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Perception de l’enfance et de l’adolescence au cinéma

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
26.01.2011
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  • HARRY BROWN (2011) DE DANIEL BARBER AVEC MICHAEL CAINE, EST UN FILM EXEMPLAIRE POUR REFLECHIR SUR L’ADOLESCENCE, LE DEVENIR DE LA VIE DE L’HOMME ET L’INFLUENCE DES BANDES(攝影: / 大紀元)

François Truffaut et sa Nouvelle Vague

L’enfance et l’adolescence sont des thèmes majeurs du septième art. Ils sont symptomatiques du fonctionnement des sociétés. Ils révèlent souvent les dysfonctionnements des différentes organisations nationales. Dans la filmographie mondiale, le nombre de films consacrés à l’enfance ou l’adolescence est considérable, sans compter les dessins animés ou les œuvres d’animations qui ont une manière toute particulière d’expliciter l’action pour être comprise du jeune public. Les films sont les reflets de notre vie et du fonctionnement des différents éléments qui la constituent.

L’enfance dans les années cinquante

Le film Les quatre cents coups de François Truffaut (1959) est une biographie du cinéaste. Enfant, avec son ami Robert Lachenay, il fait l’école buissonnière, tente de bousculer tout ce qui l’irrite et se venge sur une machine à écrire qu’il dérobe. L’instituteur, personnage emblématique des années cinquante, se détache du film. Le cinéaste promène sa caméra dans les rues, révèle les habitudes des enfants et des adultes. Le noir et blanc met en relief l’éclairage de la ville comme s’il s’agissait d’un film noir des années quarante. Le film obtiendra le prix de la mise en scène à Cannes et le prix du meilleur film étranger attribué par la critique new-yorkaise.

De l’adolescence à la vie d’homme chez François Truffaut

François Truffaut est un cinéaste exemplaire dans l’approche du temps au cinéma. Il continuera cette sorte de saga familiale avec le film Baisers volés (1968), interprété par Claude Jade et Jean-Pierre Léaud. Les deux acteurs joueront aussi dans les films suivants de la série, Domicile conjugal (1970) et L’Amour en fuite (1979). Ce dernier film synthétisera tous les épisodes de cette histoire de famille proche de la vie de l’artiste.

Dans Les Quatre cents coups, François Truffaut fait participer beaucoup de seconds rôles qu’il choisit parmi ses amis et personnes qu’il admire: Philippe de Broca, réalisateur de Cartouche (1962), Le Magnifique (1973), Jacques Demy réalisateur d’impressionnantes œuvres de qualité dont Lola (1964) qui marquera sa collaboration avec Michel Legrand pour la musique, Les Parapluies de Cherbourg (1964), Palme d’or au festival de Cannes en 1964. Les amis de François Truffaut sont nombreux car il a été le chef de file de la «Nouvelle Vague» avec Jean-Luc Godard (À bout souffle, 1959).

Jacques Demy, de l’enfance à la vie d’homme et d’artiste

Jacques Demy a traversé la vie, et surtout son enfance et son adolescence, en se formant, soulignant le pont indispensable entre ces deux états pour gravir les marches vers l’art suprême. Né en 1931, Jacques Demy manipule des marionnettes pendant son enfance. Par la suite, il dessine sur la pellicule des dessins qu’il a animés avec son projecteur. Il a aussi collaboré avec Paul Grimault, réalisateur de dessins animés dont Le Roi et l’oiseau (1980), d’après La Bergère et le ramoneur de Hans Andersen sur des textes de Jacques Prévert.

Agnès Varda réalise le film Jacquot de Nantes (1990) très peu de temps après la disparition de Jacques Demy le 27 octobre 1990. Elle montre son compagnon de route comme un homme passionné dès son enfance. Persistant dans sa vocation de cinéaste malgré les réticences de ses parents garagistes qui lui font passer un CAP de mécanicien, Demy se sert d’une petite caméra qu’il achète à l’âge de 13 ans en 1944. Deux ans plus tard, il en achètera une autre plus perfectionnée et se rendra à Paris pour prendre des cours de photographie à l’école rue Vaugirard, grâce au soutien du cinéaste Christian-Jaque, réalisateur du film Les Disparus de Saint-Agil (1938), d’après le roman de Pierre Véry, avec Eric Von Stroheim et Michel Simon.

