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Venezuela: Chavez disposé à abandonner ses pouvoirs spéciaux en mai

Écrit par Latin Reporters
25.01.2011
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  • Le président du Venezuela, Hugo Chavez(Staff: JUAN BARRETO / 2011 AFP)

CARACAS – «Il s'est comporté comme l'anti-Chavez» et les députés de son propre parti «furent les premiers surpris», affirmait le 17 janvier l'éditorial du quotidien d'opposition El Nacional. Deux jours plus tôt, à l'Assemblée nationale, le président du Venezuela, Hugo Chavez, s'était montré soudainement conciliant envers ses opposants, offrant même de n'exercer que pendant quatre mois au lieu de 18 ses nouveaux et polémiques pouvoirs spéciaux.

Absente pendant cinq ans de l'hémicycle parlementaire pour avoir boudé les législatives de 2005, l'opposition y siège à nouveau depuis l'ouverture, le 5 janvier, de la nouvelle législature consécutive aux élections du 26 septembre 2010. Le 15 janvier, les revenants et Hugo Chavez, venu présenter son bilan annuel, étaient pour la première fois face à face. Au-delà de poignées de main avec ceux qu'il qualifiait encore fin décembre de «troglodytes» à la solde des Yankees, le chef de l'État a lancé du haut de la tribune un appel inattendu à la conciliation.

Qualifiant de circonstance «merveilleuse» le retour de l'opposition à l'Assemblée nationale, Hugo Chavez déclarait avec emphase : «Cessons de nous voir comme des ennemis, nous ne sommes pas ici pour nous exterminer. Vous êtes des adversaires politiques, mais non des ennemis.» Et d'exhorter tant les élus de son Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) que les députés de l'opposition à «semer ici, comme les agriculteurs, la semence du dialogue, du débat relevé, de la concorde nationale.»

Puis, abordant la polémique sur ses pouvoirs spéciaux octroyés en décembre par le Parlement sortant pour une période de 18 mois, jusqu'en juin 2012, le président Chavez augmentait l'effet de surprise en se disant disposé à les abandonner dans quatre mois, le 1er mai prochain. «Nous pourrions alors en avoir terminé, en accélérant les lois que nous sommes en train de faire [...] Je vous les remets sans problème [les pouvoirs spéciaux]. Je vais travailler plus dur et plus rapidement», expliquait-il.

Les pouvoirs spéciaux

C'est en invoquant des inondations catastrophiques qui ont fait une quarantaine de morts et quelque 130 000 sinistrés que le président vénézuélien s'était fait octroyer à la mi-décembre la faculté de légiférer par décrets pendant 18 mois. Si la loi du 17 décembre établissant ces pouvoirs spéciaux vise effectivement à tenter de parer efficacement aux conséquences de calamités naturelles, elle donne aussi et surtout carte blanche au chef de l'État dans des matières aussi générales et diverses que l'utilisation de la terre, l'aménagement du territoire, les télécommunications, la technologie de l'information, le logement, la fiscalité, le système financier public et privé, la banque, les assurances, la sécurité publique, la défense nationale, la coopération internationale, l'intégration latino-américaine, les traités internationaux et, point sur lequel insistait beaucoup Hugo Chavez, «le système économique de la nation».

L'opposition considéra d'emblée qu'il s'agissait d'une manœuvre dictatoriale pour approfondir un socialisme radical, d'autant que ces pouvoirs exceptionnels de longue durée étaient octroyés par l'Assemblée nationale sortante, quasi monopolisée par le PSUV présidentiel, moins de trois semaines avant l'installation de l'actuelle Assemblée. Au sein de cette dernière, le PSUV, quoique majoritaire, a perdu les majorités qualifiées des deux tiers et même des trois cinquièmes permettant d'autoriser le chef de l'État à gouverner par décrets. Parmi les 165 députés, 98 appartiennent aujourd'hui au PSUV chaviste. Les mouvements d'opposition en comptent 67, mais ils se prévalent de représenter près de 52 % des électeurs.

Hugo Chavez s'était donc empressé d'obtenir de l'Assemblée nationale sortante des pouvoirs exceptionnels que l'Assemblée entrante ne pourrait plus lui conférer. «La prétention du président de ravir à la nouvelle Assemblée la fonction législative est un coup porté à la démocratie [...] un coup contre l'État à partir de l'État», déclarait en décembre à la presse Maria Corina Machado au nom des 65 élus de partis d'opposition fédérés au sein de la MUD (Mesa de la Unidad Democratica - Table de l'unité démocratique).

