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Le Soudan est résigné à la séparation mais souhaite la paix

Écrit par Kremena Krumova, La Grande Époque
09.01.2011
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  • Salva Kiir Mayardit, président par intérim du gouvernement du Sud-Soudan, dépose son bulletin de vote à(Staff: Spencer Platt / 2011 Getty Images)

Avant la divulgation des résultats du référendum sur la sécession du Sud-Soudan, dont le vote a débuté le 9 janvier et se terminera le 15, le plus grand pays d'Afrique est déjà résigné à être séparé en deux États souverains.

Le Soudan a traversé 22 ans de guerre civile causée par des différends culturels, religieux, sociaux, etc. En 2005, un accord de paix a été conclu entre les deux principales formations politiques : celle du Nord, le Parti du congrès national, et celle du Sud, le Mouvement populaire de libération du Soudan. Le référendum ayant cours actuellement constitue la dernière étape pour remplir les exigences de l'accord de 2005. Au Sud-Soudan, 3,9 millions d'électeurs sont enregistrés et environ 200 000 personnes votent du Nord ou viennent de l'étranger.

«L'objectif du référendum et de la sécession vise exactement à mettre fin aux conflits. Du 9 au 15 janvier, la population va décider une fois pour toute si elle veut son propre pays, quel genre de gouvernement elle désire et, en faisant cela, elle va mettre fin à la source de tous les conflits», affirme Francis G. Nazario, chef du bureau de liaison du gouvernement du Sud-Soudan à Bruxelles.

Selon M. Nazario, le Sud-Soudan souhaite l'indépendance depuis la création du pays en 1956, car les habitants du Sud se sont toujours sentis exclus par le Nord.

«Depuis le début, l'État soudanais a été défini comme étant arabe et islamique, ce qui a exclu la population qui est ni arabe ni islamique.»

La population du Sud est considérée plus africaine, alors que la majorité possède des croyances animistes ou chrétiennes.

Nazario estime que l'exclusion continuelle a provoqué des tensions incessantes, qui ont d’abord débuté au sud et se sont répandues vers le nord.

«Toutes ces guerres indiquaient en fait que l'État qui a créé le Soudan a échoué. Un État qui exclut une partie de la population ne peut conserver son intégrité.»

Tandis que la séparation sera perçue comme une nouvelle liberté pour le Sud, rien ne garantit que les conflits vont disparaître.

«Malheureusement, la sécession ne signifiera pas la fin des luttes. La guerre au Darfour se poursuit et, au Sud-Soudan, il y a encore beaucoup de tension entre différentes communautés. Donc, nous allons encore assister à l'éruption de conflits au Sud-Soudan», estime Nico Plooijer, directeur du programme Afrique avec IKV Pax Christi, une organisation militant pour la paix, située en Hollande.

M. Plooijer, qui suit de près les évènements au Soudan depuis plusieurs années, affirme que la plus grande menace de conflit sera le long de la frontière entre le nord et le sud qui, lui, est riche en pétrole, particulièrement à Abyei, Kordofan et au Darfour.

«Il y aura de petits accrochages et il y aura une concentration de troupes autour d'Abyei et Kordofan, donc ça pourrait devenir des points chauds. Kordofan est à côté du Darfour, donc s'il y a une escalade à Kordofan, en relation avec les populations du Darfour, ce sera impossible pour le sud de ne pas être impliqué.»

Il explique qu'il y a aussi des gens loyaux au sud mais qui vivent dans les monts Nuba au nord. Ils étaient menacés durant la guerre, victimes d'un jihad à leur égard, et maintenant ils «ne sont pas contents de la situation dans laquelle ils se trouvent».

«Si le Nord se consolide et met en vigueur la charia au lieu d'une autre constitution, ces gens seront alors encore dans une position difficile. Il y a certains signes que ceux-ci pourraient prendre les armes pour faire valoir leur point de vue.»

M. Plooijer affirme que de nombreuses personnes au Soudan portent des pistolets et des AK-47, et son organisation travaille sur des projets visant à encourager les gens à abandonner leurs armes.

«Nous incitons les gens à se désarmer de manière volontaire. Après le référendum, nous voyons encore moins de raison pour eux de porter des armes dans les rues.»

  • Un Sud-Soudanais montre son doigt couvert d'encre après avoir voté dans un bureau de scrutin à Khartoum(Staff: KHALED DESOUKI / 2011 AFP)

La prochaine manœuvre d'Omar al-Bashir

Plus tôt, ce mois-ci, le président soudanais Omar al-Bashir a promis de respecter l'issue du référendum, peu importe le résultat. Ceci a été perçu par plusieurs comme un signe qu'il souhaite la paix.

«La déclaration est un signal très positif venant de Bashir et du gouvernement du Nord, car ceci amènera la paix, et le conflit et le chaos vont cesser», croit M. Nazario, le représentant du Sud-Soudan.