Patrick Dewaere, Christine Pascal, Claude Piéplu et les autres...

D’autres artistes ont œuvré à décrire l’univers souvent exhibitionniste et mystérieux de l’enfance et de l’adolescence, où la souffrance alterne avec des manifestations de joie, en s’éloignant des modèles pour parfois y revenir comme dans le cas de La petite voleuse de Claude Miller (1988) avec Charlotte Gainsbourg. Janine, âgée de 16 ans, vit avec son oncle et sa tante dans la France profonde. Elle vole tout ce qui lui tombe sous la main, avec une préférence pour les lingeries et les cigarettes américaines. Claude Miller n’est pas étranger au monde de l’enfance et de l’adolescence dans son film La Meilleure façon de marcher (1976). Avec Patrick Dewaere, Christine Pascal, Claude Piéplu et Patrick Bouchitey, il documente le spectateur sur une période non encore révolue où le sérieux s’allie avec la blague parfois un peu lourde. Ce film rappelle l’organisation parfois chaotique dans laquelle baignaient les enfants complètement désorientés. Il préfigurait le service militaire que ces enfants allaient bientôt faire sur un modèle un peu plus violent et montre que l’adolescence n’est pas finie pour les moniteurs qui guident et encadrent les enfants: ils se taquinent, se moquent entre eux notamment d’un moniteur, surpris habillé en femme dans sa chambre. Il sera l’objet de railleries incessantes de la part de ses collègues.

Dans cette atmosphère insupportable où règne cependant la vie joyeuse des enfants, Claude Piéplu, à l’humour classique, apportera un peu de fraîcheur. Christine Pascal y ajoutera cette féminité dévoyée par la vulgarité en temps ordinaire. Le film La Petite voleuse est tiré d’un scénario de François Truffaut disparu trop rapidement en octobre 1984. Ce scénario sera revu par Luc Béraud, Claude Miller et Claude de Givray. Ces deux films illustrent une certaine évolution des mœurs: la jeune femme Janine dans les années cinquante se rebelle contre l’ordre établi, décrété par les hommes. Elle veut aussi exprimer son indépendance en volant.

Truquer l’enfance et l’adolescence à l’aide d’effets spéciaux

Les Américains, moins documentaristes que les Européens, inscrivent le scénario dans une suite d’effets spéciaux que seuls les lecteurs les plus imaginatifs peuvent s’offrir et où le monde des apparences prime sur celui des sentiments.

Dans Harry Potter et les reliques de la mort (2010), l’enfance et l’adolescence se confondent dans un mélange des genres et les personnages sont habillés de tenues déconcertantes. Harry Potter, enfant, a disparu définitivement car l’acteur est maintenant adolescent. L’enfant magicien, quant à lui, est devenu plus mobile, plus raisonnable dans un univers où le mal et la haine prennent le pas sur la sagesse. Toujours dans le registre de la magie et des fictions fantaisistes, Hollywood renouvelle son stock de super héros. Des Français débarquent avec leur savoir-faire. Mecque du cinéma de spectacle pur, Michel Gondry, passionné par les super héros, se lance dans l’aventure de The Green Hornet (2011), où le personnage ressemble étrangement à Batman. Une dose importante de Superman et de ses super pouvoirs rend les enfants joyeux. Le personnage ressemble beaucoup à Superman dans ses thèmes: le Daly planet devient le Daly Sentinet. Cela permet au film et au réalisateur d’obtenir des dérogations pour conter, narrer ou montrer.

Les personnages sont médiocres mais heureusement, ils possèdent quelques moyens et beaucoup de chance. C’est fantaisiste, léger, les enfants peuvent en rire et les adolescents aimeraient y croire. Mais le manque de sérieux ne risque pas d’atteindre l’équilibre des enfants, sans cesse menacé par la vision d’images de fausse réalité, comme dans Le Dernier des templiers de Dominic Sena (2011), basé sur une histoire invraisemblable située dans l’univers des templiers.

