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Les acquisitions massives de terre en Afrique accentuent la pauvreté

Écrit par Kremena Krumova, La Grande Époque
12.10.2011
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  • Henzanani Merakini (assise), 26 ans, habite à environ 100 mètres d'une plantation expérimentale au Kenya.(攝影: / 大紀元)

Deuxième partie - Une forme de «néocolonialisme»

À bien des égards comme au XIXe siècle, lorsque les puissances coloniales européennes pillaient les ressources minières de l'Afrique et ainsi poussaient les populations locales sur des terres marginales, les gouvernements étrangers et les multinationales d'aujourd'hui recherchent de vastes étendues de terres arables sur le continent dans une forme de néocolonialisme.

«Je ne vois pas pourquoi les acquisitions massives de terre seraient différentes [des exploitations] de pétrole, de diamants, etc. Les populations locales vont perdre leurs terres et leur source de nourriture», écrit dans un courriel John Ashworth, un conseiller du Sudan Ecumenical Forum.

Faisant face à un avenir où les ressources intérieures ne seront pas suffisantes pour nourrir leurs populations, des investisseurs chinois, saoudiens, indiens, coréens et qatariens sont à la recherche de terres agricoles à l'étranger pour établir des plantations de riz ou autres denrées dans des pays africains comme l'Éthiopie, le Soudan, la Tanzanie, le Kenya et le Mali.

Les baux sont généralement à long terme et incluent des exemptions d'impôts. De plus, il y a peu de normes environnementales, sociales ou de travail à respecter. Les terres sont habituellement annoncées comme étant inoccupées, et on ne se soucie pas de la sécurité alimentaire des petits agriculteurs.

Il y a une perception grandissante en Afrique qu'une nouvelle ère coloniale a commencé.

«C'est le néocolonialisme, c'est comme la ruée vers l'Afrique du XIXe siècle durant laquelle nos ressources étaient exploitées pour développer le monde occidental», déplore Makambo Lotorobo, agent local de Friends of Turkana, une organisation environnementale au Kenya.

«Actuellement, alors que les prix des denrées augmentent quotidiennement, au bout du compte l'Afrique devra débourser davantage pour les aliments cultivés sur son propre territoire», écrit M. Lotorobo dans un courriel.

Depuis Juba, au Soudan du Sud, le correspondant du Gurtong Trust, Waakhe Simon Wudu, partage une opinion similaire.

«Je considère cela également comme du néocolonialisme. Au Soudan du Sud, je crains que les Arabes et autres investisseurs étrangers vont, avec le temps, contrôler complètement l'économie et rendre notre gouvernement dépendant envers eux», écrit M. Wudu dans un courriel.

Le journaliste affirme que malgré l'incorporation de quelques Soudanais du Sud dans les compagnies étrangères, comme les compagnies chinoises dans les champs pétrolifères, la plupart des ouvriers ne sont pas locaux mais plutôt des étrangers qualifiés. Aussi, les Arabes ont investi dans la plupart des secteurs clés de l'économie, comme le pétrole. Ainsi, lorsqu'il y a eu une pénurie de carburant, le gouvernement a été impuissant, et les compagnies étrangères ont alors décidé d'augmenter le prix du carburant.

Selon M. Wudu, une des raisons qui expliquent la situation actuelle est l'immaturité des gouvernements africains.

«Mon analyse personnelle est que les gouvernements africains sont en développement et la majorité des politiciens sont assoiffés de pouvoir et d'argent. Ils ont donc très peu de contrôle sur les investisseurs étrangers. Ils sont toujours facilement achetés avec de grandes sommes d'argent», ajoute M. Wudu.

Selon un rapport de l'International Institute for Environment and Development basé au Royaume-Uni, on en connaît très peu sur les termes exacts régissant les ententes sur les terres. Les négociations se déroulent habituellement à huis clos et les propriétaires locaux ont rarement leur mot à dire. Souvent, le contexte légal offre peu de garanties pour protéger les intérêts locaux et l'environnement. Aussi, peu de contrats sont dans le domaine public.

«Quand les Chinois ou les Saoudiens viennent en Afrique, ils n'ont aucune idée de ce qui se passe là-bas. Ils ne considèrent que leur intérêt, soit de faire baisser le prix des denrées dans leur propre pays», affirme en entrevue téléphonique Danielle Nierenberg, directrice du projet Nourishing the Planet du Worldwatch Institute.

«J'ai vu en Afrique l'utilisation de beaucoup de produits chimiques et d'engrais chinois de basse qualité. Quand les fermiers africains les utilisent, ils ne peuvent lire les étiquettes en chinois alors ils utilisent mal ces produits. Ceci va se poursuivre parce que, lorsque ces compagnies vont en Afrique, elles ne se soucient pas de l'environnement ou de la santé des Africains.»

