Crise à Attawapiskat: la réserve est mise sous tutelle

Écrit par Matthew Little, La Grande Époque
04.12.2011
  • Linda Duncan, critique du NPD en matière d'affaires autochtones(攝影: / 大紀元)

Un projet de loi vise la transparence, mais le NPD remet en question les priorités du gouvernement

OTTAWA – Une des communautés les plus mal en point du Canada fait la lumière sur un problème aussi vieux que le dominion.

De nombreuses réserves des Premières Nations existent comme des îlots de pauvreté – des communautés du tiers-monde dépourvues des services essentiels que les autres Canadiens tiennent pour acquis – entourés par un des pays les plus développés au monde.

De nombreuses raisons expliquent cette situation compliquée par une histoire remplie d'injustices et de mauvaise gestion. Le gouvernement fédéral est responsable de certaines de ces injustices. Les communautés elles-mêmes ont également une part de responsabilité, bien que les histoires de corruption et de népotisme sur les réserves soient supplantées par celles d'oppression, de pauvreté et d'abus.

Réparer la relation du Canada avec ses Premières Nations est une affaire compliquée, avec peu de réponses claires à des questions difficiles.

Selon certains membres de bandes, une des solutions serait une plus grande obligation de rendre compte dans les réserves.

Le gouvernement espère aussi que l'obligation de rendre compte dans les communautés des Premières Nations sera un pas dans la bonne direction mais, dans l'immédiat, une crise sévit dans la réserve d'Attawapiskat, Ontario, qui a poussé la Croix-Rouge à intervenir.

Il y a plus d'un mois, la réserve de 2100 habitants a déclaré un état d'urgence alors que plus de 90 personnes étaient entassées dans des abris portables. D'autres utilisent des seaux en guise de toilettes et habitent dans des cabanons de fortune mal équipés pour affronter l'hiver.

La semaine dernière, le gouvernement a promis d'agir et a dépêché des fonctionnaires pour enquêter. Le 30 novembre, le gouvernement a placé la communauté sous tutelle, affirmant qu'un investissement de 90 millions de dollars dans la réserve depuis 2006 justifiait le retrait de l'autorité du conseil de bande.

Le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, a indiqué au Parlement la semaine dernière que des problèmes urgents de santé avaient besoin d'une attention immédiate. Il a commandé une vérification exhaustive de la réserve s'étalant sur les cinq dernières années.

La mise sous tutelle a donné des munitions à la fois aux partisans et aux détracteurs du projet de loi C-27, soit la Loi sur la transparence financière des Premières Nations.

Le projet de loi vise à forcer les administrations autochtones à dévoiler à leurs citoyens les états financiers consolidés qu'ils soumettent au ministère, y compris les résultats des vérifications indépendantes nécessaires pour obtenir le financement annuel.

Le projet de loi a reçu un accueil mitigé de la part des communautés autochtones.

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Shawn Atleo, a évité les questions au sujet de la position exacte de l'APN concernant le C-27, mais il a émis une déclaration indiquant que le projet de loi renforçait la relation unilatérale d'Ottawa avec les Premières Nations.

«Les Premières Nations mettent de l'avant des plans basés sur nos droits et sur les principes clairs de responsabilité, de transparence et d'atteinte de standards mutuels», a déclaré M. Atleo.

«Nos gens affirment qu'il faut agir maintenant et que le gouvernement doit tenir compte de la recommandation de l'ex-vérificatrice générale, Sheila Fraser, selon laquelle il faut transformer fondamentalement les barrières systémiques au progrès qui sont en place actuellement.»

Durant son mandat, Mme Fraser avait souligné à plusieurs reprises la détérioration des conditions de vie sur les réserves et le fossé grandissant entre les autochtones et les autres Canadiens.

«Dans certains cas, la situation s’est même dégradée depuis nos vérifications précédentes : l’écart de scolarisation s’est creusé, la pénurie de logements de qualité convenable dans les réserves s’est aggravée […] les exigences administratives en matière de rapports se sont alourdies», indique son dernier rapport.

