L’immense défi économique du nouveau gouvernement égyptien

Écrit par Aron Lamm, The Epoch Times
17.12.2011

  • Égypte, Le Caire: Un jeune Égyptien attend sa mère alors qu’elle s’apprête à voter au deuxième jour du premier tour des élections législatives le 6 décembre 2011. (攝影: / 大紀元)

Il semble évident qu'une lutte de pouvoir va opposer d'un côté le Parti de «la Liberté et de la Justice» (PLJ) des Frères musulmans et de l’autre les militaires. Après que le gouvernement intérimaire militaire a déclaré qu'il allait présider la réécriture de la constitution, le parti des frères musulmans s'est retiré du conseil consultatif civil mis en place par l'armée. Les libéraux, les non-musulmans (et l'Occident) s'interrogent sur l'ouverture future de l’Égypte.

Mais la tâche la plus urgente qui attend le nouveau gouvernement pour insuffler des mesures de stabilité, consistera à redresser l'économie égyptienne qui patauge. Si en 2007 le Fonds Monétaire International saluait l'économie égyptienne comme une success story naissante, celle-ci traverse aujourd’hui une crise profonde. La révolution et les agitations de l'année dernière sont en partie responsables, tout comme la baisse de l'activité touristique et des investissements étrangers.

Avant la révolution, un Égyptien sur sept travaillait dans l'industrie du tourisme, soit 10% du revenu national du pays. En mars de cette année, les dépenses des touristes ont chuté de 66% comparés à mars 2010. Selon les chiffres officiels, la baisse de la fréquentation touristique au premier semestre représentait une perte de 3 milliards de dollars pour l'économie égyptienne.

Mais la situation du pays s'était dégradée bien avant et constitue l'une des raisons du départ de Moubarak, qui ne pouvait plus rester au pouvoir avec la récession économique mondiale. Sur les 85 millions d'habitants que compte le pays, très peu arrivaient à  joindre les deux bouts. Les Nations unies déclarent que 20% des Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté et 20% légèrement au-dessus. Dans un éditorial publié par le Wall Street Journal, l'économiste Dalibor Rohac explique que le fait qu'environ 64 millions d'Égyptiens reçoivent une nourriture et un carburant subventionnés est au cœur des problèmes budgétaires du pays.

La réforme de ces subventions ne sera pas facile et pourrait même provoquer de nouvelles agitations. Rohac écrivait que le gouvernement provisoire militaire a  peu agi et que jusqu'ici les Frères Musulmans n'avaient pas fait de propositions concrètes. Toutefois, avant la diffusion des résultats du premier tour de l'élection, un fonctionnaire du Conseil Suprême a dit que la gravité du déficit budgétaire pourrait forcer un réexamen des subventions.

Dans un article du service d'information des Nations unies, l’IRIN, James Rawley, coordinateur des Nations unies sur place avertit qu'une nouvelle détérioration de l'économie pourrait conduire à une dévaluation de la monnaie égyptienne, qui à son tour ferait augmenter davantage les prix des matières premières, rendant la situation encore plus intenable pour les populations.

Il constate que «l’augmentation du prix des denrées alimentaires accroîtrait la vulnérabilité des populations, visible sous diverses formes comme une malnutrition en hausse, ce qui est déjà un sérieux problème en Égypte».

Un conseiller du ministre de l'Agriculture a également été cité dans l'éditorial. Il déclarait que la situation négligée dans le sud du pays était particulièrement mauvaise, avait des taux de pauvreté et de malnutrition «incroyables».

Le 5 novembre, dans le sud de Gizeh, des villageois ont arrêté un train de marchandises et pillé deux tonnes de blé. Selon l'article, c'est un premier signe d'une «révolution de la faim». Dans son programme, le PLJ veut aussi réaliser l'autosuffisance dans des matières premières stratégiques, comme le blé et le coton. Compte tenu de la crise alimentaire actuelle, cela peut paraître raisonnable mais la question de sa faisabilité reste entière.

Matthew Yglesias, un blogueur politique pour un magazine d'affaires, écrivait dans un récent post que l'un des grands problèmes de l’Égypte est d'avoir une croissance faible et de devoir dans le même temps importer une grande quantité de blé, ce qui rend les prix difficilement abordables pour la population. Selon Yglesias, le problème n'est pas celui de l’efficacité. L'Égypte est pour lui «une super star de la culture du blé» avec une culture céréalière très productive. Le vrai problème est que l'essentiel du pays est désertique. Les terres arables sont au maximum de leur capacité et fertiliser le désert demande beaucoup d’investissements.

L'économie égyptienne fait face à un autre problème fondamental, a savoir le vieux système «du capitalisme de copain» dominé par les proches de Moubarak et de son parti au pouvoir. De plus, selon Rohac, les entreprises sous le contrôle de l'armée contrôlent 40% de l'économie nationale. Il ne pense pas qu'un nouveau gouvernement osera toucher aux avantages de l'État ou de l'armée.

Et si le PLJ dans son programme électoral parle «de mettre fin aux pratiques monopolistiques» et de combattre la corruption, il ne parle pas nommément des privilèges de l'armée. C'est peut être un signe de la relation précaire qui oppose un nouveau gouvernement civil à une puissante armée et de la manière dont cela peut entraver les chances du pays d'entamer un rétablissement économique indispensable.