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La Birmanie entre dans l'arène géopolitique

Écrit par Aron Lamm, La Grande Époque
06.12.2011
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  • La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton(攝影: / 大紀元)

L'ouverture vers l'Occident engage une lutte pour l'influence

La visite en Birmanie la semaine dernière de la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, une première du genre depuis 1955, pourrait avoir marqué l'entrée du pays dans le grand jeu géopolitique et dans la lutte de pouvoir régional.

Selon le professeur David Williams, spécialiste de la Birmanie et directeur exécutif du Center for Constitutional Democracy de l'Université de l'Indiana, le coup de barre soudain de la Birmanie vers la libéralisation pourrait être intimement lié à la décision du gouvernement de commencer à se tourner vers l'Occident plutôt que de dépendre d'un régime chinois de plus en plus intrusif.

Loin d'être un pion dans la lutte pour l'hégémonie entre Pékin et Washington, M. Williams affirme que la Birmanie a pris conscience de son importance stratégique et des options qui s'offrent à elle.

«La Birmanie apprend le jeu de la géopolitique», indique-t-il.

Pendant longtemps la Birmanie n’était pas une importante préoccupation pour les États-Unis. Trop distante et trop près de la Chine, elle ne dispose pas des ressources naturelles qui pourraient en faire un intérêt stratégique. Ne montrant aucun signe de fléchissement, le régime de terreur de la junte militaire était un partenaire difficile.

C'est plutôt la Chine qui a été le partenaire principal du régime birman, lui qui est demeuré relativement isolé. Ce partenariat a profité à la Chine – notamment avec la construction d'un immense projet d'oléoduc et de gazoduc et d'autres projets, particulièrement dans le nord du pays – et à la junte, en échange d’armement.

    

Lorsque Kurt Campbell est devenu le secrétaire adjoint pour l'Asie de l'Est et le Pacifique, un premier indice de changement est apparu lorsque le régime militaire, appelé le Conseil d'État pour la paix et le développement (CEPD), a indiqué à Washington qu'il désirait améliorer les relations.

M. Campbell a fait le voyage en novembre 2009 et, en apparence, la rencontre n'a pas porté fruit. La junte n'a montré aucun intérêt pour les réformes démocratiques ou les négociations, et M. Campbell est retourné bredouille et déçu. Un an plus tard, des changements ont commencé à se manifester.

En novembre 2010, le pays a tenu ses premières élections depuis vingt ans. Pour les généraux aux commandes, c'était l'avènement de la transition démocratique. Pour les détracteurs du régime, il s'agissait d'une parodie destinée à solidifier l'emprise des militaires derrière une façade civile. À la surprise de nombreux observateurs, le gouvernement civil a démontré son potentiel de vecteur de changement.

«La junte avait clairement l'intention de conserver le pouvoir, mais il est clair que les généraux autrefois tout-puissants sont nettement moins puissants. Ils ne seraient peut-être même pas en mesure d'effectuer un putsch s'ils le désiraient», soutient M. Williams. «Cela a fait du président Thein Sein une personnalité très importante.»

La junte a peut-être simplement mal calculé, suggère M. Williams. Lorsque le CEPD a décidé de forcer certains des siens à «prendre leur retraite» pour qu'ils deviennent politiciens, cela a eu l'effet d'une rétrogradation, puisqu'ils n'ont plus d’occasions de faire de l’argent.

«La nouvelle législature en veut au CEPD, ils ont l'impression qu’ils se sont faits avoir », explique M. Williams.

Cette rancœur explique peut-être pourquoi le gouvernement civil post-CEPD (le CEPD a été officiellement dissous en mars 2011) cherche à conclure de nouvelles ententes avec de nouveaux joueurs, tels les États-Unis, étant donné que la Chine était liée de près au régime militaire. Si la Birmanie veut se faire courtiser par l'Occident, elle doit s'ouvrir et démontrer au moins qu'elle cherche à se libéraliser.

Lorsque le président Thein Sein a annulé, en septembre, un contrat de plusieurs milliards de dollars avec la Chine pour la construction d'un barrage - un geste qui, selon certains commentateurs, aurait été influencé par Washington - la Birmanie l'a fait au détriment de futures cargaisons potentielles d'armes.

«C'est un développement très intéressant. Il a dit “coupez-nous les vivres si vous voulez”», analyse M. Williams.

Selon lui, finalement la Chine a un moins bon contrôle que prévu sur la Birmanie et il sera intéressant de voir comment elle va réagir suite aux récents évènements.

«Elle va vouloir empêcher le virage de la Birmanie vers l'Occident, mais comment? Elle pourrait offrir de meilleurs termes, plus d'argent et promettre de respecter davantage la souveraineté du pays. Cela ne veut pas dire qu’elle n’essaiera pas d’adopter des tactiques plus agressives, mais ce serait un mauvais calcul», explique M. Williams, prédisant qu'une telle approche ne ferait qu'accélérer le virage de la Birmanie.

La semaine dernière le chef de l'armée birmane, le général Min Aung Hlaing, a visité Pékin. Un effort, selon certains observateurs, pour rassurer le régime chinois, lui, qui demeure le plus gros investisseur étranger.

Un autre joueur dans la partie est l'Inde qui soutenait le mouvement démocratique au départ, mais qui «a adopté une position beaucoup plus cynique» en faisant affaire avec la junte birmane ces dernières années, selon M. Williams.

La Birmanie a une importance stratégique pour la Chine, puisqu'elle pourrait constituer une base ayant accès à l'océan Indien, ce que l'Inde ne souhaite aucunement. Même si M. Williams estime que New Delhi va vouloir contrer l'influence de Washington, il prédit qu'elle sera essentiellement bienvenue, car ce sera aux dépens de Pékin, et les relations de l'Inde sont meilleures avec les États-Unis qu'avec la Chine.

Malgré les signes de changement, M. Williams croit que le virage de la Chine vers les États-Unis ne se fera pas rapidement, tout comme il ne faut pas s'attendre à des progrès rapides dans le domaine des réformes démocratiques.

Lors d'une téléconférence opportune avec le Council of Foreign Relations à Washington le 30 novembre, la figure de proue du mouvement démocratique – Aung San Suu Kyi – avait espoir, mais elle a indiqué qu'il y avait encore beaucoup de chemin à faire. Le gouvernement doit encore garantir la primauté du droit, la liberté de la presse et la liberté des activités politiques avant d'arriver à la démocratie.

M. Williams est d'avis que Thein Sein et la branche exécutive vont demeurer fermement aux commandes dans un avenir rapproché et que les changements seront graduels.

Néanmoins, la vague de changements pourrait être irréversible.

«Souvent, quand les hommes forts font des concessions, ils croient pouvoir contrôler le processus, mais ça les dépasse rapidement. Il viendra un jour où le rythme des évènements va s'accélérer, mais ce ne sera pas dans la prochaine année», prédit M. Williams.

Durant la téléconférence, Suu Kyi a annoncé qu'elle allait certainement se présenter lors des prochaines élections. Si elle et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, entrent au Parlement, s'ils ont tout d'abord l'autorisation de participer, ils vont œuvrer pour le changement.

Version originale : Burma Learns to Play Geopolitics

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