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Le mutisme et la censure au cinéma

Écrit par Alain Penso, La Grande Epoque
26.10.2011
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  • Les lumières de la ville (1931) de Charlie Chaplin(攝影: / 大紀元)

Le sujet est vaste et mérite qu’on s’y attarde même brièvement, dans le contexte politique international où la voix de l’homme s’exprime au travers de films de fiction ou bien de documentaires. De tout temps, les pouvoirs politique et militaire ont exercé sur les arts, et en particulier sur le cinéma, leur pouvoir de censure. D’autres hommes n’ont eu que le silence pour répondre à la violence et l’égoïsme des hommes de pouvoirs. Le cinéma a volé au secours des plus déshérités.

Les silences politiques ou les petits arrangements de l’histoire

Pendant la guerre d’Algérie, les cinéastes tentent de faire des films, mais sont appréhendés par les forces de police qui détruisent systématiquement les preuves de la répression que subissent les Algériens récemment émigrés demeurant en France. René Vautier, cinéaste, résistant de la première heure, reçoit à quinze ans la croix de guerre. En 1944, il est cité à l’ordre de la Nation par le Général de Gaulle pour faits de résistance. Il n’a pas hésité à tourner un film anticolonialiste.

Son documentaire Afrique 50 (1950), tourné au Mali, commandé par la ligue de l’enseignement, lui vaudra pas moins de treize inculpations en violation du décret d’autorisation spéciale du gouverneur Pierre Laval, et de la prison ferme. Le film ne sera vu que 40 ans plus tard.

Militant anti-raciste, René Vautier s’attaque directement aux institutions et tourne Avoir Vingt ans dans les Aurès (1972) avec Alexandre Arcady. Le film est inspiré de l’ouvrage de Noël Favrelière, Le Désert à l’aube. Le 19 août 1956, l’auteur a quitté son unité et libéré un prisonnier algérien rebelle. Edité aux Éditions de Minuit en 1960, le livre a été saisi et republié en 2000. Le film de René Vautier sera bloqué mais devant la réprobation générale, le film sera libéré et difficilement distribué face à la pression des institutions politiques.

Le film Octobre à Paris (1962) retrace la tragédie du 17 octobre 1961 au cours d’une manifestation pacifique d’Algériens. Un groupe de cinéastes s’est réuni autour de Jacques Panigel pour retracer cet événement inimaginable dans un pays démocratique où l’idée de liberté a rayonné de par le monde. Dans un déchaînement d’une violence inouïe, une manifestation pacifique se transforme en un massacre. La police entraînée par Maurice Papon, un habitué des répressions en Algérie où il supervisait l’armée lancée contre les Algériens indépendantistes. À l’occasion de cette manifestation, 130 Algériens ont été jetés dans la Seine. Le film est construit autour de reconstitutions de la manifestation partie de Nanterre et de témoignages. Des documents ont été ajoutés pour donner plus d’authenticité au film. Le film est strictement interdit à sa sortie. Il y eut des projections en mai 1968 au cinéma Les 3 Luxembourg, puis Jacques Panigel hésita, à cause de ses nouvelles positions politiques, à sortir le film. Sa mort, hélas, permit de ressortir ce film qu’il avait produit lui-même avec le soutien d’historiens comme Pierre Vidal-Naquet qui a enquêté sur la disparition de Français opposés à la guerre.

Peu de films sur cette période ont vu le jour, dénoncés par le pouvoir comme étant des films contre la France. Elise ou la Vraie vie, de Michel Drach (1969), est une histoire ordinaire empêchant un couple de vivre à cause de la ségrégation raciale qui sévit. Un peu plus tard, Alexandre Arcady sort une comédie dramatique relatant son histoire personnelle dans Le Coup de sirocco (1979) avec Roger Hanin: des Pieds-Noirs émigrants d’Algérie, victimes du racisme ordinaire, tentent de se construire une nouvelle vie. Certaines nouvelles, le premier film de Jacques Davila (1975), tourné avec Bernadette Lafont et Micheline Presle, obtiendra le prix Jean Vigo en 1980: Pierre, étudiant à Paris, vient passer ses vacances chez sa mère Hélène et son beau-frère au moment de la guerre d’Algérie. Ce sont de subtils rapports de famille pendant une guerre injuste qui ne dit pas son nom. La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966), bien que produit par Yacef Saadi, membre du FLN, concentre son action entre 1954 et 1957. Le film semble objectif dans les faits. L’œuvre a été retenue par la censure puis libérée.