Mme Nierenberg ajoute que c'est exactement le manque d'investissements des gouvernements africains dans leurs propres secteurs agricoles qui ouvre la porte aux investisseurs étrangers. Dans toute l'Afrique, il y a seulement dix pays qui investissent 10 % de leur budget dans l'agriculture, explique Mme Nierenberg.

«Puisque les gouvernements veulent développer l'économie et le produit intérieur brut, ils sont peu clairvoyants en ce qui a trait aux conséquences à long terme, comme les effets sur la sécurité alimentaire, la vitalité économique et la situation des fermiers», indique Mme Nierenberg.

Joe Guinan, directeur de TransFarm Africa à l'Aspen Institute, estime qu'avec la situation actuelle, il est inévitable que les entités étrangères vont se tourner vers l'Afrique.

«Si les pays africains et les donateurs ne développent pas le potentiel agricole de l'Afrique, il est évident que – étant donné l'augmentation de la demande dans le monde – des investisseurs étrangers s'en chargeront», écrit M. Guinan dans un courriel.

Blâmer la victime

Harwood D. Schaffer, professeur adjoint et chercheur à l'Institut d'agriculture de l'Université du Tennessee, affirme qu'il est injuste de blâmer les Africains pour leur situation, eux qui sont victimes des acquisitions massives de terres.

«Lorsque nous venons et constatons comment les Africains cultivent, nous les blâmons pour leurs méthodes inefficaces. Mais il est étrange de blâmer les Africains alors que quelqu'un est venu, a pris leurs terres et les a rendues inaccessibles à la majorité de la population; ça revient à blâmer les victimes», mentionne M. Schaffer en entrevue téléphonique.

«Lorsque les gens parlent d'investissement en agriculture, ils le font toujours d'une perspective occidentale, ce qui signifie investir dans la recherche sur les cultures et rendre les terres disponibles au labourage. Pour les paysans, l'investissement qu'ils font est invisible à nos yeux parce qu'il s'agit de leur travail», ajoute M. Schaffer.

Néanmoins, les grands investissements de type occidental dans les terres agricoles en Afrique ne sont pas assurés de réussir. Il y a déjà des exemples de projets qui ont appauvri la terre. Le Gezira Scheme Project au Soudan est l'un d'eux. Près de 2,5 millions d'acres ont été données aux investisseurs dans les années 1970, mais le sol n'était pas propice à la production mécanisée. Ainsi, beaucoup de cette terre a été détruite.

«Alors nous avons déjà des exemples de tels investissements d'il y a 20 ou 30 ans qui n'ont pas bien fonctionné», affirme en entrevue téléphonique Michael Taylor, directeur de programme à l'International Land Coalition.

Récemment, la Société financière internationale (SFI), le département du secteur privé de la Banque mondiale, a annoncé les Investissements agricoles responsables – une initiative visant à «mieux répandre les bénéfices et équilibrer les occasions avec risque dans les programmes d'investissements majeurs» tout en assurant que les droits de propriétaires terriens actuels soient respectés.

Certains observateurs ne croient pas que la Banque mondiale travaille dans le meilleur intérêt des Africains.

Un rapport de l'Oakland Institute publié en septembre 2011 affirme que la Banque mondiale facilite une transition vers l'agro-industrie commerciale à grande échelle en Afrique.

Selon le rapport, ceci s'effectue par l'entremise de la SFI qui «travaille – parfois en coulisse – pour s'assurer que les pays africains réforment leurs lois sur la terre et leurs régimes fiscaux afin d'attirer les investisseurs étrangers».

Dans la Corne de l'Afrique, aux prises avec une famine et la pire sécheresse depuis 60 ans, ce n'est pas seulement la terre qui est en jeu, mais l'accès à la ressource la plus précieuse, sans laquelle la terre est pratiquement inutile : l'eau.

«C'est seulement récemment que le discours international sur le sujet a commencé à souligner que ces acquisitions massives de terres sont aussi des acquisitions massives d'eau, parce qu'évidemment sans eau il n'y a pas d'agriculture. Plus l'eau est tirée du Nil pour irriguer ces projets, alors que la rivière fait son chemin de l'Éthiopie au Soudan jusqu'à la Méditerranée, il y a moins d'eau en aval», avertit dans un courriel J. Matthew Roney, associé en recherche au Earth Policy Institute.

Version originale : Land Grabs in Africa Usher in a New Form of Colonialism

 

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