L'insoutenable lourdeur de la politique

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, La Grande Époque
09.12.2011

  • Le ministre des Transports(攝影: / JEROME PREBOIS)

L'exercice de l'État

«La politique est une meurtrissure permanente», déclare un des personnages du film L'exercice de l'État. Qui aurait pu croire qu'un long métrage français contenant une telle réplique servie avec abandon se verrait décerner le prix de la critique internationale? Pierre Schöller est le scénariste et réalisateur à qui vont la majorité des honneurs. Une critique politique à l’emporte-pièce, rappelant celle de la minisérie québécoise Bunker, le cirque créée par Luc Dionne en 2002, mais nettement plus incisive.

Le ministre des Transports, Bertrand Saint-Jean (Olivier Gourmet, Congorama), vit un segment de sa carrière particulièrement éprouvant. Sa sensibilité et ses convictions sont rudement mises à l'épreuve dans les urgences qui n'en finissent plus, en plus du niveau d'hostilité, des luttes de pouvoir et du chaos d'une société qui s'effondre progressivement.

L'exercice de l'État se veut une débandade politique, une tourmente collective qui n'a pas de fin. Le film demeure globalement hermétique pour monsieur et madame Tout-le-monde. Les dialogues sont à couper au couteau à bien des reprises et le tempo expéditif ne possède à peu près aucun frein. Pour garder la route, le spectateur doit avoir une connaissance de base du monde politique, voire une connaissance minimale de la France. Un visionnement clairement réservé à des cinéphiles ayant comme passe-temps un intérêt pour la situation sociale et politique du monde.

Le parler-vrai de Pierre Schöller exprimé par plusieurs des personnages qu'il dirige est ce qui permet la balade en avion à réaction dans les coulisses de la politique d’être soutenable. La poésie-vérité qu'il leur injecte est également un tonique indispensable.

L'exercice de l'État terrorise non seulement par les relations viciées entre les hommes politiques (d'ailleurs très peu de femmes sont présentes dans leurs arènes), mais aussi par une orientation volontaire de Schöller à pousser le spectateur dans une hantise permanente. Les passages des rêves surréalistes à la Kubrick, la musique de Philippe Schoeller, tantôt expérimentale, tantôt inspirant l'horreur et la relation entre la perversité et l'agitation sont tous des éléments façonnant un film à la fois âpre et froid.

Aussi stable qu'un équilibriste, Gilles (Michel Blanc) sait très bien comment faire pour éviter de payer les pots cassés au ministère des Transports. La fine écriture de son personnage, en plus de son jeu d'acteur, produit un brassage irréprochable et méritoire.

Olivier Gourmet en Bertrand St-Jean, ministre entêté à demeurer en politique malgré le non-sens général, joue magistralement le rôle du personnage probablement le plus important de sa carrière jusqu'à maintenant. Philippe Schoeller a plongé son personnage principal dans plusieurs rings, entre autres, celui du rire, de la tension extrême, de l'ivresse et du désespoir. Gourmet parvient à conserver judicieusement son côté accablé et abattu, mais on ne peut plus sympathique jusqu’à la fin du film.

Rien pour prévenir le cynisme à l'égard de la politique, mais le spectateur découvrira dans L'exercice de l'État à qui il a affaire quand il est question de la gestion de l'État. Film coup de poing exigeant une bonne convalescence étant donné sa ressemblance pétrifiante avec le réel.