’on s’éloigne de l’agglomération principale. Ce qui distingue ce coin de pays d’un autre et le transforme en paradis, ce sont ses habitants et les rencontres que l’on peut faire dans les villages situés dans une périphérie d’une vingtaine de kilomètres autour de la localité principale.

On trouve dans ces villages une population hétéroclite : artistes, intellectuels, musiciens, paysans de tribu Santâlî, artisans… Ils partagent pourtant certaines valeurs ; tous aiment vivre en paix, loin des grandes villes, proches de la nature, et c’est probablement l’endroit du monde où l’on rencontre le sens artistique le plus élevé par habitant.

Ici, le moyen de transport par excellence est le vélo, sous toutes ses formes - bicyclette traditionnelle, rickshaw conduit par un vélo, tricycle tirant une plate-forme sur laquelle sont déposés écoliers ou matériaux. Sur les routes étroites, tout le monde pédale à un rythme shanti, shanti  (tranquille, en paix). On est quand même bien en Inde et quelques coups de klaxon perturbent parfois la sérénité des lieux.

Un peuple à découvrir

Une grande partie de la population de ces villages est Santâlî. Cette tribu compte six millions de personnes réparties dans plusieurs régions de l’Inde et des pays limitrophes. Ils ont une grande connexion avec la nature et leur vie quotidienne est imprégnée d’art. Même les balais qu’ils tressent en spirales sont de véritables œuvres d’art. Leurs villages sont magnifiques et d’une propreté irréprochable. Les maisons sont en argiles de plusieurs couleurs. Sur les façades sont suspendues des poteries rondes pour servir de nichoir aux oiseaux. Dans certains de ces villages, des fresques en trois dimensions ornent les murs extérieurs des habitations. Les Santâlîs sont pour la plupart paysans et artisans. Ils cultivent un riz délicieux et élèvent les animaux qui les alimentent et les aident dans les champs. Les femmes Santâlîs balaient la forêt et utilisent les feuilles mortes et les brindilles comme combustible pour la cuisson des repas.

Une fois sa journée de travail terminée, malgré la fatigue, Julita la Santâlî passe le reste de la soirée à faire des broderies d’une grande beauté. Vhim est un potier traditionnel dont l’art se transmet de père en fils. Il fait des tuiles sur un tour qu’il fait tournoyer à l’aide d’un bâton de bambou. Il les dispose de façon circulaire pour une cuisson lente, une fois recouvertes d’argile fraîche. Ensuite, il ne lui reste plus qu’à installer tuiles et autres décorations sur le toit qu’il doit couvrir. Une des pièces de sa maison-atelier est occupée par un peintre Santâlî dont la tradition l’emmène de village en village raconter des histoires en déroulant son rouleau imagé.

L’art rythme le bonheur quotidien

Lors du festival de Durga, on peut voir les Santâlîs exécuter leurs danses tribales, leur chevelure décorée de fougères. Les mouvements des femmes sont si coordonnés qu’ils pourraient faire partie d’un même corps. Elles dansent au rythme endiablé des percussionnistes, un pot de métal rond sur la tête. Les hommes offrent leurs prestations avec des plumes de paon à la main, ou encore des armes guerrières et des boucliers. Une troupe d’une trentaine d’entre eux vient chaque année d’un Etat indien voisin pour offrir ses services bénévolement à la Durga Puja1 dans la forêt.

Des intellectuels et des artistes ont élu domicile dans les alentours, parfois depuis plusieurs décennies. Ils ont fait le choix de fuir les grandes villes, en général Calcutta, pour vivre une vie plus simple et en harmonie avec la nature, au détriment de gros salaires et de la célébrité qu’ils auraient pu connaître dans une vie citadine. Ils vivent souvent de manière très modeste, parfois sans électricité. Aucun d’entre eux ne regrette son choix qui lui apporte un bonheur quotidien.

Bidyut est peintre et architecte, mais il aime mieux se définir lui-même comme un peintre qui aime faire de l’architecture. Ses maisons sont faites de matériaux naturels et empreintes d’une poésie unique. Il collecte les couleurs utilisées pour ses aquarelles dans la nature. Asis, lui, gagne sa vie en tant que fonctionnaire dans un bureau local, mais passe son temps libre à sculpter. Alok, quant à lui, délaisse son propre travail artistique pour aider d’autres artistes. Quand ceux-ci n’ont pas de petits contrats à lui offrir, il tisse un sac ou une écharpe et le vend pour avoir de quoi manger pendant quelques temps. Lipi est potière, elle a appris son art auprès d’un maître thaïlandais avant d’installer son atelier et sa galerie d’exposition dans le village Santâlî qu’elle habite.

