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Médiation et frustration en Côte d'Ivoire

Écrit par IRIN News
17.01.2011
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  • Des casques bleus de l'ONU patrouillent dans les rues d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. (Stringer: SIA KAMBOU / 2011 AFP)

DAKAR – La crise ivoirienne, déclenchée en novembre par une élection présidentielle contestée, continue à défier les efforts de médiation locale et internationale. Les annonces contradictoires et les rumeurs de percées diplomatiques, qui semblent davantage fondées sur des conjectures que sur la réalité, ne servent qu’à rendre la situation plus confuse.

«Nous avons vu passer tant de communiqués et de résolutions que nous ne les lisons même plus», a dit à IRIN un activiste de la société civile ivoirienne d’Abidjan. «On n’a toujours pas la moindre impression d’une action concrète.»

Deux hommes, Laurent Gbagbo and Alassane Ouattara, revendiquent la présidence, et M. Gbagbo refuse de céder à la pression internationale et de se retirer. Après plus de 50 jours d’impasse, les critiques des Ivoiriens vis-à-vis de la médiation s’amplifient au fur et à mesure que leurs problèmes s’aggravent.

L’optimisme de courte durée soulevé par la dernière mission de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le 3 janvier s’est dissipé.

La «proposition» de M. Gbagbo de lever le blocus de l’hôtel servant de siège à son rival était assortie de conditions inacceptables pour M. Ouattara et les espoirs de rencontre entre les deux hommes se sont avérés irréalistes. M. Ouattara a depuis parlé d’une «action commando» comme étant la meilleure façon de forcer M. Gbagbo à lâcher le pouvoir, disant aux journalistes : «Il y a des opérations spéciales non violentes qui permettent tout simplement de prendre la personne indésirable et de l'emmener ailleurs.»

Les médiateurs de la CEDEAO se sont retrouvés avec la perspective d’une autre rencontre alors que leurs homologues militaires envisagent toujours l’option d’une intervention armée, qui devait être discutée à la réunion de Bamako, au Mali, les 17 et 18 janvier.

Dans les capitales ouest-africaines comme aux États-Unis et en Europe, la force militaire continue à être considérée comme un dernier recours. Le président du Ghana, John Atta Mills, est allé plus loin en déclarant : «Personnellement je ne crois pas que l’option militaire puisse résoudre le problème de la Côte d’Ivoire.»

«Même la bouche et la langue se querellent, comme le mari et la femme», a dit aux journalistes le président de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, après avoir étudié le compte rendu de la délégation UA-CEDEAO. Mais les résultats de la diplomatie régionale sont jusqu’ici restés très modestes.

La décision du ministère des Finances américain de mettre fin aux opérations financières de M. Gbagbo aux États-Unis, ainsi que le refus du Royaume-Uni et du Canada de retirer leur ambassadeur comme il a été exigé, suggère que l’administration de Barack Obama et d’autres sont peut-être prêts à adopter une stratégie plus musclée.

La Cour pénale internationale

Au cours d’entretiens récents, M. Ouattara a prévenu que sa patience et celle de ses partisans s’amenuisaient et a suggéré qu’il serait bon que la Cour pénale internationale (CPI) envoie rapidement une équipe d’enquêteurs, affirmant que «Gbagbo a du sang sur les mains». La CPI a fait clairement comprendre qu’elle suivait avec intérêt la situation en Côte d’Ivoire, mais n’a pas encore confirmé l’envoi d’une mission.

À Abidjan, la capitale commerciale, les citoyens ordinaires n’hésitent pas à exprimer leur frustration et leur inquiétude.

Tidjane Touré, 34 ans, étudiant à l’Université Cocody d’Abidjan, dit qu’il n’est pas retourné sur le campus depuis qu’il a pris part à une manifestation de l’opposition le 16 décembre.

«Tout le monde sait que j’étais à la manifestation. Aujourd’hui, un parti politique arme ses partisans pour se battre contre l’autre, alors il faut faire attention à ce qu’on dit. Les policiers qui enlèvent les gens chez eux la nuit ne connaissent pas leurs victimes. C’est quelqu’un de proche de toi et qui connaît tes opinions qui les amène chez toi. La peur est partout, même vis-à-vis des gens que nous avons connus toute notre vie.»

Un homme de 41 ans, qui avait fui son village à l’ouest pour se réfugier à Abidjan durant le conflit de 2002, avait espéré pouvoir revenir, mais plus maintenant :

«Mon rêve était de rentrer après les élections. Mais à quoi bon? Tant que la paix ne sera pas installée à Abidjan, il n’y aura pas d’unité possible dans ce pays. Cette attente de huit ans nous a rendus amers, et les six dernières semaines ont réduit en cendres tout l’espoir de ces huit ans; il n’en reste rien. Les politiciens n’en ont rien à faire de nous, et tout ce que nous voulons, c’est la paix.»

Un journaliste d’Abidjan de 38 ans dit que de nos jours, la discrétion est cruciale pour survivre :

«Il n’est pas prudent aujourd’hui d’exprimer ses opinions en public. Nous avons vu que Gbagbo s’en moque s’il doit mettre le pays à feu et à sang afin de rester au pouvoir. Nous y voyons clair désormais : les politiciens sont comme ça, mais nous voulions au moins donner une chance à un autre. Mais Ouattara est lui aussi sans pouvoir. Il n’a pas encore inspiré les gens parce que nous avons vu combien son adversaire est sans scrupules, mais quand l’impasse commencera à nous étrangler, peut-être que nous n’aurons pas d’autre choix que de descendre dans la rue.»

Dans le reste du pays, les gens expriment la même frustration et la même inquiétude. Un producteur de cacao de Daloa, à 400 km au nord-ouest d’Abidjan :

«Cela fait trois jours que je suis obligé de dormir dehors, à côté de cet entrepôt de cacao. Nous avons vendu nos fèves avant les élections, et [l’acheteur] avait promis que nous recevrions l’argent après les élections parce qu’alors ce serait la paix. Et maintenant, je me retrouve à dormir comme une personne sans domicile à côté de cet entrepôt, juste pour avoir suffisamment d’argent pour manger. C’est désespérant. Les élections ont encore fait empirer les choses.»

Source : IRIN News

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