Le «made in France» revient à la mode

Écrit par Charles Callewaert, The Epoch Times
15.12.2011

  • FRANCE. Le président français Nicolas Sarkozy (D) et Georges Morand (2ième D), maire de Sallanches dans les Alpes françaises, sont devant une ligne de production du fabricant français Rossignol le 13 décembre 2011. (PHILIPPE Desmazes / AFP / Getty Images)(Staff: PHILIPPE DESMAZES / 2011 AFP)

PARIS – Pendant les dix dernières années, la politique de soutien indéfectible à la «consommation» et le creusement des déficits publics ont permis de masquer les effets de la désindustrialisation de l’économie française et de maintenir l’illusion que la mondialisation résoudrait les maux du pays. Mais depuis la crise financière puis celle des déficits publics de la zone euro, alors que l’État français n’a plus les moyens de poursuivre cette politique aveugle ni de contrer la résurgence du chômage de masse, les citoyens découvrent le délabrement du tissus industriel français, résultat des multiples délocalisations et fermetures d’usines.

«Acheter français, une démarche civique»

La remise en cause de la mondialisation, qui était jusqu’à présent considérée comme tabou par un monde politique résolument en faveur du «libre-échange», se cantonnait aux deux extrêmes de l’échiquier politique. Avec les déclarations protectionnistes d’Arnaud Montebourg, pour qui «la démondialisation, ça consiste à produire là où l’on consomme», le sujet s’est petit à petit immiscé dans le débat électoral. Ainsi, lors de son discours cette semaine, François Bayrou, le candidat centriste, en a fait le thème central de sa campagne et défendu le concept «achetons français» par ces propos: «Il faut comprendre qu'acheter français, ce n'est pas un gros mot, c'est une démarche civique».

Par ailleurs, selon un sondage Ifop réalisé auprès de 1.004 personnes et publié lundi 21 novembre, 66% des Français annoncent être prêts à payer un peu plus cher (5 ou 10%) si le produit est fabriqué en France. Le thème semble donc très porteur auprès de l’électorat, et les deux principaux candidats ont immédiatement réagi en visitant les rares entreprises ayant relocalisé une partie de leur production: François Hollande, le prétendant socialiste à la présidence de la République, a arpenté mercredi dernier les chaînes de production d’Eolane, qui fabrique des tablettes numériques pour recettes de cuisine, tandis que le chef de l’État français Nicolas Sarkozy programmait mardi prochain celle de la nouvelle usine de skis Rossignol.

Multiplication des sites internet «bleu-blanc-rouge»

Les bonnes intentions ne doivent cependant pas cacher la réalité du pays. En effet, chacun sait que, même si les secteurs de l’aéronautique, des cosmétiques, de l’automobile, de l’agriculture, du vin, des fromages et du tourisme restent le fer de lance de notre production nationale, des pans entiers de l’industrie française sont malheureusement partis à l’étranger sans grand espoir de retour rapide: selon les chiffres de l’INSEE, pour un PIB 2010 (Produit Intérieur Brut) de 1931 milliards d’euros, les exportations et les importations françaises étaient respectivement de 490 et 535 milliards d’euros (soit 25 et 27,7% du PIB), et le solde de notre balance commerciale se montait à 64 milliards d’euros (soit 3,3% du PIB) en progression continue depuis 2002, dernière année à avoir atteint l’équilibre.

Il y a donc urgence à agir. À cet égard, le pouvoir mobilisateur des nouvelles technologies peut être d’un grand secours dans le commerce de distribution. Depuis deux ans, on assiste en effet à une multiplication des sites internet vantant les produits français à des prix abordables, comme par exemple les sites www.labelcoq.com, www.lafabriquehexagonale.com ou encore www.made-in-france.com, qui recensent les entreprises locales et produits français. Ces sites, dont la fréquentation est en croissance exponentielle, enregistrent chaque mois plusieurs centaines de demandes de référencement par des petits producteurs. Par leur caractère militant, on peut les assimiler à une nouvelle génération de réseaux sociaux, capables de mobiliser leurs clients pour veiller sur le caractère national des produits et exercer un contre pouvoir envers les grandes surfaces qui, rappelons-le, détiennent plus de 80% du commerce de détail. Cet engouement est cependant trop récent pour savoir s’il s’agit d’un feu de paille ou d’une réelle prise de conscience, mais les grandes surfaces ne semblent pas encore prêtes à changer leurs habitudes d’approvisionnement dans les pays à très bas coût.

«Les grandes entreprises se permettent tous les abus» avec leurs fournisseurs

Enfin, il ne suffit pas de mobiliser le consommateur final pour renverser facilement la tendance. Les lacunes majeures de l’industrie française se situent en effet dans l’insuffisance du tissu intermédiaire de moyennes entreprises profitables et exportatrices, qui sont essentielles à la vitalité économique du pays et au renouvellement de ses champions industriels. Tant que la France n’aura pas reconstitué cette frange essentielle pour son économie, elle continuera à perdre des parts de marché ainsi que sa crédibilité à l’export.

À cet égard, le rapport de Jean-Claude Volot, le «médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance» nommé par Christine Lagarde en mai 2010, n’est pas rassurant. Lors des Journées de l’Économie organisées récemment à Lyon, il a dénoncé «les grandes entreprises qui se permettent tous les abus» dans leurs relations avec leurs sous-traitants, et abusent d’un rapport de force par trop inégal. Selon le médiateur, le coût généré par l’ensemble des conflits inter-entreprises en France est de 50 milliards d’euros, soit 2% du PIB national. Ces propos sont confirmés par le professeur américain John W. Henke, un expert de la mesure du coût des relations clients-fournisseurs, pour qui la suppression de ces abus et l’évolution vers des relations collaboratives entre clients et fournisseurs permettraient d’augmenter de 3 à 5% la productivité des entreprises.

Cette révolution dans les mentalités entre acheteur et vendeur est nécessaire et la crise actuelle ne semble pas le meilleur moment pour y parvenir, à moins que les Français ne fassent leur ce vieil adage chinois selon lequel «les crises sont des opportunités de changement».