Et le commerce devient fête

Chaque samedi après-midi, un événement prend place à la lisière de la forêt, à côté des rizières. Un marché d’artisanat qui enchante les sens a été mis en place par Lipi la potière. Le visiteur y est accueilli par les musiciens Bauls qui s’occupent de l’ambiance musicale. Chaque exposant offre sa production sur un tissu tendu par terre. Tout est fait à la main, principalement à base de bois, de tissu, d’argile… La majorité des artisans sont de tribu Santâlî. La créativité et les couleurs réjouissent le visiteur, pour la plupart des habitants de Calcutta venus passer la fin de semaine à la campagne. On peut y acheter un vêtement brodé à la main, un instrument de musique Baul, un peigne en bois, des bijoux faits de graines colorées, un kaléidoscope fabriqué par un adolescent pendant ses vacances ou encore un panier tressé à partir d’une herbe traditionnelle.

En plus de faire quelques achats, le flâneur peut manger un petit en-cas de momos (sorte de gros ravioli), bien qu’on trouve ceux-ci plutôt dans les Himalayas que dans cette région, ou boire une décoction de plantes locales. Une fois la nuit tombée, les artisans ramassent leur production invendue. Ils ont décidé l’interdiction d’utiliser toute lumière électrique. La seule exception admise est pour ce vieillard à la barbe blanche bouclée : il tend un tissu blanc entre deux arbres et y projette des ombres chinoises réalisées à l’aide de ses deux mains. Les animaux et les personnages prennent vie de manière surprenante. Il ne fait pas cela pour l’argent et refuse les dons des riches bengalis.

Les Bauls, en général vêtus de leur robe orange, sont des musiciens traditionnels bien particuliers à cette région. Baul signifie «dérangé de l’esprit», appellation dont sont fiers ces musiciens philosophes. Les paroles de leurs chansons sont tellement imagées qu’il n’est pas toujours facile d’en saisir la véritable signification, même quand on comprend la langue bengalie. Ils chantent de façon joyeuse et jouent souvent de plusieurs instruments à la fois, marquant le rythme avec des grelots qu’ils portent aux chevilles. Seuls ou par groupes de cinq ou six, ils égaient le marché à plusieurs endroits. Certains vendent un CD de leurs compositions, les autres disposent simplement un tissu devant eux pour recevoir quelques dons. On sent pourtant que ce qui prévaut, c’est le plaisir de la musique. Selon la tradition, les Bauls sont des musiciens errants, allant de village en village raconter leurs histoires chantées.

Le mois d’octobre est le mois le plus réjouissant au Bengale. Un festival dédié à la déesse Durga est le plus important de l’année dans cet État de l’Inde. Il est appelé Durga Puja. Les trains sont complets bien avant le début des festivités : pour un Bengali, c’est l’occasion de réjouissances comparables aux fêtes de fin d’années en Occident. On se visite les uns les autres, dans chaque maison on est accueilli avec des sweets, ces bouchées bien sucrées indiennes. Le festival en lui même dure cinq journées, mais il commence quelques jours avant parce qu’il faut inviter la déesse à venir sur terre. Les rituels hindouistes se succèdent. Il faut par exemple aller chercher de l’eau sacrée dans une rivière ou un étang, en suivant des règles ancestrales. En chemin, des jeunes filles dansent sur un rythme donné par des percussionnistes, en tenant des pots de terre diffusant une fumée épaisse. Avant de remplir les cruches d’eau, les officiants brahmanes utilisent près de 80 ingrédients pour célébrer le rite : poudres, graines, liquides colorés, bananes et noix de coco, etc.

 Pendant toute la durée du festival, les Bengalis se promènent pour aller voir la déesse Durga entourée d’autres déités dans les différents quartiers de la ville et dans les villages qui rivalisent pour réaliser les plus belles statues. Chacun porte des vêtements neufs. Ceux qui en ont les moyens étrennent un nouvel habit chaque jour, ou même deux fois par jour, pendant la Durga Puja. Le festival se termine par l’immersion de la déesse dans le même plan d’eau où l’on a puisé l’eau. Durga retourne dans son domaine et ne revient sur terre que l’année suivante.

Un paradis qui se mérite

Très peu d’étrangers se rendent dans cette région du Bengale. Ceux qu’on y rencontre sont pour la plupart mariés à des Bengalis, établis depuis de nombreuses années. Ils sont eux aussi artistes ou musiciens. Les autres sont étudiants en musique, apprennent un art ou une forme d’artisanat. La petite boutique de Subashish sert de façon officieuse de lieu de rassemblement et de bureau d’information touristique. Cet épicier bengali, toujours prêt à rendre service, a étudié le français à l’université et le parle très bien.

Dans un pays aussi immense que l’Inde, il n’est pas facile de trouver un paradis tel que ce petit coin du Bengale. Un étudiant en musique sud-américain a même passé deux mois juste à côté avant de le dénicher. C’est bien ce qui fait la valeur de la découverte d’un lieu pareil et surtout de ses habitants. Alors, si vous voulez trouver cet endroit, laissez-vous enchanter par le son d’une flûte jouée par un de ces hommes à la robe orange, dans un train, il vous y mènera peut-être…

Pour en savoir plus :

www.volontasia.blogspot.com

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