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Barrage de Xayaburi sur le Mékong: réflexion sur les impacts négatifs

Écrit par Héloïse Roc
15.12.2011
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  • Des travailleurs cambodgiens transportent du sable le long du fleuve Mékong. Ils sont inquiets de la baisse des eaux du fleuve. (Tang Chhin Sothy/Photos AFP)(攝影: TANG CHHIN SOTHY / AFP ImageForum)

La réunion de la Commission du Mékong s’est tenue le 8 décembre 2011 à Siem Riep, au nord du Cambodge. Les quatre pays riverains du fleuve impérial, le Mékong, ont décidé de reporter la construction du barrage et de mener des études plus poussées concernant l’impact d’un barrage sur l’environnement et sur les populations riveraines. Ce sont les ministres de quatre pays asiatiques, membres de la Commission régionale du Mékong (MRC) et riverains du fleuve – le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande et le Laos – qui ont pris cette décision.

 

Un projet discutable selon le Dr Jian-Hua Meng, spécialiste en hydroélectricité durable au WWF: «Les pays du cours inférieur du Mékong ont franchi une étape importante vers une gestion plus respectueuse de l'une des ressources les plus précieuses et les plus importantes de la région. Les pays doivent maintenant mettre à profit ce délai supplémentaire pour évaluer correctement et pleinement les impacts du projet de barrage, en se basant sur les meilleurs conseils scientifiques et en mettant en place des processus consultatifs».

Le barrage Xayaburi mettrait en danger la vie de millions de personnes

Ce projet de construction est l’objet d’une forte controverse de la part des ONG et des populations locales, car selon eux les barrages sur le Mékong mettent en péril le fleuve et son environnement. Or, on sait que partout dans le monde, la domestication des cours d’eau a eu les mêmes effets, diminuer les réserves de poissons sauvages et accélérer la sécheresse. Le fleuve Mékong avait semblé être épargné jusque-là. Cependant, en 1986, la Chine a commencé à construire son premier barrage et à ce jour trois barrages sont achevés et le quatrième en cours se terminera fin 2012. Les riverains du bas Mékong subissent les conséquences environnementales des barrages chinois.

 

Ainsi, le barrage hydroélectrique géant de Xayaburi qui devait se construire dans le nord du Laos, embarrasse les pays en aval du Mékong. Or, selon les termes du journal The Phnom Penh Post, à l’issue de cette réunion de la commission, aucun des participants ne souhaitait parler de report, mais plutôt d’études complémentaires sur les conséquences environnementales de cette construction. Le Vietnam avait préalablement exigé un moratoire de dix ans et les spécialistes environnementaux préviennent des conséquences irrémédiables de l'écosystème, en particulier d’une réduction et même d’une disparition des réserves de poissons.

En aval 60 millions de personnes dépendent du fleuve

Selon la Commission régionale du fleuve Mékong, plus de 60 millions de personnes dans les quatre pays membres dépendent du fleuve pour leur transport, leur alimentation et leurs activités économiques. Nicolas Fornage, spécialiste des barrages à l’Agence Française de Développement, s’interroge: «Sur le Mékong, il n'y a pas moins de onze projets de barrages. Or, les bailleurs officiels se sont retirés, en raison de l'impact négatif sur les poissons migrateurs, mais, malgré cela des bailleurs privés sont prêts à subventionner les projets. Qu’adviendra-t-il des habitants du bassin, les impacts seront considérables sur l'alimentation des populations basée sur la pêche!»

L’eau du fleuve est notamment utilisée pour l’irrigation, comme réservoir de systèmes de drainage et d’eaux usées pour la pêche et la pisciculture, la production hydroélectrique (grâce aux barrages), le transport et la fourniture d’eau pour l’industrie et les particuliers. Le fleuve est également connu pour ses habitations et ses marchés flottants.

Les travaux du barrage Xayaburi avaient commencé sans l’accord de la Commission du Mékong. Les villageois sont opposés à ce projet de barrage, pour des raisons économiques. Mais, si la Thaïlande est favorable, le Cambodge et le Vietnam ont déposé plainte auprès de la Commission du Mékong pour interdire la construction de Xayaburi. Cette organisation internationale regroupe les six pays riverains du fleuve et  est censée gérer depuis 1995 les différents projets. C’est ainsi qu’elle vient d’émettre un avis défavorable et propose un moratoire de dix ans, le temps d’étudier en profondeur les conséquences sur l’écosystème. La capitale du Laos pourrait décider malgré l’opposition de poursuivre les travaux. Mais les villageois se préparent à faire de la résistance.

Les raisons qui indignent les opposants sont nombreuses. Ils avancent la sécheresse extrême ces derniers mois et une diminution voire une absence de variétés de poissons. L’écosystème est déjà menacé et c’est toute la région qui est concernée. Au Cambodge, de l’autre côté de la frontière, c’est le même constat. Om Savath, directeur de l’ONG «Actions pour la Pêche», mène la lutte pour défendre les pêcheurs cambodgiens, premières victimes de ces barrages. Il pense que la pollution, la sécheresse et la surpêche peuvent être une conséquence, mais selon lui la cause fondamentale des problèmes sont les barrages.

