La guerre sans fin contre le trafic de drogue en Afghanistan

Écrit par Joshua Philipp, La Grande Époque
12.01.2011
  • Un soldat américain traverse un champ de cannabis(Stringer: MASSOUD HOSSAINI / 2010 AFP)

La frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan est un passage clé pour le trafic d'opium et autres produits de contrebande des talibans. Le récent voyage dans la région, de Janet Napolitano, secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, visait à sécuriser davantage cette zone.

Le 31 décembre, lors de son deuxième jour de visite, Napolitano s'est rendue à Torkham à la frontière pakistanaise. Les entretiens qu'elle a eus le lendemain avec le président afghan, Hamid Karzai, ont porté sur le renforcement de la sécurité aux frontières avec le Pakistan.

La frontière afghano-pakistanaise, aussi appelée la ligne Durand, s'étend sur 2639 kilomètres. Elle est bordée au sud par des déserts et au nord par des montagnes. La zone est «particulièrement préoccupante en termes de sécurité» à cause des rivalités qui opposent les différentes tribus de part et d'autre. Selon le National Bureau of Research (NBR), «le quart de la drogue produite en Afghanistan traverse sans aucune difficulté la frontière pour entrer au Pakistan».

L'an dernier, le ministère de la Sécurité intérieure a augmenté le nombre de ses opérations pour contrer les livraisons d'opium, de produits chimiques servant à la fabrication des explosifs, et d'autres produits illégaux aux frontières afghanes.

Le ministère de la Sécurité intérieure essaie de mettre en place un système de douane et de sécurité renforcé à la frontière afghane. «Construire et maintenir un système de contrôle étanche à la frontière est capital pour la stabilité et la sécurité en Afghanistan», déclare Napolitano dans un communiqué de presse.

D'après le communiqué de presse, le 31 décembre, six officiers ont accompagné Napolitano à Torkham. Ils ont rejoint plus d'une dizaine d'agents américains des douanes et de l'immigration pour former le personnel du gouvernement afghan sur la manière de renforcer la sécurité aux frontières. Le communiqué de presse ajoute que des agents supplémentaires viendront compléter l'effectif dans les mois à venir.

Si les obstacles pour combattre le trafic de drogue à la frontière afghano-pakistanaise sont nombreux, la corruption reste l'obstacle principal.

Le gouvernement pakistanais a de son côté «montré une capacité grandissante dans la gestion des problèmes de sécurité transfrontaliers et dans la protection des corridors d'approvisionnement». Cependant, il y a «des difficultés dans la coopération entre les militaires et les forces de sécurité au sujet de la protection des convois».

Malgré cette lacune en matière de sécurité à la frontière, le Pakistan fait beaucoup mieux que l'Afghanistan. Alors que le Pakistan «a mis en place de nombreux postes frontaliers, dans le processus capturant et neutralisant un nombre important de militants d'Al-Qaïda et de talibans, et interceptant une grande quantité de stupéfiants», l'armée et la police afghane «se montrent toujours incapables de faire la même chose à leur frontière», selon un rapport du Royal United Services Institute (RUSI).

Trafic illicite

La frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan est une zone sensible. «Diverses tensions régionales et de graves problèmes, dont certains datent de plusieurs décennies, convergent sur la frontière afghano-pakistanaise», stipule le rapport du NBR.

Le rapport poursuit : «Une kyrielle d'acteurs sont fortement impliqués dans la production d’opium à partir du pavot afghan, parmi lesquels les talibans, tous les paliers du gouvernement afghan, la police, les marchandeurs politiques officieux ainsi que les élites tribales.»

La région est une zone cruciale pour le «narco-jihad», surnom donné à l'utilisation du trafic de drogue par des groupes terroristes comme source de financement et comme moyen pour affaiblir les gouvernements.

D’après le rapport du NBR, le narco-jihad «augmente les risques de prolongation de l'insurrection tout en renforçant les principaux acteurs du système de narco-commerce», qui à leur tour «s'assurent que le gouvernement central afghan demeure faible».

L'Afghanistan fournit 90 % de l'opium mondial, dont une grande partie traverse la frontière pakistanaise en contrebande. Le rapport révèle que l'Afghanistan est aussi le deuxième producteur mondial de résine de cannabis, et d’autres types de contrebandes incluent le bois coupé illégalement, le trafic d’antiquités et la contrefaçon de cigarettes.

Le trafic de drogue joue un rôle important pour contrecarrer les efforts visant à éradiquer la corruption au sein du gouvernement. Cela perturbe aussi la formation des militaires et policiers afghans dans la mesure où la consommation de drogue est très répandue dans les forces de sécurité du pays.

Selon un rapport du service de l'inspecteur général spécial pour la Reconstruction en Afghanistan, daté du 29 juin 2010, «la consommation de drogue est toujours un problème dans l'armée et la police afghane».

«Les contrôles antidrogues effectués en février 2010 parmi la police afghane se sont révélés positifs pour 17 % des agents testés», indique le rapport, ajoutant que dans un cas extrême, une unité d'une centaine de policiers afghans consommait ouvertement la marijuana et elle «refusait de mener des opérations et de quitter son enceinte».

Version originale : US Faces Uphill Battle in Stopping Afghan Drug Trade