Pompéi, la civilisation perdue

Écrit par Michal Neeman-Bleibtreu, Epoch Times
17.12.2011

  • u00abScène de jardin en mosaïque. Provient du triclinium d’été d’une maison de l’Insula Occidentalis de Pompéi. Cette décoration raffinée entourait une fontaine destinée à agrémenter les banquets des propriétaires de la domus»(攝影: / 大紀元)

Le 24 août de l’an 79 de notre ère, l'éruption du volcan a figé brusquement la vie des 20.000 habitants de Pompéi. Cette catastrophe a permis de conserver l’art de vivre des anciens jusque dans leurs moindres détails pour les révéler une vingtaine de siècles plus tard. «Cet événement aussi terrible était pourtant destiné à devenir une grande source de joie pour la postérité», déclare Stefano de Caro, professeur à l’université de Naples et membre du Commissariat de l’exposition.

Depuis sa découverte en 1743, la ville de Pompéi a inspiré quantité d’architectes, d’écrivains, de poètes et d’artistes. La ville, ensevelie sous la lave du Vésuve, témoigne de la vie quotidienne de l'empire romain comme aucun autre document.

 

Le Musée Maillol invite le visiteur à découvrir l'art de vivre de cette civilisation en parcourant les différentes pièces reconstituées d'une maison ou domus de la cité légendaire. Remontant pour la plupart à un siècle av. J.-C. et jusqu’à l’an 79 de notre ère – année de la tragédie, deux cents objets exceptionnels ont été regroupés pour témoigner du raffinement et de la modernité de cette civilisation.

Brève histoire de la cité

Située près de Naples et au pied du Vésuve, Pompéi fut construite au VIe siècle av. J.-C. Elle a été bâtie sur une route commerciale à proximité de la mer. Ses terres d'origine volcanique étaient fertiles, le commerce et la culture de la vigne prospéraient. Peuplée d’abord par les Osques puis les Grecs et les Étrusques, elle devint autonome au Ve siècle av. J-C. et province romaine en 88 av. J.-C. Ville de taille moyenne, Pompéi prospérait avec ses boutiques, ses temples, ses thermes et ses amphithéâtres. Le confort, le raffinement et l’esthétique concernaient les notables, bien sûr, mais étaient aussi l’affaire de tous, chacun à son niveau, des citoyens et même des anciens esclaves affranchis.

Contrairement aux bâtisses grandioses de Rome, les dimensions de Pompéi auraient pu tout à fait nous convenir aujourd'hui. La maison pompéienne est petite et fournit tout le confort : chauffage central, tout-à-l’égout, eau courante, sauna, jardins intérieurs intégrés à la maison. Il nous aura fallu près de 2.000 ans pour retrouver les mêmes concepts dans la modernité.

Stefano de Caro explique: «À dire vrai, la plus grande part de ce que nous savons de la vie quotidienne des anciens Romains, ce qui forme la base de notre imaginaire de cette civilisation – un imaginaire qui est celui du film Gladiator (2000) ou des romans de Lindsey Davis – nous le devons aux fouilles initiées il y a plus de deux siècles et demi, dans les villes côtières du Golfe de Naples ensevelies par le Vésuve en 79 après J.-C. à la suite d’une terrible éruption qui, en quelques heures, éteignit toute vie».

Le parcours des invités

L'exposition nous propose la visite d’une domus pompéienne comme si l'on était réellement invité par le maître de maison. Nous suivons le parcours des clients et des invités d'honneur, reçus d'abord à l'atrium où nous pourrons admirer les biens de notre hôte avant de le rencontrer. Un coffre-fort en fer et bronze, décoré de fauves, est mis en avant afin que le visiteur puisse tout de suite estimer la richesse et le statut du propriétaire.

Puis il contemple les fresques représentant un génie ailé – car chaque maison a son génie protecteur et chaque famille ses pénates*. Le génie ailé tient une corne d'abondance évoquant ainsi les intarissables bienfaits et bonté prodigués par la nature. Sur ses épaules, il porte une femme dont la tête est entourée d'une auréole, emmenant celle-ci dans un monde céleste.

À côté, Dionysos, le dieu de la vigne, du vin et de la fécondité est assis sur un trône une coupe dans une main et le thyrse, à la fois lance et sceptre, dans l'autre. Le thyrse, comme dans la plupart de ses représentations avec ce dieu, est orné de feuilles de lierre et surmonté d'une pomme de pin. Ce  bâton a le pouvoir d'extraire le vin de la terre. Un tigre est représenté à ses pieds. Comme les habitants de Pompéi vivaient essentiellement de la culture des vignes, Dionysos occupait une place importante dans l'imagerie de la maison.

 

Le visiteur reste ébloui devant la beauté des personnages et l'harmonie des couleurs de ces fresques, or et vert pâle, rosâtre, orangé et un blanc quasi transparent qui se découpe sur un fond rouge-terre. L'atrium était une sorte de vestibule qui permettait de rafraîchir la maison pendant l'été. C'est ici que les eaux de pluie étaient recueillies dans des vasques reliées à une citerne souterraine. La table en marbre blanc et aux pieds sculptés recevait les objets exposés par le maître de maison et marquait en elle-même aussi le rang social du maître de maison.