Projet de loi C-27

Certaines réserves, comme celle de Kitigan Zibi Anishinabeg au Québec, affichent leurs états financiers consolidés sur Internet afin que leurs membres puissent les consulter. Le gouvernement veut obliger les autres conseils de bande à faire de même.

Jean-Guy Whiteduck, un directeur administratif de Kitigan Zibi, affirme que ce devrait être une pratique ordinaire pour tous les conseils de bande. Il ne comprend pas pourquoi l'APN semble s'opposer à cette directive d'Ottawa.

«Les membres ont le droit de savoir», commente-t-il.

La critique en matière d'affaires autochtones du NPD, Linda Duncan, affirme qu'il ne s'agit pas de savoir si le projet de loi est bien ciblé, mais plutôt de savoir quelles sont les priorités. Son parti attend la rétroaction des Premières Nations avant d'annoncer sa position sur le projet de loi, mais de son côté elle remet en question son importance comparée aux autres questions pressantes.

«J'ai reçu des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits des centaines et des centaines de requêtes demandant d'agir, celles-ci concernent l'éducation, le logement, l'eau potable, la loi sur les biens matrimoniaux, les règlements de revendications territoriales – tous les sujets imaginables. Je dois dire, en toute honnêteté, qu'on ne m'a jamais demandé d'intervenir dans ce domaine [projet de loi C-27 / obligation de rendre compte].»

Elle critique la punition pour non-conformité du projet de loi, qui entraînerait un retrait des fonds fédéraux à la communauté. Cette dernière ne serait donc plus en mesure de fournir des services.

«Ça semble un peu sévère et je sais que bon nombre de chefs des Premières Nations sont offusqués, car le message semble être qu'ils sont tous étiquetés comme étant corrompus.»

Kelly Block, la députée conservatrice qui a déposé le projet de loi actuel en tant que projet de loi émanant d'un député lors du dernier Parlement, affirme que C-27 fait partie d'un effort plus large du gouvernement visant à s'attaquer aux défis auxquels font face les Premières Nations.

«J'avais espoir que les chefs des Premières Nations et les conseils auraient perçu ce projet de loi comme une manière importante d'implanter l'obligation de rendre compte.»

Elle mentionne que la clause du projet de loi qui prévoit couper le financement n'est rien de nouveau et qu'il s'agit d'un pouvoir que détient déjà le ministre des Affaires autochtones si les conseils de bande ne soumettent pas leurs états financiers. Elle explique que le projet de loi inclut cette clause pour clarifier la situation.

Mme Block est d'avis que la loi va attirer des investissements dans les communautés des Premières Nations en améliorant la transparence et la responsabilité.

Toutefois, pour Mme Duncan, cela soulève une question sur la direction que prend le gouvernement.

«L'accès à l'information est une mesure importante, mais je crois qu'il est de mon devoir, en tant que membre du Parlement, de travailler avec eux afin qu'ils obtiennent recours dans toutes sortes de domaines – les femmes disparues, les règlements territoriaux et l'autonomie.»

La situation à Attawapiskat n'est qu'une crise parmi tant d'autres qui affectent les réserves partout au Canada. Le contexte général s'impose en obstacle pratiquement insurmontable alors que les relations entre Ottawa et les administrations autochtones sont compliquées par la Loi sur les Indiens, un grand nombre d’obligations conventionnelles non respectées, des disputes territoriales irrésolues et des problèmes sociaux.

Tandis que le gouvernement affirme qu'il s'efforce de trouver une solution, rien d'aussi exhaustif que l'Accord de Kelowna – ayant été tablé sous l'ex-premier ministre Paul Martin – ne semble se dessiner. D'une valeur de 5 milliards de dollars, l'accord, comprenant une série d'ententes visant à financer des programmes sociaux, a été annulé par les conservateurs.

Version originale : Attawapiskat Crisis Prompts Takeover