Dans R.A.S. d’Yves Boisset (1973) avec Jacques Weber, Jacques Spiesser et Jean-François Balmer, le cinéma tente de décrire comment de simples soldats se retrouvant dans un bataillon disciplinaire sont pris dans l’engrenage de la guerre, avec ses tortures et la mort. Cette production franco-italo-tunisienne permet de se poser des questions sur les préoccupations des pays producteurs. Gérard Bon, plus connu sous le pseudonyme d’Yves Courrière, réalise avec Philippe Monnier La Guerre d’Algérie (1960), premier documentaire sur la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Les archives sur cette guerre ont tardé à s’ouvrir et le temps est passé, empêchant les historiens de la période de travailler au plus près de l’événement. Les derniers témoins sont en train de disparaître. Jacques Panigel, réalisateur d’Octobre à Paris, est décédé sans s’expliquer clairement sur son film, sorti récemment au cinéma Le Champo.

  • L'Artiste (2011) de Hazavinicus(攝影: / 大紀元)

Le mutisme au cinéma

Il n’y avait pas de paroles dans tous les films précédents 1929. C’était un long couloir sombre durant lequel les acteurs devaient se faire comprendre avec leur corps et des mimiques filmées en gros plan ce qui a permis l’avènement du burlesque américain et l’apparition des artistes incontournables comme Buster Keaton, Charlie Chaplin, Laurel et Hardy. En France l’acteur comique Max Linder et le réalisateur et producteur Georges Mélies remplacent l’absence de son par de gigantesques décors où le spectateur transporté par la magie se laisse aller par le rêve sans passer par le mot. Pourtant la frustration de la parole existe mais elle n’est pas déclarée.

Dans L’Artiste de Hazavinicus (2011) avec Jean Dujardin et Berenice Bejo les acteurs imitent les comédiens du muet. C’est une sorte d’exercice de style, une performance dont la sincérité est mise à rude épreuve. Peut-être le réalisateur se livrera-t-il à d’autres essais sur le cinéma muet? Le film est réussi, le réalisateur s’inspire de l’intrigue entre John Gilbert et Greta Garbo actrice qui montait pendant que son compagnon John Gilbert avait du mal à rebondir dans le cinéma parlant.

Dans Chantons sous la pluie de Gene Kelly et Stanley Donen (1952), comédie musicale qui décrit les début du parlant, décrivant les appareils d’enregistrement et la psychologie des acteurs bousculés dans un autre monde, celui où entendre des sons fait autant rêver que de voir des images.

Le tremblement de terre qui a suivi l’apparition du parlant a été une catastrophe pour de nombreux acteurs qui n’ont pas voulu prendre le tournant.

Il y eut des exceptions heureuses qui ont amené ses lettres de noblesses au cinéma, le cas de Charlie Chaplin, artiste exceptionnel dont le talent s’illustra dans le muet et continua devant un public fanatique de ses œuvres.

Charlie Chaplin, maître de la pantomime et de la gestuelle langage universelle, refusa le film parlant tout en utilisant sa technique pour parodier les vaines paroles par des notes de trombone. Il a refusé de faire parler ses personnages. Les êtres humains n’ont pas besoin du mur du langage pour se comprendre. La gestuelle reste le langage universel. Dans Les Lumières de la ville (1931), il renforce son projet initial en ridiculisant les beaux parleurs plus soucieux de leur pouvoir personnel que du bien d’autrui. Chaplin parvient, dans un univers inondé de bruit, à se frayer une place originale. Avec Les temps modernes (1936) et Le dictateur (1940) En 1946, Chaplin tourne Monsieur Verdoux abandonnant son personnage de Charlot le vagabond sur un scénario d’Orson Welles qu’il réécrit. De plein pied dans le sonore, Monsieur Verdoux est un personnage contrarié, anti-Charlot. En 1952, il quitte Les Etats-Unis avec sa famille pour Londres, s’étant déclaré citoyen du monde, il est soupçonné par les maccarthystes d’être un agent communiste. L’Amérique perdra un grand artiste qui n’ira plus habiter les Etats-Unis, le mutisme exigé pour les artistes est une technique connue dans les pays antidémocratiques.

Ingmar Bergman dans Au seuil de la vie (1958) décrivait la naissance dans un hôpital d’enfant et les tortures des mères qui accouchaient dans la plus grande incertitude livrés aux incertitudes du corps médical. Dès la naissance l’homme et la femme sont suspendus à la recherche de son expression afin de se faire comprendre. Françoise Dolto ne disait-elle pas «tout est langage»?

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.