Une affirmation prémonitoire

Il a six ans Chris Barlow, de la Commission du Mékong affirmait: «De tous les grands fleuves du monde, c’est celui qui a été le moins modifié. Ses réserves de poissons sont une source de prospérité naturelle pour les populations pauvres. Si elles venaient à disparaître, leur alternative serait de travailler dans une usine fabricant des textiles pour l’Occident». Si rien n’est fait, cette réalité pointe à l’horizon.

En 2005, les scientifiques de l’UNESCO s’inquiétaient déjà de l’avenir du fleuve. Ils se sont associés avec le gouvernement cambodgien et la commission du Mékong, pour soutenir l’exploitation de la rivière et préserver son extraordinaire fécondité. Mais aujourd’hui, ce fleuve est menacé par la demande croissante qui pèse sur ses ressources, par exemple celle des usines hydroélectriques, des villes qui ont besoin de s’approvisionner en eau et des navigateurs qui veulent maîtriser ses rapides.

L’histoire des barrages

Les barrages existent vraisemblablement depuis la préhistoire. Ils servaient de réserve d'eau potable, d'irrigation, de viviers, de bassins piscicoles. D'après N. Schnitter-Reinhardt, le plus ancien barrage connu serait un barrage construit près de Jawa, en Jordanie, construit vers la fin du 4e millénaire avant J.-C. Hérodote cite un barrage construit par le pharaon Ménès, fondateur de la première dynastie, à Kosheish, pour alimenter la ville de Memphis. (Les Dossiers de l'Archéologie en 1979).

La première rupture de barrage connue est celui de Sadd El Kaffara, sur le Wadi Garawi, à 30 kilomètres au sud du Caire. Elle se serait produite entre 2650 et 2465 avant J.-C. C'est probablement la rupture de ce barrage qui a arrêté la construction pendant un millénaire. D’après Jacques Bonnin, L'eau dans l'Antiquité (1985).

Les Romains ont construit des barrages: par exemple, deux barrages en Espagne, dans la région de Mérida, construits vers 25 avant J.-C., ou encore, au Portugal, le barrage romain de Belas. Mais c'est au Moyen Âge qu'ils se sont fortement développés en Europe pour alimenter les moulins à eau. Des cartes anciennes sont le témoignage de nombreux barrages de petites rivières faites par les paysans ou par les moines locaux, pour conserver l'eau et y élever du poisson ou pour le traitement du lin ou du chanvre.

Fin du XXe siècle les barrages…

À la fin du XXe siècle la construction des grands barrages s’est ralentie. Aujourd’hui, le phénomène s’inverse. Pourquoi ? En 1970, on construisait 7.000 grands barrages par an et en 1990 on n’en construisait plus que 3.000. C’est à cette époque que la communauté internationale a pris conscience de l’impact négatif sur l’environnement social des habitants ainsi que sur celui de la faune et de la flore, en particulier sur les poissons migrateurs. En plus les risques de rupture créent des perturbations sur les habitants des zones de construction qui subissent souvent l’expulsion.

Mais, aujourd’hui, la tendance s’inverse. Avec la crise énergétique mondiale, l’intérêt pour les barrages s’est renforcé. L’énergie hydraulique est à la fois renouvelable et compétitive. Les barrages peuvent contribuer à lutter contre le changement climatique car ils permettent d’éviter des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, cette prise de conscience a amené la création de la Commission mondiale des barrages. Ils ont constitué un ensemble de bonnes pratiques permettant de minimiser les risques. Ces pratiques énumérées ont été reprises par la Banque mondiale qui est alors revenue sur le marché et avec elle les grands bailleurs. En effet, la crise énergétique mondiale a entériné l’intérêt des barrages. Cependant on demande aux barrages qu’ils soient construits pour résister à des crues importantes.

Le bilan écologique des barrages serait moins favorable qu’on le croit

On compte aujourd'hui environ 50.000 grands barrages artificiels dans le monde. Les plus grands produisent autant d’électricité que plusieurs centrales nucléaires. Mais bien souvent la production d’électricité reste secondaire comparée à leur rôle pour l’irrigation. Par ailleurs, leur bilan écologique est souvent beaucoup moins favorable qu’on ne le croit. Le problème réside dans la biomasse contenue dans les lacs artificiels. Lorsque les terrains sont inondés, de grandes quantités de matière organique se retrouvent coincées sous les flots et fermentent.

Selon des découvertes, l’impact du réchauffement climatique serait souvent plus important que celui des centrales à combustibles fossiles de puissance équivalente. Si ce fait est avéré, les stratégies énergétiques actuelles seraient à revoir. Danny Cullenward, expert en politique énergétique à l’université Stanford, a effectué des calculs préliminaires à partir des chiffres donnés par Fearnside. Il insiste sur le fait qu’un plus grand nombre de données est nécessaire, mais selon ses estimations, les barrages libéreraient entre 95 millions et 122 millions de tonnes de méthane par an.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.