Dans un autre coin se trouvait le laraire qui contenait un autel pour les offrandes et une niche permettant de présenter les divinités protectrices de la maison, les lares, les pénates, le dieu de la médecine Asclépios, le dieu du commerce Mercure et, non moins importante, la déesse égyptienne de la fortune Isis. Ouverts aux cultes et cultures de l’étranger, les habitants de Pompéi entretenaient des relations commerciales avec de nombreux peuples.

De l'atrium à la culina

Le visiteur continue son chemin et passe à la culina - la cuisine, une petite pièce contenant elle aussi des merveilles, des moules en forme de coquille, de cœur, de feuille, des passoires ajourées en forme de fleurs délicates, un broc d’argile en forme de coq, une balance à plateau décorée dont les poids sont finement sculptés.

 

Ici aussi les murs ne manquent pas de peintures: des natures mortes, des divinités. La finesse et la beauté n'épargne pas la cuisine. Nous en apprenons aussi sur les condiments car le maître de maison était un important négociant de garum. Le garum est une sauce produite avec des intestins de poissons et du sel. Notre commerçant avait construit sa renommée sur la qualité des maquereaux avec lesquels était faite sa sauce. Le garum était vendu dans des flacons de 50 centimètres de hauteur en forme d’amphore.

Le jardin

Pour arriver à l'espace privé de la maison, le visiteur traverse des couloirs dont les parois sont couvertes de peintures, racontant les aventures de tel ou tel dieu ou d'un certain personnage mythologique. Il s'arrête dans une des salles qui s’ouvrent au-delà de la colonnade entourant le jardin privé. Car chaque maison intégrait un espace vert auquel on avait accès depuis plusieurs salles. L'étendue de cet espace variait d'une maison à l'autre selon les moyens du propriétaire.

 

L'hortus pouvait avoir tout simplement quelques fleurs, arbustes et herbes aromatiques. Les plus riches possédaient des parcs magnifiques plantés d’arbres fruitiers. Au jardin réel faisait face un jardin céleste, inspiré de l'imagerie des paradis orientaux ainsi que de la mythologie grecque. Des nymphes – divinités de l'eau, des paons et des animaux fantastiques figuraient sur des peintures illusionnistes accentuant la richesse du jardin. Des niches en mosaïque, des fontaines en forme de nymphes et des bouches de fontaine en forme de petits animaux, dauphins, grenouilles, tortues. La mise en scène de la circulation de l'eau dans ce jardin était aussi importante sur le plan visuel que sur le plan sonore.

Enfin le triclinium

Notre visiteur est enfin invité au triclinium, la salle à manger où l’on mange allongés sur des lits et des couchettes selon l'importance de l'invité. C'est ici qu’intervient la mise en scène du rang social, présentée dans toute sa finesse et dans toute sa vigueur. L'installation des participants suit une stricte réglementation: le maître de maison à droite, les convives importants au milieu et les autres sur les lits de gauche. Toute relation sociale passe par le repas ou la cena qu'elle soit de nature familiale ou commerciale. C'est ici que le décor le plus somptueux de la maison était présenté, des sols couverts de tapis de mosaïque jusqu’aux murs couverts de fresques narrant la vie des dieux, en passant par les statues, sans oublier la somptueuse vaisselle, les têtes de lits en forme de satyres, de cygnes et les petits objets décoratifs.

Si lointains et pourtant si familiers, tous ces objets recueillis sous la cendre laissent une profonde émotion chez le visiteur, le raffinement de la cuillère d’argent avec son manche pointu pour les crustacés, les verres en verre soufflé, les assiettes en céramique ou en verre coloré, les tasses d’argent à deux anses, le subtil support des lampes en forme d'arbre sur lequel viennent s’accrocher des lampes à huile. Un petit œnochoé, en bronze incrusté d'argent et de cuivre qui représente une tête de femme, démontre un travail des plus subtils et raffiné à l’extrême. Ce petit chef-d’œuvre n’avait probablement qu’une fonction ornementale, sa beauté sublime se posait là uniquement pour le prestige de son propriétaire car ne possédant pas de base, il ne pouvait contenir aucun liquide.

 

La liste est encore longue, l’exposition se poursuit avec les bains, les bijoux et encore d’autres trésors ; les objets se succèdent et leur vivacité nous renvoie, fascinés, aux prémices de notre propre histoire.

*divinités étrusques puis romaines chargées de la garde du foyer et plus particulièrement des biens, du feu servant à faire la cuisine et du garde-manger.

Informations pratiques:

Musée Maillol

61, rue de Grenelle

Paris 7e

M° Rue du Bac

Tél: 01 42 22 59 58

Jusqu’au 12 février 2012, ouvert tous les jours, de 10h30 à 19h, nocturne le vendredi.

Fermeture exceptionnelle le 25 décembre et le 1er janvier.

www.museemaillol.com