Aussi la courtoise poignée de mains offerte le 15 janvier au Parlement par Hugo Chavez à la même Maria Corina Machado, députée qui obtint le record national de voix (235 259) aux législatives de septembre, fut particulièrement remarquée. Le nom de cette ingénieure industrielle de 43 ans apparaît dans certaines listes de candidats potentiels de l'opposition à l'élection présidentielle de décembre 2012.

Réactions au virage apparent ou réel du président Chavez

L'offre d'Hugo Chavez de limiter la durée de ses pouvoirs spéciaux a été saluée positivement par l'opposition, quoiqu'elle réclame aussi une limitation des secteurs dans lesquels le président a été autorisé «abusivement» à légiférer par décret sans contrôle parlementaire.

Maria Corina Machado va jusqu'à demander au président Chavez «de donner la preuve de sa bonne foi en donnant [à l'Assemblée nationale] l'instruction d'abroger immédiatement» les pouvoirs spéciaux. Selon cette députée, ils sont inutiles dans la mesure où l'opposition appuierait toutes les initiatives visant à soulager les sinistrés des inondations.

Pour sa part et sans surprise, la presse d'opposition affiche son scepticisme sur les intentions réelles du leader bolivarien. «Le climat cordial a jeté un voile opaque sur tout le reste», estime l'éditorialiste d'El Nacional. Selon lui, le chef de l'État aurait éludé les véritables problèmes du pays dans son bilan annuel distillé pendant près de huit heures à la tribune de l'Assemblée nationale.

«Je ne crois pas à un quelconque virage du modèle» politique du président Chavez affirme, interviewé par le quotidien El Universal, l'analyste Luis Vicente Léon, directeur de la société de sondages Datanalisis. À l'en croire, Hugo Chavez viserait essentiellement une audience extérieure avec une apparence d'ouverture qui ne durera pas. Le président, précise Luis Vicente Léon, aurait besoin de recomposer l'image «de grand leader alternatif international» qu'il prétend incarner. Cette image serait flétrie par un autoritarisme excessif, renforcé par les 18 mois d'autocratie que le président vénézuélien propose désormais d'écourter.

De bon ton, avant le sommet de la CELAC à Caracas

Dans ce contexte, des observateurs rappellent que le 5 juillet prochain à Caracas, Hugo Chavez s'efforcera de donner corps, devant les dirigeants de 33 pays (tous ceux des Amériques à l'exception des États-Unis et du Canada), à la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC), annoncée sans être concrétisée en février 2010 à Cancun (Mexique).

Un abandon effectif de ses pouvoirs spéciaux le 1er mai, selon l'intention qu'il vient d'exprimer, éviterait au président Chavez le malaise et les critiques qui planeraient sur un sommet de la CELAC réuni sous un pouvoir autocratique. En qualifiant d'inacceptable et de contraire à l'esprit démocratique l'octroi à Hugo Chavez, par un Parlement sortant, de pouvoirs exceptionnels réduisant au silence les élus de la nouvelle législature, le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), le socialiste chilien José Miguel Insulza, a sans doute fait réfléchir Caracas. Et cela malgré les noms d'oiseaux dont Chavez et son gouvernement ont aussitôt affublé l'ex-ministre chilien.

À noter aussi que, début janvier, Hugo Chavez abrogeait la nouvelle Loi de l'éducation universitaire, très critiquée par les étudiants, et une hausse annoncée de la TVA. Quelques jours plus tôt en Bolivie, la colère sociale ponctuée de manifestations violentes dans l'ensemble du pays avait fait reculer l'un des principaux alliés régionaux d'Hugo Chavez, le président amérindien Evo Morales, l'obligeant à annuler une hausse spectaculaire du prix des carburants. À la Paz, les manifestants brûlèrent un drapeau vénézuélien et insultèrent le président Chavez.

Cet épisode a peut-être aussi incité le «grand leader alternatif international», dont parlait Luis Vicente Léon, à une prudence au moins temporaire pour mieux garantir un futur ambitieux. Car si Hugo Chavez a souhaité, à la tribune de l'Assemblée nationale, qu'une femme lui succède un jour à la présidence, il a précisé que cela ne se produira pas avant «au moins deux ou trois» autres mandats de six ans. Cela pourrait nous mener en janvier 2031. Chavez aurait alors 76 ans, dont 32 vécus au palais présidentiel.

Source : Latin Reporters

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