Ridley Scott est un réalisateur anglais de films bien construits. Dans ses films, les thèmes se répondent et semblent amener une réflexion sur la société. Dans King-dom of Heaven (2004), Ridley Scott fait réfléchir sur l’histoire en mettant en scène des personnages ayant existé. Il les fait parler et donne aux adolescents et enfants une vision de l’histoire où les idées choisies avec soin permettent de faire comprendre la société dans laquelle nous vivons. La mémoire de l’enfance permet à l’individu d’asseoir psychologiquement son équilibre.

La violence et le crime, la fascination des adolescents pour les bandes

La chance de ma vie (2011) est une astucieuse comédie réalisée par Nicolas Cuche qui met en scène les états de l’homme: l’enfance, l’adolescence, la vie d’adulte et l’approche de la mort. Cette comédie ouvre sur une réflexion sur nos origines: la base de construction psychanalytique de l’homme et de la femme. Nicolas Cuche part de l’idée qu’un être humain peut être malchanceux et qu’il peut répandre cette malchance parmi son entourage. Mais le principal ennemi serait en nous car nous serions trop attentifs à nos déceptions. Faut-il chercher dans l’enfance pour comprendre où la construction s’est détériorée ou a été mal assurée?

Harry Brown (2011) de Daniel Barber avec Michael Caine, est un film exemplaire pour réfléchir sur l’adolescence, le devenir de la vie de l’homme et l’influence des bandes qui remplacent désavantageusement la famille. Brown est un ancien marine décoré pour bons et loyaux services. Il est confronté à une violence urbaine qu’il veut ignorer. Il s’occupe de sa femme malade et joue aux échecs avec son ami Léonard qui sera assassiné. Sa femme meurt. Il est confronté à la violence, il sait que la police est impuissante face à des lois qui semblent protéger les voyous au détriment des victimes. Il va retrouver ses anciens réflexes de marine, remarquant l’inactivité des institutions face aux voyous coupables de crime. Une mise en scène brillante, une foison d’images à caractère documentariste. Le jeu de Michael Caine ajoute à la réussite totale de cette œuvre qui pose ouvertement le problème des dangers que peut rencontrer l’adolescent face au déchaînement de la violence s’il ne bénéficie pas rapidement de protection.

Le silence dans l’enfance et l’adolescence

Padre Padrone, le livre éponyme de Gavino Ledda, n’était pas encore paru lorsque les frères Taviani, Vittorio et Paolo, prirent la décision d’extraire un film de cette belle histoire d’un berger analphabète qui avait appris à lire et à compter au service militaire. Après des études, il obtient un diplôme qui lui permet d’enseigner la linguistique. Jusqu’alors, il était resté seul dans le silence pendant de nombreuses années. Il se sert de la communication comme d’un instrument pour mettre un terme à ce mur de silence qui a entouré toute son enfance et son adolescence. Le film Padre Padrone (1977) obtient à la grande surprise du public une Palme d’Or la même année au festival de Cannes, alors présidé par Roberto Rossellini. Le soutien inconditionnel de ce dernier fut à ce moment-là critiqué par l’institution cannoise, soucieuse de mettre en avant les grands films hollywoodiens et de s’assurer ainsi une notoriété jamais démentie. Roberto Rossellini eut beaucoup de mal à se remettre de toutes les calomnies qui circulaient sur la croisette au détriment de l’art. Cannes et ses attachés de presse voulaient, pour bénéficier de la presse, une machine de guerre et non pas un film d’art et d’espoir.

Les films sur les jeunes années ont permis à des régimes d’endormir les militants politiques potentiels. L’Enfance d’Ivan (1962), de Tarkovski, filme un enfant, le regard perdu dans l’eau d’un puits, livré à toutes sortes de rêves – voire anti-révolutionnaires. La poésie semble détourner ce film de propagande soviétique. Les censeurs avaient oublié que les créateurs font finalement la loi dans leur œuvre lorsqu’ils restent maîtres de leur instrument.

L’enfance et l’adolescence sont des thèmes riches et inépuisables. Plusieurs ouvrages n’y suffiraient pas. Mais après avoir balayé le sujet à l’aide de divers films, on peut se demander ce qui peut encore échapper aujourd’hui au cinéma.

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