D'autres n'ont pas confiance dans les paroles d'al-Bashir.

«Personne ne peut prédire ce que fera le président al-Bashir. Il est reconnu pour être revenu sur plusieurs promesses effectuées dans le passé», mentionne Jacob J. Akol, éditeur du Gurtong Trust & Media Project basé au Sud-Soudan.

Juste avant le début du référendum, al-Bashir a troublé les eaux en déclarant à la chaîne arabe Al-Jazeera qu'il craignait l'instabilité au Sud s'il y a sécession. «La stabilité du Sud est très importante pour nous, car toute instabilité au Sud affectera le Nord. S'il y a une guerre dans la maison de votre voisin, vous ne serez pas en paix», a-t-il affirmé. Il a ajouté que le Sud n'était pas en mesure de créer un État ou d'établir une autorité.

Al-Bashir a été accusé de génocide et de crimes contre l'humanité en 2008 par la Cour pénale internationale en raison du conflit au Darfour qui a fait entre 300 000 et 400 000 victimes.

«Le président al-Bashir subit d'énormes pressions, alors faire cette promesse [de respecter le référendum] était la seule option pour lui à ce moment», estime M. Plooijer de IKV Pax Christi.

L'expert en maintien de la paix s'attend à ce que la situation au Nord devienne encore plus répressive après le référendum.

«Actuellement le Nord-Soudan est géré par des organisations de sécurité, alors elles vont réprimer toute opposition, comme elles le font au Darfour en ce moment. Lorsque le Sud s'en ira, la position de Bashir n'est pas des plus fortes, alors il fera beaucoup pour consolider son pouvoir», prédit M. Plooijer.

Selon M. Nazario, il est peu probable que les partis d'opposition au Nord puissent améliorer leur position ou soit en mesure de renverser al-Bashir après le référendum.

«L'autorité de Bashir est encore très forte : il a le pouvoir, l'armée et l'économie. Il continuera sans aucun doute de gouverner le pays pour encore très longtemps.»

Retour au bercail

On s'attend à ce que plus de 1,5 million de personnes retournent au Sud-Soudan dans les six mois suivant le référendum, craignant la répression si elles demeurent au Nord après la sécession. D'autres viendront également de l'étranger pour habiter dans leur nouveau pays.

  • Une femme, enveloppée du drapeau sud-soudanais, brandit le même drapeau (Staff: ROBERTO SCHMIDT / 2011 AFP)

Selon Ayman Elias Ibrahim, un journaliste sud-soudanais pour The Citizen, un quotidien en langue anglaise de Khartoum, les principaux défis qui attendent autant les rapatriés que les communautés d'accueil dans le Sud sont l'insécurité alimentaire et l'accès à l'eau potable. Les services sociaux de base sont aussi inadéquats ou inexistants, indique-t-il.

Un autre problème vient du fait que la plupart des rapatriés n'ont pas les habiletés pour travailler dans un milieu rural, puisque les personnes déplacées étaient des travailleurs non qualifiés, gérant des kiosques de thé ou brassant l'alcool local.

M. Plooijer met en garde que l'arrivée d'un million de personnes pourrait déstabiliser le nouveau pays à moyen terme.

«Lorsque les gens sont revenus de l'Ouganda et du Kenya durant la période de paix, ils sont retournés dans leur lieu d'origine et cela a causé des tensions avec les gens qui ont toujours habité là.»

M. Nazario mentionne qu'avec ses ressources limitées, le gouvernement essaie de combler les besoins de base comme l'abri, l'eau et les soins médicaux. Malgré les défis, il est confiant que ceci constitue une occasion précieuse pour ces gens.

«Ils ont vécu en asile si longtemps et maintenant ils reviennent avec l'espoir de retrouver leur mère patrie.»

Le représentant du gouvernement sud-soudanais fait appel à l'aide de la communauté internationale et salue l'assistance offerte par les États-Unis, l'Union africaine et les partenaires régionaux de l'Autorité intergouvernementale pour le développement.

Lorsque le Sud-Soudan fera sécession comme prévu, le nouvel État sera dirigé par l'actuel président de la région autonome du Sud, Salva Kiir Mayardit, qui occupe aussi le poste actuel de vice-président du Soudan. Des élections législatives devraient par la suite avoir lieu.

Aide internationale

Des organisations internationales ont aidé à préparer le Soudan au référendum.

Kouider Zerrouk, porte-parole de la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS), explique que durant l'enregistrement des votants, l'ONU a participé à la livraison de matériel à 70 sites. Elle a effectué 96 vols en l'espace de quelques semaines afin de livrer plus de 29 000 kilos de matériel pour bureau de vote dans 50 endroits qui desservent 473 points de référendum dans le Sud.

L'Union européenne (UE) a quant à elle 120 observateurs sur place, indique Ahmed Eltayeb, relationniste pour la Mission de l'UE au Soudan.

Version originale : Sudan Resigned to Separation, but Hopes for Peace

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